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L’atout Du Capital Humain Pour Un Changement De La Structure De L’économie Sénégalaise.

L’atout Du Capital Humain Pour Un Changement De La Structure De L’économie Sénégalaise.

Dans un pays où 42% des 16 millions d’habitants ont moins de 15 ans, la promotion d’un capital humain de qualité dans le cadre de la politique économique est une condition sine qua none pour atteindre une croissance robuste, durable et inclusive.

Le contexte et les enjeux démographiques du Sénégal posent avec acuité la problématique du capital humain. Dès sa conception en 2014, le Plan Sénégal Emergent (PSE) a bien compris cela en le mettant comme un pilier du trépied d’équilibre, avec la transformation structurelle de l’économie et la promotion de l’Etat de droit. Cependant, force est de constater qu’à l’épreuve de la réalité, hélas le focus est encore mis sur l’aspect économique de la transformation structurelle de l’économie, au détriment d’une prise en charge urgente de ce potentiel dividende démographique au mieux, de la prochaine bombe sociale au pis. Il nous paraît crucial dans ce papier de souligner les signaux faibles de cette tectonique des plaques pour décrypter les conséquences sur l’économie sénégalaise dans le proche et

moyen termes. De prime abord, Il est frappant de constater que le modèle économique actuel du Sénégal épouse parfaitement les contours de la théorie de l’économie duale d’Arthur Lewis. En gros, M. Lewis explique le piège économique des pays pauvres par l’écartement entre, d’une part, un secteur primaire très peu productif mais gros pourvoyeur de main d’œuvre et un secteur secondaire encore embryonnaire ; un secteur tertiaire très productif mais avec une main d’œuvre limitée, d’autre part. Le transfert de la main d’œuvre du secteur primaire vers le secteur tertiaire, essentiellement dans le commerce et l’informel, est le creuset même de l’absence de tissu industriel à-même d’absorber le surplus de main d’œuvre disponible sur le marché. Cette lente absorption de la main d’œuvre génère en outre une hausse des inégalités de revenus et perpétue les déficits publics, tout en favorisant une contre gentrification des zones périurbaines, un des effets de l’exode rural massif ! A titre illustratif, les chiffres de la Direction Générale de la Prévision et des Etudes Economiques (DGPEE) indiquent qu’entre 1980 et 2009, la productivité a connu une timide progression de +12,8%, avec un secteur primaire ayant connu une baisse de productivité de -3,1% et un secteur tertiaire performant à +11,3% et un secteur secondaire à +4,6%. Cette forte disparité de la productivité entre secteurs de l’économie est en effet un marqueur fort des économies des pays en voie de développement dont le Sénégal fait partie. Cette faible productivité se justifie aisément par une faible valeur ajoutée du capital humain dans la création de richesses. Les chiffres sont alarmants en effet. Selon le Rapport de la

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Productivité Générale des Facteurs (PGF), en prenant en compte l’apport du travail, du capital et des moyens de production. même DGPEE2 sur la capture du dividende démographique, 1 enfant sur 3 au Sénégal n’est pas scolarisé au niveau primaire. Quand il passe au cycle moyen, il a une chance sur 2 de ne pas terminer le collège ! Grosso modo, la construction moyenne de scolarité sur une génération est de 2,8 années, alors que des pays comme Singapour ou la Corée du Sud – comparables avec le Sénégal en 1960 – ont une moyenne de 15 années de scolarité, la moyenne dans les pays de l’OCDE étant de 8 années. Quant au ratio de nombres d’étudiants sur 100 000 personnes, le Sénégal se situe à 1000, selon l’UNESCO, quand la Corée du Sud est à 5000 et le Vietnam à 2000 étudiants. C’est en effet un ratio qui mesure la qualité d’un système éducatif performant. Pourtant, le législateur a bien légiféré avec un arsenal juridique imputant à l’Etat l’obligation d’assurer la scolarité obligatoire par la Constitution en ses articles 16 et 17, de même que la Loi d’Orientation Scolaire (LOS) 2004-37 qui modifie et complète la Loi d’Orientation sur l’Education 91-22 du 16 février 1991. La loi dit clairement que l’Etat a l’obligation d’assurer à chaque enfant une scolarité entre 6 et 16 ans. C’est en effet une spécialité bien sénégalaise de voter des lois sans les appliquer ! Par ailleurs, la capture du dividende démographique exige un investissement fort pour un lifting de la qualité du capital humain par une industrialisation de la scolarité. Cela se réfère ici à une approche de ce que les anglo-saxons appellent la knowledge-based economy, une économie basée sur le savoir. Cette industrialisation du secteur éducatif signifie une politique de soutien renforcée à l’érection d’une micro-économie autour des tenues solaires, des bus, des cantines,

de la menuiserie dédiée, etc. On n’ira pas jusqu’au développement sur l’Intelligence Artificielle (IA) au début. En revanche, ces trois mesures-clefs peuvent faire l’objet d’attention pour une première série d’actions prioritaires. Premièrement, il s’agira d’appliquer la loi en relevant substantiellement la durée de la scolarité pour atteindre les 10 années obligatoires. Deuxièmement, le relèvement de la qualité de l’enseignement, notamment le focus sur les sciences et technologies améliorera l’attractivité du pays pour les Investissements Directs Etrangers (IDE) pour des activités à haute valeur ajoutée. Et enfin, troisièmement, le financement de l’éducation par des lignes de crédit dédiées via la garantie de nos ressources pétrolières et gazières aura une portée directe sur l’allègement du portefeuille des ménages, donc un meilleur pouvoir d’achat. Car, rappelons-le, c’est une prérogative régalienne de l’Etat d’assurer une éducation de qualité gratuitement à chaque enfant de la patrie. Pour un pays où 76% de la population a moins de 35 ans, l’option d’une politique éducative ambitieuse est un choix stratégique qui ne doit souffrir d’aucune tergiversation. C’est tout le sens qu’il faut donner à l’impulsion d’une nouvelle économie sociale et solidaire pour enfin transformer structurellement l’économie sénégalaise en engrangeant une création de richesses fortes, partagées et durables. Le philosophe Edgard Morin disait : « C’est à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgent qu’on finit d’oublier l’urgence de l’essentiel »

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Seydina NDIAYE

Economiste, membre du Comité Scientifique

du CLUB SENEGAL EMERGENT

seydina.ndiaye@outlook.com

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