Il est certain que la souveraineté appartient au peuple. Lequel s’exprime la plupart du temps, lors d’élections. Celle qui se profile à l’horizon, fait l’objet d’une grande présentation, de part et d’autre. Normal, si l’on se réfère à l’agenda républicain. Le Sénégal a rendez-vous avec la démocratie et avec l’histoire le 24 février prochain.
Une date qui s’annonce très incertaine, une échéance à risques. Cette prévision morose tient des grands désordres notés en cette précampagne: désordre politique, nos valeurs dévoyées, désordre économique, désordre budgétaire, désordre social… Ceux ci engendrent d’autres désordres plus pernicieux dans le quotidien des sénégalais: à l’école, à l’hôpital, dans l’administration et pas seulement.
Un pouvoir impuissant face aux défis de l’heure. L’inauguration à outrance d’infrastructures non fonctionnelles est plus que révélatrice. Or, le Sénégal vit l’un des moments les plus sombres de son histoire. Une justice affaiblie, une santé malade, une administration politisée, l’installation progressive d’une dictature sournoise, promotion de la mauvaise gouvernance, règne de la corruption, distinction de contre-valeurs, violation des droits des citoyens…
Nul n’ignore la situation réelle du Sénégal et la profondeur de la crise qu’il traverse. Les difficultés et la colère de nombreux concitoyens sont irréfutables.
Mais le désir d’agir pour redresser notre pays est puissant. Il nécessite un engagement sincère doublé d’une forte conjugaison d’efforts, de sacrifices mais aussi d’amour, pour la patrie. Dans ce contexte, la logique voudrait qu’on en finisse avec ce régime amateur, le plus rapidement possible ! Mais il est quasiment impossible de faire un choix juste et réel dans les moments où la souveraineté est hypothéquée, la démocratie ne souffle plus… Organiser une élection présidentielle dans une situation pareille ou le désordre politique fait la loi, c’est noyer le pays dans un trou profond, la tête première !
C’est « recruter » tous les ingrédients pouvant nous faire revivre les moments les plus atroces de notre histoire politique. N’avons-nous pas tiré des leçons de la présidentielle de 1963? Une élection organisé par Senghor, avec des dizaines de morts et des centaines de baissés, dans la foulée. À l’origine, l’élimination des autres candidats au moyen du parrainage par élus.
Que dire de la présidentielle de 1983? Une élection organisée par le Président Diouf. Bilan collatéral: des centaines de blessés, plusieurs morts dont le chiffre reste toujours discutable. Le boycott d’une ethnie est passée par là.
Les présidentielles de 88 et de 93, avaient enlisé notre pays dans une crise sans précédent, avec un bilan accablant: un pays brûlé, des arrestations et des morts. Comme si cela ne suffisait pas, des années invalide et blanche, s’ensuivirent ! Ne cherchons pas loin. Cette situation a été causée par un manque de dialogue sérieux et sincère.
Le manque de consensus sur le processus électoral ponctué d’un déficit de confiance de certains sénégalais envers le conseil constitutionnel. Conséquence: la discréditation totale de cette haute juridiction. La suite, la démission d’un juge et l’assassinant d’un autre, par qui ?
Faut-il organiser une élection dans un moment où tous les signes de faux bonds se manifestent. L’année 2019 regroupe en elle tous les dangers de 63 -83- 88 -93 !
Des candidats n’ont-ils pas été éliminés par le parrainage ? L’idée du boycott n’a-t-il pas été agitée ? Le manque de consensus sur le fichier électoral n’est-il pas manifeste? Les décisions du conseil constitutionnel n’intriguent-elles plus d’un?
Comment on peut parler de la démocratie en modifiant la constitution à moins d’un an de l’élection présidentielle ? Calculs politiciens, manigances pour recaler des potentiels et menaçants candidats tels que d’anciens premiers ministres, d’anciens présidents d’institutions, d’anciens ministres et de directeurs… Modifier le code électoral dans la même période pour affaiblir les partis dits traditionnels, en excluant leurs candidats respectifs. On ne peut pas, non plus parler de démocratie dans un pays où un seul homme décide du sort de tout le monde.
Dans une élection la participation est la règle, la non participation en est l’exception.
Comment qualifier le fait d’imposer à des citoyens sénégalais un choix qui n’est pas le leur. La voix du peuple semble être confisquée. L’esprit du vote c’est de participer à l’élection l’élimination en est la trahison. Arrêtons de jouer avec la souveraineté du peuple. Le peuple n’a que les élections pour s’exprimer, si ce droit est violé le peuple perd sa souveraineté. Cette logique poussée jusqu’au bout, ne peut engendrer qu’un Président illégitime.
Nous assistons à des déclarations gravissimes qui menacent notre stabilité et celle des institutions. Nous entendons chaque jour des mots qui heurtent la conscience collective!
La société civile sénégalaise qui a participé à tous les combats démocratiques doit rester debout, plus que jamais. Grâce à nos hommes de valeurs, le Sénégal a échappé plus d’une fois à des crises qui tenaillent nombre de pays africains. Le manque d’élégance républicaine de nos dirigeants ne doit pas les décourager. Ces membres de la société civile sont les seuls alliés du peuple. Ils constituent son ultime recours pour la sauvegarde de notre démocratie si elle existe toujours.
Il est urgent que la société civile s’adapte en allant au delà des simples avertissements pour poser des actes concrets, à même de fouetter la conscience de tous les segments de notre réseau social. Le temps de l’observation n’a que trop duré.
Ces personnalités neutres doivent immanquablement initier des négociations pour le report de l’élection présidentielle. Une partie du peuple, de la société civile et des acteurs politiques, tous ces concitoyens confondus, ont l’impression de revivre l’an 2000 avec Diouf et l’année 2012 avec Wade, or nous sommes en 2019.
Deux sentiments m’animent si tristement: honte et peur. Honte: quand je vois des ministres de la République et pontes du régime en place recruter des hommes pour assurer leurs sécurités, j’en tire une conclusion très simple. C’est un manque de considération à l’endroit de la sécurité nationale. Mais en même temps, ces (ir)responsables politiques mettent à nu l’incompétence du ministre de l’intérieur et les carences de la politique sécuritaire.
Peur, parce que des pratiques comme celles-ci ont aggravé la situation d’un pays voisin en le plongeant dans une guerre avec son lot de conséquences désastreuses!
Il faut interroger ou convoquer l’histoire d’une part, et de l’autre jeter un coup d’œil sur certains pays voisins. C’est pour comprendre que la reconnaissance de résultats, et l’acceptation de sa propre défaite sont une marque de respect vis à vis du peuple et de maturité politique. Diouf l’a réussit deux fois en acceptant la défaite de sa coalition dans la région de Dakar lors des élections législatives de 1996 d’abord, à l’issue de l’élection présidentielle de 2000 ensuite. Wade en a fait de même avec l’élection de Khalifa SALL à la mairie de la capitale sénégalaise devant Pape Diop et Karim Wade, alors que ces derniers étaient parmi les hommes les plus puissants politiquement à Dakar en 2009. En 2012, une autre preuve de maturité et de grandeur de la part du président Abdoulaye Wade. Au Sénégal les résultats finals ont toujours confirmé les tendances et résultats chauds que les journalistes relayent en temps réel, à l’exception de l’élection législatives de 2017. Celles à l’issue desquelles la coalition BBY est sortie victorieuse à Dakar, devant la coalition dirigée par Khalifa Sall. Cependant, si les Présidents Diouf et Wade, en reconnaissant leurs défaites, inscrivaient leurs actes dans un registre de tradition démocratique au Sénégal, la perpétuité de celle ci est plus que jamais incertaine. Le 24 février, jour de tous les dangers, si on n’y prend pas garde. Alors tous les citoyens sénégalais sont interpellés pour éviter le pire !!!
Mouhamadou Abib SEYE
Citoyen sénégalais
groupei221@gmail.com
Share on: WhatsAppL’article De la nécessité de reporter la présidentielle, pour sauvegarder la paix et la stabilité de notre pays .