Les institutions du Sénégal depuis bien avant son indépendance, sont issues directement des institutions de l’ancienne puissance coloniale française. Une indépendance négociée, dans la logique historique de la décolonisation par étapes des Territoires d’Outre-mer qui prévalait chez les autorités coloniales. Lesquelles étaient contraintes de desserrer l’étau de l’oppression, par les mouvements de décolonisation qui déferlaient de partout à travers le monde. Après les processus des politiques d’assimilation et d’émancipation des peuples colonisés qui ont conduit à des lois d’autonomie interne octroyées. Après l’instauration de la loi-cadre Defferre (loi 56-619 du 23/06/1956) qui organisait cette étape politique d’autonomie interne. La France du Général De Gaulle avait par la suite voté une nouvelle Constitution de la 5e République, qui à son tour organisait la Communauté Française sous forme fédérative avec ses territoire d’Outre-mer. C’était la grande brèche historique qui avait ouvert la voie des indépendances négociées et non arrachées (Guinée, Algérie…) des Etats africains qui accédaient enfin à la Souveraineté Internationale. L’ère de ce que l’on a appelé le néocolonialisme, prenait forme à partir des années 1959-1960. Elle se caractérise et se matérialise par la conclusion bi et multilatérale d’accords de coopération avec la France. Ceux-ci font maintenir la Zone Franc dans laquelle la France conserve un droit de véto sur les instituts africains d’émissions monétaires et font contrôler les avoirs financiers par le Trésor français. Les entreprises françaises quant à elles, conservent leurs privilèges (exonérations douanières…, libertés de transfert des bénéfices et garanties financières en cas de nationalisations). Il s’y ajoute la conservation des troupes françaises sur les territoires des ex-colonies. Symbole de domination s’il en est !
Les emblèmes marquants du parachèvement de cet « empire » français, ce sont les Constitutions des nouvelles Républiques tropicalisées et « De-Gaullisées ». La Constitution de la 5e République française, coupée et taillée pour servir de costume à la taille des 2 mètres de De Gaulle, est copié-collée sur les Etats africains. Au Sénégal, l’éclatement de la Fédération du Mali et le renversement de Mamadou Dia, sans rentrer dans les thèses d’histoire sur ces événements, ont vraisemblablement été inspirés et fomentés par la tutelle coloniale pour se débarrasser des régimes parlementaires aux influences socialistes. Depuis, le Président Senghor, avec l’aide de ses conseillers français, a bâti la première Constitution 5e République française version tropicale pour le Sénégal. Une Constitution qui n’a rien à voir avec notre sociologie, notre culture, notre histoire… Elle jure d’avec nos diverses réalités et identités propres et surtout avec notre idéologie politique africaniste (Nations nègres et culture : Cheikh A. Diop).
François Mitterrand avait qualifié la 5e République de coup d’Etat permanent. Il défendait une thèse qui semble aujourd’hui, décrire parfaitement la réalité formelle de notre Constitution, dans ses réformes et dans ses incarnations successives par Léopold Senghor Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall :
« J’appelle le régime Gaulliste Dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inéluctablement, il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’un nom plus aimable, Consul, Podestat, Roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres. Alors elle m’apparaît plus redoutable encore. » (François Mitterrand). Senghor avait pu se choisir un successeur à la faveur de sa réforme constitutionnelle, Abdou Diouf avait réussi à régner 20 ans durant (comme Senghor) par la mainmise totale sur l’appareil Etat-parti, sur l’organisation et la manipulation des processus électoraux. Abdoulaye Wade a failli réussir sa succession dynastique par sa réforme constitutionnelle heureusement avortée. Macky Sall lui, a parachevé la dictature institutionnelle du régime supra-présidentiel que lui confère la Constitution 5e République tropicalisée. Détenteur de l’initiative des réformes constitutionnelles avec et par la faveur de sa majorité parlementaire mécanique et téléguidée, il s’est modelé une Constitution à son embonpoint pour bannir et écarter ses opposants, torpiller les règles électorales et gagner avec ses propres résultats. Il vient aujourd’hui de se choisir potentiellement un probable successeur, qu’il essayera d’imposer de par ses pouvoirs présidentiels que lui confère son régime autoritaire. Recul de la souveraineté populaire, disparition latente de l’esprit républicain, caporalisation et renforcement de la justice régalienne, sont autant de caractéristiques qui sont communes à l’exercice des fonctions quasi-monarchiques de nos Rois sans couronne. Une caractéristique singulière y est incorporée, que la 5e République tropicalisée génère : C’est le régime policier, système politique qui conduit à contrôler par ses moyens institutionnels propres, les rouages de tout le pays, faisant des forces de défense et de sécurité, un puissant pouvoir tyrannique. Tous leurs faits de prince depuis l’indépendance, exécutés en toute irresponsabilité, n’ont été possibles que parce que leurs pouvoirs constitutionnels sont exorbitants, exponentiels voire outranciers. Cela est la conséquence des choix, favorisés par le truchement des suffrages universels imposés à des peuples sans réelle conscience démocratique, de nos dirigeants soumis aux influences de la tutelle néocoloniale. La véritable perpétuation de cette tutelle sur nos Etats et leurs chefs, c’est la copie conforme mais non adaptée des institutions françaises sur nos républiques « bananières » selon leur appellation.
Voilà pourquoi me semble-t-il, pour rompre avec les règnes despotiques de nos dirigeants « peaux noires masques blancs », Il nous faut aller vers la refondation de notre République, en faire une véritable République Sénégalaise, c’est-à-dire ancrée et campée sur nos valeurs. Faut-il encore s’entendre sur ces valeurs, leur véritable réalité progressiste et avant-gardiste, non rétrograde ni féodale, bâties autour d’un large consensus national référendaire. Par exemple, la laïcité sénégalaise est-elle le reflet de nos codes socio-culturels et de nos traditions religieuses ? La question reste posée.
Un texte fondamentaliste semble faire l’unanimité dans l’intelligentsia sénégalaise : « Pour ceux qui doutent encore de la vitalité des institutions de l’Afrique pré coloniale, retour sur la charte du Mandé adoptée en 1236 ! Toutes les valeurs humanistes dont l’Europe se prétend le pôle émetteur, y sont énoncées. Relire notre Histoire et y puiser des forces pour aller de l’avant, c’est cela l’Indépendance. » (Amadou Tidiane Wone). Ce texte est considéré par les peuples mandingues comme l’une des plus anciennes références concernant les droits fondamentaux de l’homme. Sa reconnaissance par l’UNESCO, comme « Patrimoine culturel immatériel de l’humanité», atteste de sa valeur juridique et de sa portée universelle. Une idéologie humaniste historique, africaine et commune, qui pourrait constituer une base consensuelle de réflexions et d’études pour des travaux lors des Assises Nationales II auxquelles j’appelle de tout cœur, autour de toutes les forces progressistes du pays, pour relancer notre démocratie. Concevoir la 4e République, dans des instances populaires représentatives et délibérantes, autour de propositions et objectifs précis de refondation de nos institutions, est la meilleure perspective de réussite. Pour tirer les leçons du passé, les politiciens signataires des conclusions à adopter à une très large majorité, devront se les approprier par un mandat impératif acté par serment solennel devant le peuple.
Le charismatique leader politique Abdourahmane Diouf et ses Jambaars ont la ferme volonté de créer un parti politique pour escalader la vallée de la Liberté. Notamment aller vers une République de concordance en substitution de la République concurrentielle qui conduit, par le biais de notre Constitution «Fabrique de dictateurs », à éliminer l’opposition des positions de pouvoir décisionnel. Il faudrait aller plus loin, dépasser la bascule d’un régime parlementaire vers un régime présidentialiste et concevoir un mi-chemin entre les deux : Re-conceptualiser la séparation des pouvoirs de Montesquieu, pour mieux aboutir à accentuer les contre-pouvoirs des uns sur les autres. Circonscrire et intégrer les pouvoirs religieux dans le dispositif institutionnel avec une définition consensuelle de leurs rôles sociaux-spirituels. Dépasser les politiques minimalistes et électoralistes de décentralisation, pour aller plus loin vers la provincialisation de nos territoires regroupés en de grands et véritables pôles régionaux de développement économique. L’objectif majeur étant de dégrossir le mammouth de Dakar et inciter les populations et les entreprises à migrer vers de meilleurs « espaces de vie » à l’intérieur du pays. Enfin et surtout, lancer les chantiers de l’édification d’une justice indépendante et responsable. La justice sénégalaise est assurément aujourd’hui le maillon le plus faible de notre démocratie. Minée de l’intérieur par la corruption et corvéable à merci par nos dirigeants politiques, elle n’est plus la balance de Thémis mais celle des puissants. Si par principe général, la justice est rendue au nom du peuple, il est temps que le peuple en assure le contrôle. Faire du Conseil Constitutionnel, Une Cour constitutionnelle, avec des juges soumis aux suffrages d’un large collège électoral constitué de toutes les forces vives de la nation et à des critères de sélection liés à des trajectoires de compétences et de vertu. Afin de leur conférer une légitimité démocratique à la hauteur de celle du Président de la République. Et en faire le véritable « gardien de la Constitution », n’en déplaise à Hadj Mansour. Nos éminents juristes auront la capacité d’en dessiner les contours et d’en formuler les règles.
C’est en tout cela que le parti d’Abdourahmane Diouf et ses Jambaar, n’est ni un parti de plus ni un parti de trop, mais un parti « Autrement ».
Naturellement toutes ces thématiques méritent d’amples développements. Elles ne sont exposées ici que pour essayer de tracer le plan de cette œuvre salutaire, en formulant de manière non exhaustive, les orientations et les nécessités de la reconstruction de nos institutions. Des hommes de bonne volonté, d’ambitieux et légendaires hommes politiques, des Thierno Souleymane Baal des temps modernes, sont appelés à porter ce projet, à l’assumer et à le réaliser. Pour rompre avec le statut de servitude mentale par rapport aux intérêts de l’Etranger et pour rompre avec les dirigeants qui imposent leurs intérêts au peuple mais à contrario, permettre au peuple d’imposer sa volonté à ses mandataires : Telles devraient être l’ambition et l’œuvre dévouées au nouveau parti que lance Abdourahmane Diouf et ses jambaar (30 octobre 2021). La construction d’une 4e République transformée en République véritablement sénégalaise est une foi ambitieuse et légitime que je comparerai au rêve de Martin Luther King : « Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir, une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre Nation en une superbe symphonie de fraternité ».
Vivement Abdourahmane Diouf et Jambaar yi !
Cherif Ben Amar Ndiaye