Youssoupha Ndiaye est décédé à Saint-Louis, samedi, à l’âge de 83 ans. L’ancien président du Conseil constitutionnel a aussi été un «sage» dans le milieu sportif, le football notamment.
Discret. Youssoupha Ndiaye le fut jusqu’à sa mort, ce samedi 17 juillet 2021. Beaucoup l’avaient même oublié. Parce que, même s’il a fait parler de lui par ses fonctions internationales notamment, il avait tout de même disparu depuis son départ du gouvernement de Abdoulaye Wade. Un homme «transversal», décrivent certains. «Multidimensionnel» pour d’autres. C’est justement parce qu’il n’a pas fait carrière que dans la magistrature. Le sport aussi, particulièrement le football. Ce fils de chef de canton est mort à Saint-Louis où il a vu le jour le 9 mai 1938. C’est aussi dans la «vieille ville» qu’il a fait ses études primaires et qu’il va décrocher plus tard son baccalauréat série philosophie au Lycée Faidherbe en 1959. Et, en même temps, c’était le coup d’envoi d’une carrière sportive couronnée à l’image de celle intellectuelle entre 1953 et 1963. «International de football junior scolaire, joueur de football à l’Union sportive goréenne et à la Saint-Louisienne de Saint-Louis…» Ô divine surprise ! Youssoupha Ndiaye prend la médaille d’or des Jeux de l’Amitié de Dakar de 1963. Membre du Comité international olympique (Cio), il a été plusieurs fois à la tête de la Commission d’éthique.
«Les Sénégalais veulent cesser d’être de courageux affamés d’espoir»
A l’image de ses performances sportives, le juge qu’il est devenu depuis 1966 prend les escaliers pour atteindre les sommets de la justice. Il est d’ailleurs membre fondateur et président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) de 1968 à 1986. Sans doute, s’il y a un match qui l’a marqué dans sa carrière de magistrat, ce devrait être l’épisode douloureux de 1993. Président de la Cour de Cassation, il devient président du Conseil constitutionnel par décret n°93-183 en date du 2 mars 1993 du président de la République, après la démission de Kéba Mbaye. La température politique et électorale était chaude et le climat de confiance entre opposition et pouvoir était loin d’être clément. Le 15 mai de la même année, le vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye, est assassiné avant la proclamation des résultats des élections législatives, contestées par l’opposition. Youssoupha Ndiaye n’était non plus celui qui pouvait rassurer l’opposition incarnée par le Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds). Abdoulaye Wade l’accusait, comme d’autres avant lui d’ailleurs, d’être «un homme de Abdou Diouf». Mais, ironie du sort, le Bon Dieu a fait que c’est lui qui installera le Président de la première alternance politique. Avec cette phrase qui n’était pas loin de «Les Sénégalais sont fatigués» de Kéba Mbaye. Dans un article intitulé «Prestation de serment : Petites histoires d’un moment de grande solennité», publié le 1er avril 2019, le site nettali.com rappelait cette phrase de Youssoupha Ndiaye qui déclare dans un stade Léopold Sédar Senghor archicomble, devant une jeunesse acquise à la cause du Pape du sopi : «Les Sénégalais veulent cesser d’être de courageux affamés d’espoir. Ils souhaitent vivre dans la cohésion, la solidarité et la fraternité, dans le respect des valeurs de progrès.» Qui ne se souvient pas des échanges épistolaires entre Me Wade et Youssoupha Ndiaye dans l’affaire dite Alé Lô ? Mais si, comme le croyait l’opposant en 1993, le Youssoupha Ndiaye était un «homme de Diouf», alors il deviendra un «homme de Wade» ! En effet, le président du Conseil constitutionnel a écourté son inamovibilité pendant 6 ans pour rejoindre le gouvernement. Pour ce faire, il a dû saisir le Conseil le 5 novembre 2002 d’une «demande d’avis conforme tendant à mettre fin à ses fonctions». C’est acté, et le sportif prendra le ministère des Sports qu’il pilotera jusqu’en 2005.
Prédécesseur de Macky Sall, ministre des Sports par intérim
Dans un article intitulé «Le football est une affaire d’Etat» sur Rfi, Ddier Samson racontait les circonstances du départ de Youssoupha Ndiaye du gouvernement de Macky Sall, qui a d’ailleurs cumulé l’intérim de ministre des Sports : «Le troisième match nul de l’Equipe nationale du Sénégal, les Lions de la Teranga, face au Togo le samedi 18 juin à Dakar, a été fatal au ministre des Sports et à l’entraîneur de l’Equipe nationale. L’annonce du limogeage de Youssoupha Ndiaye, le mercredi 22 juin, a surpris mais pas étonné les aficionados du football sénégalais. Il fallait bien que quelqu’un paye les mauvais résultats de cette équipe qui n’arrive pas à retrouver son niveau de jeu qui lui avait valu une place en finale de la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2002 et quart de finale de la Coupe du monde 2002. Même si l’élimination de la Can-2006 en Egypte et du mondial 2006 en Allemagne n’est pas encore effective, les Sénégalais sont en très mauvaise position dans la course à la qualification. Ils sont troisièmes à 15 points derrière le Togo (17 points) et la Zambie (16 points).» Guy Stephan aussi, sauvé d’un limogeage en 2003 déjà par Youssoupha Ndiaye lui-même, ne pouvait échapper à la guillotine. Après son audience avec Macky Sall, il accepte le divorce «à l’amiable». Entre le ministre d’Etat et Abdoulaye Wade ce n’est plus qu’une séparation de corps, mais un divorce. Tiens, Youssoupha Ndiaye est aussi auteur de l’ouvrage «Le divorce et la séparation de corps (éditions NEA, 1979)».