( Tableau 3)
Dans le salon de Guy-Marius Sagna. Même décor qu’au tableau 1. Il est en pleine conversation avec sa fille de six ou sept ans, Elisabeth, qui est assise à côté de lui
Dis papa, j’espère que tu vas rester avec nous ce soir…
Mais bien sûr ma chérie ! Pourquoi me poses-tu cette question ?…
Tu le sais très bien, papa ! Tu es toujours en train de faire des réunions avec tes copains et tu es plus souvent avec eux qu’avec nous !
Oh ! là ! là ! là !…
Qu’est-ce que tu racontes comme ça ma Lisa ?!
C’est vrai papa ! Dès fois tu restes même des jours sans venir à la maison !…
Je n’aime pas ça, papa, et maman non plus, dès fois même elle pleure parce que tu n’es pas là !
(Guy-Marius baisse la tête et reste silencieux un petit moment)
Bientôt je passerai tout mon temps avec vous, ma fille, je te le promets ! Ne t’en fais pas, tout ça va finir et nous resterons toujours ensemble…
Oh, papa, je serais tellement heureuse si tu faisais ça ! (un petit silence complice s’établit entre le père et la fille, interrompu par cette dernière)
Papa…
Oui ma chérie…
Papa, je ne suis pas contente !…
Qu’est-ce qu’il y a encore Elisa ?…
Papa, j’ai vu ta photo dans un journal ; il y avait plein de policiers autour de toi et ils voulaient te faire entrer de force dans une voiture, mais toi tu ne voulais pas et tu criais fort !…
( Guy-Marius est surpris)
Mais…où est-ce que tu as vu cette photo Elisa ?…
Je te l’ai déjà dit papa, dans un journal accroché au kiosque qui se trouve en face de la maison. Les policiers avaient l’air très méchant avec leurs casques. Il y en a même un qui essayait de te tordre le bras pour l’enfermer dans un gros bracelet en fer…
Mais pourquoi voulaient-ils te faire du mal, papa ? Qu’est-ce que tu leur as fait ?…
( Guy-Marius, d’une voix un peu lasse)
Rien, ma fille, je ne leur ai rien fait…
Alors pourquoi ils se sont attaqués à toi ?….
et puis ils ont l’air tellement méchants !…
Non Elisa, ils ne sont pas méchants….
ils font seulement leur métier…
Leur métier !….
c’est ça leur métier ?…
frapper les gens avec des bâtons pour les blesser, leur faire mal ?… drôle de métier ! Khana ils n’ont pas des enfants ?…
(Guy-Marius, gêné)
Écoute Elisabeth, laisse tomber cette histoire là…
C’est trop compliqué pour toi, tu comprendras plus tard, quand tu seras grande…D’accord ?…
( la petite fille, d’un ton résigné)
D’accord papa…
( Guy-Marius l’attire à lui et la prend dans ses bras)
Bon, maintenant je vais te raconter une belle histoire, un conte, qui s’appelle « Le roi et l’oiseau »
Ah ! merci papa !….comme je suis contente !
(elle applaudit et rit joyeusement puisse blottit dans les bras de son père)
Allez, on y va ! Leboon !…
Lippoon !…
Il était une fois, dans un petit pays au bord de la mer, un roi qui n’aimait pas qu’on…
( il n’a pas le temps de terminer sa phrase car il est interrompu par la sonnerie de la porte d’entrée qui retentit à trois reprises. Il dépose sa fille sur le canapé, se lève et se dirige vers la porte)
Oui…j’arrive… ( il ouvre la porte et tombe nez à nez sur trois flics en civil. Ils ont des mines patibulaires. L’un d’entre eux, grand de taille, moustachu et chauve s’avance alors vers lui…)
vous êtes bien Guy-Marius Sagna ?…
Oui, c’est bien moi…
Inspecteur Ali Samba Thioye du BIC, Bureau d’investigations criminelles ( il exhibe sa carte professionnelle) Ah, enchanté inspecteur, et que me vaut l’honneur de votre nocturne visite ?
Monsieur Sagna, vous êtes en état d’arrestation….
( Guy-Marius, feignant la surprise)
Ah bon ?…Et quel est le motif de mon arrestation ?
Nous-mêmes n’en savons rien. Nous avons seulement reçu l’ordre de vous arrêter un point c’est tout. Le reste ne nous intéresse pas.
Avez-vous un mandat d’arrêt ?
Non, on nous a dit que ce n’était pas la peine dans votre cas…
Mais c’est complètement illégal !… C’est de l’arbitraire !
Écoutez Guy-Marius, tout ça ce ne sont que des grands mots et tout ce que vous dites nous est bien égal…Nous on ne fait qu’exécuter les ordres. Assez tergiversé comme ça. Suivez nous, cela vaudra mieux pour vous… (intervention de l’inspecteur Birima Niao)
Ey yow, ouste way ! tu as assez fait de chichis comme ça !
Dites donc vous là, soyez plus poli hein !
( inspecteur Aymérou Sankaharé intervient à son tour)
Ah bon, tu fais le malin ? Tu veux jouer au guerrier ?
Je ne joue à rien du tout, mais je ne permettrai à personne de me manquer de respect….ce que vous faites n’est pas du tout normal !
(la voix enfantine d’Elisabeth s’élève à ce moment. Elle semble inquiète)
Papa, papa, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous parlez si fort ?
( Guy-Marius fait alors signe aux flics de baisser la voix)
Ce n’est rien Elisa, je suis seulement en train de causer avec mes amis ( puis se tournant vers les flics)
O.K c’est bon, je vous suis…
(inspecteur Birima Niao, d’un air méchant)
Hum ! loolu moo gën si yow dé !
Guy-Marius : Elisa, tu diras à ta maman que je suis allé en réunion avec mes amis quand elle aura fini de prendre sa douche…
Elisabeth : D’accord papa… mais ne rentre pas trop tard s’il te plait…N’oublie pas que tu dois me raconter le roi et l’oiseau avant que j’aille me coucher !
Guy-Marius ( avec des trémolos dans la voix) Oui ma chérie, c’est promis …A tout à l’heure !
(il emboite le pas aux flics. Avant de refermer la porte d’entrée de sa maison et d’entrer dans la voiture de la police il murmure d’une voix sourde :
Ce pays est foutu !….
(Rideau)
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