Il n’est plus besoin d’être un généticien pour en connaître un peu sur l’ADN devenu familier aux amateurs de romans policiers, films policiers et enquêtes criminelles. C’est le cas de l’auteur de ces lignes qui en avait écrit quelques lignes dans un ouvrage de 2018 Le Coran notre contemporain (Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, p. 87-94). C’est une certaine actualité politico-judiciaire qui pousse à y revenir avec un peu plus de détails.
L’acide désoxyribonucléique (ADN) est une molécule, présente dans toutes les cellules vivantes, qui renferme l’ensemble des informations nécessaires au développement et au fonctionnement d’un organisme. On parle d’information génétique, de génome. C’est par l’ADN que se transmet l’hérédité. Les cellules forment les chromosomes dans lesquels se trouve l’ADN qui comprend les gènes. Les gènes sont ainsi de petites sections de l’ADN.
L’ADN est utilisé comme preuve dans les enquêtes depuis les années 1990, comme empreinte génétique venant en complément des empreintes digitales
En 1910, Edmond Locard, qui a créé le premier laboratoire de police scientifique à Lyon, a énoncé un principe toujours d’actualité : « Tout individu se déplaçant dans un lieu y laisse des traces ». Des traces dites « silencieuses », des « débris humains ». À côté des empreintes laissées par les mains, l’ADN s’intéresse aux fluides comme le sang, la salive, le sperme.
L’ADN a été présenté comme la reine des preuves. Une infaillibilité véhiculée par les enquêtes criminelles des séries de télévision. La réalité est autre. Pour les spécialistes, les « forensic scientitsts », l’ADN est une épée à double tranchant : il permet d’innocenter un innocent, son ADN ne correspondant pas à l’ADN trouvé sur le lieu du crime ; mais il peut incriminer un innocent. Il est arrivé (cas réels dans des pays occidentaux) que l’ADN d’un individu soit trouvé dans un endroit où il est prouvé qu’il n’a jamais mis les pieds.
L’utilisation de l’ADN dans les enquêtes criminelles présente des limites. Des experts du « National Research Council » aux Etats-Unis ont attiré l’attention sur le manque de fiabilité des empreintes génétiques pour quelques raisons.
Les conditions de prélèvement des empreintes qui doivent être rigoureuses ne sont pas toujours respectées, et en laboratoire, la contamination des échantillons est facile. À la différence des empreintes digitales.
À cela s’ajoute une autre donne. En 2009, le journal anglais « The Sun » publie un article repris par le journal français « Le Monde » qui révèle que des chercheurs israéliens ont découvert qu’il était possible de falsifier l’ADN. Il est facile de fabriquer des échantillons d’ADN qui pourront être incorporés dans le sang ou dans la salive.
L’utilisation de l’ADN dans les enquêtes criminelles présente des limites. Des experts du « National Research Council » aux Etats-Unis ont attiré l’attention sur le manque de fiabilité des empreintes génétiques pour deux raisons.
– Les échantillons d’ADN sont très sensibles et peuvent être altérés par les conditions atmosphérique (humidité, forte chaleur, froid)
– Les conditions de prélèvement des empreintes qui doivent rigoureuses ne sont pas toujours respectées. Il faut des instruments adéquats manipulés par des experts, ce qui n’est pas toujours le cas surtout dans des pays de peu de criminalité où l’expérience fait défaut.
– Le transfert de l’échantillon en laboratoire doit aussi être effectué dans les mêmes conditions de rigueur et de compétence.
– La contamination des échantillons est facile. À la différence des empreintes digitales.
– Une fois au laboratoire, il a été constaté que des erreurs de manipulation ont occasionné des confusions et même des mélanges entre échantillons différents.
Les derniers progrès réalisés sur l’ADN ont montré que la transmission peut s’effectuer par sécrétion microscopique invisible de salive, par poignée de main, par pose des mains sur un objet dur. Cet ADN est très volatile, très mobile et certains individus sont beaucoup plus secréteurs que d’autres pour déposer inconsciemment leur ADN quelque part.
Aux Etats—Unis, pays de haute criminalité où est née l’utilisation de l’ADN, la foi que les jurys et les juges accordent à l’ADN n’est pas partagée par tous les scientifiques. Pour beaucoup d’entre eux, l’ADN n’est pas une panacée. Il peut être à l’origine de terribles erreurs judiciaires. C’est pour cela qu’il y existe des organisations de défense des justiciables victimes de condamnations sur la seule base de l’ADN.
C’est pour toutes ces raisons qu’un citoyen peut refuser de se soumettre au test ADN. C’est pour cela qu’aucune loi ne l’y oblige.
Article du journal Le Monde, 2009
« Il est si facile de falsifier de l’ADN
Contrefaire de l’ADN dans le but de voler l’identité génétique d’une personne et tromper les enquêteurs sur une scène de crime est à la portée de n’importe quel étudiant en biologie.
Le Monde avec AFP
Publié le 20 août 2009 à 10h54 Mis à jour le 20 août 2009 à 11h03
Des scientifiques israéliens ont découvert qu’il est aisé de contrefaire de l’ADN humain dans un but frauduleux de substitution d’identité génétique, notamment dans le cadre de relevés de scènes de crime. Dans le numéro de juin de la revue scientifique trimestrielle FSI Genetics, le chercheur Dan Frumkin et ses collègues publient les résultats d’une étude au cours de laquelle ils ont produit des échantillons de sang à partir d’ADN falsifié. Ils ont ensuite fait tester ce sang par les laboratoires de pointe de la police scientifique, qui n’ont rien décelé d’anormal.
Selon ces chercheurs cités par The Sun, il n’est pas difficile, avec un matériel élémentaire et des connaissances équivalentes à celles d’un étudiant de première année en faculté de biologie, de fabriquer artificiellement des échantillons d’ADN qui peuvent être incorporés dans la salive et le sang humain. On peut ainsi disséminer directement de l’ADN faux sur le lieu d’un crime. « Aujourd’hui, les méthodes d’identification ne permettent pas de distinguer entre des prélèvements de sang, de salive ou des surfaces en contact avec de l’ADN artificiel », écrit M. Frumkin.
Le FBI n’y a vu que du feu
« Pour fabriquer de grandes quantités d’ADN artificiel, il suffit d’envoyer une tasse de café sale ou un mégot de cigarette à un laboratoire, et pour une somme relativement modique, l’échantillon d’ADN collecté peut être identifié, puis reproduit et réexpédié dans une éprouvette », explique à l’AFP Elon Ganor, PDG et co-fondateur avec M. Frumkin de Nucleix, une start-up israélienne spécialisée dans l’analyse d’ADN. Il suffit alors d’implanter ces échantillons d’ADN, ainsi produits selon la technique dite de « l’amplification globale du génome », sur le lieu de n’importe quel crime. En conséquence, assure M. Frumkin dans Haaretz, « ce n’est qu’une question de temps avant que les criminels ne commencent à produire de l’ADN contrefait ».
Les chercheurs de Nucleix sont aussi capables de modifier l’ADN du sang par centrifugeuse en séparant les cellules rouges des blanches qui contiennent l’ADN d’un individu. L’ADN artificiel est alors ajouté aux cellules rouges, ce qui lui confère un nouveau profil. Un procédé des plus efficaces puisque un laboratoire aux Etats-Unis, qui coopère avec les médecins légistes du FBI (police fédérale américaine), n’a pas réussi à identifier la contrefaçon, raconte M. Ganor.
La preuve presque parfaite
Pour contrecarrer cette possibilité de fraude, Nucleix a développé une méthode scientifique d’authentification de l’ADN qui distingue entre faux et vrais échantillons d’ADN ou même d’identifier de l’ADN « contaminé » par mélange de plusieurs ADN, et qui permettrait de lutter contre le vol d’identité génétique.
Le recours à l’analyse ADN constitue actuellement un des outils les plus performants, sinon le plus efficace, pour les enquêtes criminelles.
« Dans beaucoup de procès, l’ADN permet de confondre ou d’acquitter un accusé au-delà de tout doute raisonnable », souligne Adam Friedmann, un spécialiste israélien de l’analyse ADN, du centre universitaire Ruppin. « Le profil ADN est une excellente technique en constante amélioration qui permet une identification sûre à pratiquement 100 % », insiste M. Friedmann. Selon lui, grâce à cette méthode, il est désormais de moins en moins nécessaire d’apporter d’autres types de preuves pour établir la responsabilité criminelle d’un suspect. »