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Reponse À Mon Cher Colonel Et Ecrivain Moumar Gueye

Reponse À Mon Cher Colonel Et Ecrivain Moumar Gueye

Oh, que merci mon frère pour la vidéo transmise par Whatsapp ! J’avais, en son temps, dans les années 70-80, dévoré ce livre époustouflant: «Devoir de violence» de Yambo Ouologuem. Une écriture sortie des fours de l’imagination et qui ne pouvait laisser personne indemne.On sentait qu’il se passait quelque chose. Que quelque chose chez cet écrivain et dans cette œuvre, relevait presque de la … folie. Ce livre est une chevauchée folle qui ne laisse aucun cavalier sur la selle de son pur-sang ! On ne tombe pas. On voltige, on voltige…On reste entre ciel et terre !

Il faut aller lire ce livre de Yambo, pour comprendre pourquoi et comment Mbougar Sarr a réussi un chef-d’œuvre. Il n’est pas allé chercher loin, mais pour écrire ce qu’il a réussi à écrire, il a d’abord lu Yambo et surtout, surtout beaucoup, beaucoup travaillé. Les techniques narratives feront désormais les grands écrivains plus que la thématique choisie. Il s’agit de surprendre, d’étonner, de séduire et de bien écrire.

Nos écrivains lisent peu donc travaillent peu. Pas tous, grâce au ciel ! On les reconnaît bien vite avant la cinquième page.

Pour l’histoire, mon cher colonel et frère bien-aimé Moumar, apprend que nous étions allés voir Abdoulaye Wade, président de la République d’alors. Nous avions appris que Yambo était très malade. En vérité, il était entré dans la nuit et n’en sortait plus. Oui, il avait fini par perdre la raison. C’est cela qui nous a été finalement rapporté.

Le président Wade avait accepté notre proposition d’aller chercher dans son fief, au Mali, Yambo. Sans hésiter, il avait mis un avion à notre service. Il compatissait. Il avait, il a un faible pour les créateurs. Les bons ! Lui-même est artiste à sa manière : double personnalité, audacieux, excessif, créatif, généreux, imprévisible. Mais ces adjectifs ne font pas bon ménage avec un homme d’État. D’où l’apocalypse !

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Avec la bénédiction du président, nous prîmes l’attache de notre ambassade au Mali, pour jauger la situation et les modalités pratiques de ce voyage en terre malienne pour ramener le frère Yambo à Dakar. Nous avions décidé de vite l’interner à Fann et le faire soigner si, réellement, il était malade à ce point.

Avec ce que la méchanceté des hommes est capable de faire, il arrive que ceux qui n’ont plus que leurs souvenirs et leurs vérités pour vivre, sombrent. Yambo semblait délaissé. Partout.

Les autorités du district de Sévaré saisies, nous apprîmes qu’il serait impossible de ramener Yambo à Dakar, au regard de l’état mental sévère où il se trouvait. Cela semblait même risqué, nous avait-on signalé. Alors, meurtris, nous finîmes par renoncer au voyage. Nous avions essayé de sauver un des nôtres.

Le Sénégal, terre de littérature, de culture, avait pensé et son président d’alors avec, que nous devrions aller chercher Yambo Ouologuem. Son existence telle qu’elle nous avait été contée, était insoutenable pour nous, pour un créateur, un homme de culture, un homme tout court. Voilà où s’arrête l’histoire.

Il était utile de te la raconter, mon cher Moumar, cher écrivain, en prenant prétexte de ce bonheur immense d’avoir regarder un de nos jeunes compatriotes poser son front sur les étoiles. De son nom désormais sonore, Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021 au pays des Grands Blancs, a, comme un étrange destin, salué à sa manière la mémoire d’un fulgurant romancier, son devancier, et accompli à sa manière, ce que nous avions voulu accomplir et qui ne s’est pas accompli. Merci au président Wade, longue vie encore et que personne ne mette des limites à la bonté d’Allah !

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Moumar, mon frère, désormais Mbougar Sarr est inséparable de Yambo Ouologuem ! Puisse-t-il vivre deux vies et deux avenirs, pour longtemps, longtemps, car Yambo lui aura prêté sa vie tôt broyée et son avenir qui palpite par le mérite d’une œuvre grandiose que lui-même Mbougar remet sous la lumière. La vie de Yambo a été éteinte par le rejet, la calomnie, la méchanceté, la haine, la jalousie.

Les bons écrivains ne meurent jamais. Les mauvais également, paraît-il, puisqu’ils font longtemps rire. Morts, les bons écrivains ressuscitent toujours par le génie créateur de l’œuvre qu’ils ont laissée à la postérité, si ce n’est par la générosité de ceux qui ont gardé leur œuvre en mémoire, qui les venge et perpétue leur grandeur. C’était cela Yambo Ouologuem ! C’est cela que Mbougar Sarr l’inspiré, a donné et accompli. Le Goncourt 2021 n’est pas un hasard. Il était inscrit. Mbougar est simplement venu prendre son dû.Avec éclat, sérénité et une séduisante insolence dont il a le secret. N’est-ce pas Magib Sène ?

Reposes en paix Yambo.

Belle, très belle revanche Mbougar.

Pour toi, pour nous et au nom de tous.







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