Ces derniers jours, la presse a fait cas d’une possible création d’un courant au sein de l’Alliance pour la République (Apr), le parti au pouvoir.
Rappelons que dans l’histoire de notre pays, chaque fois que des courants ont été créés dans un parti politique, cela s’est terminé par la création d’une nouvelle formation dissidente. Sauf pour le cas de la Génération du concret qui, elle, a abouti à la perte d’un régime.
Moustapha Niasse, actuel président de l’Assemblée nationale, avait créé au sein du Parti socialiste (Ps) le courant des «Refondateurs». C’est avec ce bras qu’il s’est farouchement opposé à Djibo Kâ et Ousmane Tanor Dieng. C’est même après une vive altercation avec le premier qu’il a été évincé du gouvernement, à l’époque.
Moustapha Niasse, esseulé au sein du Ps, sonne la révolte lors du fameux «Congrès sans débat» de 1996 au cours duquel lui, le chef de file des «Refondateurs» et grand cacique du parti, s’est vu préféré Ousmane Tanor Dieng par le Président Abdou Diouf. Niasse claque la porte du Parti socialiste et fonde, à la suite de son mémorable «Appel du 16 juin 1999», l’Alliance des forces de progrès (Afp).
Il se présente ensuite en victime des combines du régime socialiste et déclenche un vaste élan de sympathie autour de sa personne ; élan qui va le pousser à se présente à la Présidentielle de 2000.
Ce congrès de 1996 qui a vu Niasse claquer la porte marque également la création du courant du «Renouveau démocratique» toujours au sein du Ps par Djibo Kâ et une cinquantaine de responsables socialistes.
A l’instar de Niasse, Djibo finit, officiellement le 30 juillet 1998, par créer son propre parti dénommé Union pour le renouveau démocratique (Urd).
Il se présente aux Législatives de 1998, soutenu par une coalition de partis dont l’Union pour le socialisme et la démocratie de Mahmoud Saleh et Jëf-jël de Talla Sylla. Il remporte ainsi onze (11) sièges sur les 140 que devait compter l’Assemblée nationale.
A la Présidentielle de 2000, Djibo termine quatrième au premier tour avec 7,1% des voix avant d’apporter son soutien à Abdou Diouf au second tour.
Rien que pour ces deux exemples tirés de l’histoire récente de notre pays, nous constatons que la création d’un courant au sein d’un parti aboutit inéluctablement à la mise sur pied d’une formation politique dissidente.
Généralement, la création des courants sont agités dans les partis au pouvoir quand un débat sur une succession se pose, à trois (3) ou quatre (4) ans de l’échéance ; Jamais avant ! Au Parti socialiste, tout était allé très vite quand Tanor fut choisi en 1996, quatre ans avec les élections de 2000.
Au sein de l’Alliance pour la République (Apr), certains responsables veulent expérimenter la même stratégie. Ceux qui parlent ne sont pas seuls. Il serait même suicidaire de le penser. Au lieu de claquer la porte après avoir attendu vainement d’être exclus, ils préfèrent rester et massifier de l’intérieur. Dès qu’ils auront leur groupe, il restera à se faire connaître au grand jour à travers une conférence de presse comme l’avait fait Djibo Kâ. Ce que peut-être ces responsables ne savent pas, c’est le fait que la stratégie est tellement cousue de fil blanc qu’ils ne pourront pas bénéficier de l’effet de surprise et de l’élan de sympathie dont bénéficie généralement ceux qui arrivent à se «victimiser».
Dans un parti politique, on ne crée pas de courant, car lui-même en est déjà un. On est soit dedans soit dehors, mais pour cela, il faut du courage et de la responsabilité. Tout parti politique a une ligne et qui y adhère prend des engagements qui ne peuvent plus s’accommoder d’une certaine liberté criée urbi et orbi. Quand on appartient à une famille, on n’est plus totalement «libre» : on n’a plus le droit de se comporter d’une certaine manière ou de tout dire partout. Cela est une règle élémentaire du bon compagnonnage. On ne peut guère être pour et contre en même temps. Les discussions doivent se faire à l’interne et rien qu’à l’interne. Celui ou celle qui fait autrement cherche à affaiblir le socle sur lequel est bâtie toute la stratégie du parti au pouvoir.
Au sein de l’Apr, nous le disons et le répétons, aucune ambition politique ne pourra prospérer sans le soutien du président du parti. Ce dernier a toutes les cartes en main et est heureux celui ou celle qui lui témoignera loyauté et engagement dénués de tout calcul.
Les Sénégalais ont horreur de ceux qui trahissent la main qui les a une fois nourris.
Ne pas rentrer dans les rangs est suicidaire pour tout responsable qui nourrit, même secrètement, l’ambition d’entrer dans une dissidence même si c’est à travers un courant dans un premier temps.
Pour la suite, l’avenir nous édifiera !
Souleymane LY – Spécialiste en communication
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