La démocratie libérale recule dans le monde, et le retour par l’Est du tragique en Europe escamote le débat démocratique français. Il a aussi pour regrettable effet de limiter la confrontation d’idées que le scrutin présidentiel a pourtant vocation à favoriser.
Dans un monde où l’ordre international est bousculé et où l’hégémonie occidentale semble dépassée, l’avenir de notre diplomatie française aurait mérité un vrai débat.
Et ce, d’autant plus qu’une réforme dite de l’encadrement supérieur de la haute fonction publique conduira à la suppression, dans l’Hexagone, dès janvier 2023, de deux corps diplomatiques, au profit d’un corps interministériel unique, celui des administrateurs d’État : en ambassade, à l’exception notable de nos ambassadeurs, il n’y aura donc plus de diplomates de métier. Pour le meilleur ou pour le pire.
Changer de ton
Comment, dans ces circonstances, s’organisera l’action extérieure française dans les prochaines années ? C’est une discussion majeure que nous n’aurons pas. Son importance est pourtant avérée, en particulier pour les Français de l’étranger, dont parfois 80 % s’abstiennent de participer aux scrutins électoraux.
Je pense notamment au continent africain, qui fait beaucoup parler de lui pendant la campagne, parfois avec condescendance, souvent sous le prisme de l’actualité migratoire ou militaire, et alors même que tous les candidats s’accordent par ailleurs à reconnaître qu’Europe et Afrique ont destin lié.
Lors du vote, à l’Assemblée générale des Nations unies, condamnant l’invasion russe en Ukraine, des pays du continent tels que l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Algérie se sont abstenus, comme d’ailleurs la Chine et l’Inde, quand le Maroc et l’Éthiopie n’ont tout simplement pas pris part au scrutin. Et puis il y a les pays que l’on préfère ne pas lister, mais qui ont voté la résolution à contrecœur, cédant à une pression qui provenait parfois de la France.
Nous devons adapter notre action extérieure aux nouveaux défis de l’époque, en commençant par changer de ton avec nos partenaires. Entre le premier suffrage universel en France, le 11 août 1792, et le premier vote des femmes, le 19 avril 1945, il s’est passé plus de cent cinquante ans : à qui souhaitons-nous donner des leçons ?
Changer de ton, c’est aussi cesser les discours grandiloquents. La ritournelle des poncifs humanistes à laquelle on a été habitué pendant les derniers quinquennats peut rendre un discours agréable. Elle ne constitue pas pour autant une modalité efficace de notre action politico-diplomatique.
Face au ressentiment antifrançais d’une part, qui croît en Afrique pour des raisons qui ne sauraient tenir qu’aux seules entreprises de manipulation de nos rivaux, et d’autre part aux importants efforts qui sont fournis sur le continent par de puissants adversaires de la démocratie libérale, notamment la Chine, la Russie et la Turquie, quels moyens la France souhaite-t-elle se donner pour accomplir son destin de puissance d’équilibre ?