Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

«solutions» : Comptes Et Mécomptes D’un Plagiat Présumé !

«solutions» : Comptes Et Mécomptes D’un Plagiat Présumé !

Même si la rumeur n’aura duré que le temps d’une rose, l’accusation de plagiat faite par les détracteurs d’Ousmane Sonko pour son livre « Solutions » donne matière à réflexion. Loin de lui porter préjudice, c’est un énorme service que lui rendent ces critiques avec ce qui apparaît comme une publicité gratuite aussi bien pour Sonko que pour Ismaîla Badji, l’auteur « plagié ».

La politique, comme on le sait tous, n’est pas un long fleuve tranquille et les acteurs ne se font guère de cadeau. C’est donc de bonne guerre qu’aussitôt le livre de Sonko sorti, les partisans de l’APR le déchirent littéralement pour cause de plagiat. Sans avoir besoin de lire les deux livres, on se rend compte en se basant sur l’aspect purement formel, que les deux premières de couverture sont presque les mêmes. En effet, les deux titres se confondent à quelques différences près. Mais la question que l’on doit se poser est la suivante: suffit-il d’un simple titre pour établir le plagiat ?

Selon le dictionnaire Le Grand Robert, le plagiat est l’action du plagiaire, une « personne qui utilise les ouvrages d’autrui en les démarquant et en s’en appropriant le mérite ». Ceci arrive très souvent dans le monde de la politique où la communication est le nerf de la guerre. Il faut cependant préciser que l’intertextualité admet que tout texte puisse en rappeler un autre et qu’aucun écrit, qu’il soit politique, économique ou même religieux, ne puisse être indépendant d’un autre.

Peut-être est-ce ce qu’a compris l’auteur Ismaïla Badji quand il parle de « coïncidence » entre le titre de son livre et celui d’Ousmane Sonko. Plus important encore, la logique voudrait que ceux qui font le même diagnostic trouvent les mêmes maux s’ils sont d’égale compréhension de la chose. Au final, cette petite parenthèse fait sans doute le compte des deux auteurs qui se sont retrouvés pour dissiper tous les nuages. La situation que nous plonge ce bruit autour du livre du leader de Pastef n’est pas nouvelle puisqu’elle en rappelle d’autres, pas forcément des livres, qui ont tenu en haleine les observateurs de la scène politique.

A LIRE  Lettre à Mody Niang (Par le conseiller technique Cheikh Ndiaye)

REWMI, Apr-Yaakaar, bataille autour d’une appellation

Quand Idrissa Seck décidait de lancer son parti politique, en plein bras de fer avec le président Wade, le gouvernement Macky Sall s’y opposait catégoriquement. Non seulement le ministre de l’intérieur d’alors Ousmane Ngom refusait de lui donner un récépissé mais aussi le pouvoir, dans son entièreté rejetait le nom de sa formation. En conférence de presse, le 4 octobre 2006, le premier ministre Macky Sall disait : « Rewmi, notre pays en langue nationale wolof, est un patrimoine collectif, un bien commun dont nul ne peut s’arroger l’exclusivité, quelle qu’en soit la finalité » et qu’en conséquence, ils ne vont pas « accorder de récépissé à un parti politique qui s’appellerait Rewmi ». Toute l’énergie du gouvernement était transférée là-dessus pour faire route à un opposant à l’époque très coté.

Tout comme son prédécesseur à la primature, Macky Sall, renvoyé de l’assemblée nationale se vit refuser l’appellation de son parti APR-Yaakaar. Comme avec Idrissa Seck aussi, il dut faire face à une salve d’attaques dont la plus directe est celle émanant du secrétaire général du parti de l’Espoir/Yaakaar, un certain Mor Dieng qui s’en est plaint auprès du ministre de l’intérieur Cheikh Tidiane Sy. Rien en effet n’était laissé au nouvel opposant qui était attaqué de toutes parts par ses anciens camarades qui s’en prirent même au terme « République » dans l’appellation de son parti. Car « la République existe déjà dans ce pays, elle n’est pas à réinventer », disait Babacar Gaye porte-parole du PDS et Directeur de cabinet du président. Etre chef de parti aussi bien pour Idrissa que pour Macky était comme un crime de lèse-majesté humaine.

A LIRE  Corona: Vivre avec… Dé.con.fine.ment politique donc ! (Par Ibrahima Sene)

Trump, Macron, Fillon, De Gaulle, ces autres grands plagiaires

Le discours politique, de nos jours, est celui qui se vend le plus. L’intérêt que lui accordent les observateurs est énorme ; c’est peut-être la raison pour laquelle le plagiat passe difficilement. Aussi bien les médias que les experts en communication se délectent et se nourrissent du discours politique dans les plus grandes démocraties. Par deux fois, l’épouse de Donald Trump, Melania, a été accusée de plagiat, d’abord pour avoir emprunté un discours de Michelle Obama en 2016, ensuite lors de sa campagne « Be best » en Mai 2018 où son livret sur le cyber-harcèlement est décrit comme un pur « emprunt » d’un document publié sous Obama. Son mari également fait l’objet de plusieurs accusations dans ce sens soit par les journalistes soit par les Démocrates et est ainsi étiqueté comme le plus grand plagiaire.

En France aussi, les politiciens sont souvent attrapés la main dans le sac. En pleine campagne électorale, Février 2017, Emmanuel Macron accuse François Fillon de lui avoir plagié une partie de son programme. Ironie du sort, le président d’ « En Marche » sera accusé par deux fois pour plagiat d’un discours d’Adolf Hitler (ce qui lui vaut une plainte du Conseil Représentatif des Institutions Nazies de France) et de François Hollande en Avril 2017. Lors de cette course à la présidence française pleine de rebondissements, la patronne du Front National plagie son rival François Fillon et parle d’ « un clin d’œil, un petit emprunt ». Plagiaire, le président Nigéria Muhammad Buhari l’est aussi pour avoir prononcé un discours similaire à celui d’Obama en 2008. Même le général De Gaulle n’est pas épargné car sa formule « Si délibérer est le fait de plusieurs, agir est le fait d’un seul » est attribué à Montesquieu.

A LIRE  ENTRE L’AUBE ET LE CRÉPUSCULE D’AMADOU ÉLIMANE KANE OU UNE EXPLORATION EN PROFONDEUR DE LA CONDITION HUMAINE

Ce qui sort de cette analyse c’est que les politiciens, étant de grands orateurs et voulant toujours épater leurs audiences, tombent parfois dans le piège de l’ « emprunt » illégal. La recherche d’expressions « choc » qui pourraient même leur survivre est en effet à l’origine de plusieurs « copier-coller » de ces as de la communication. Tout compte fait, la fin justifie les moyens.

 

Ababacar GAYE

Ababacarguaye@yahoo.fr

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *