Le soutien français, européen et étatsunien à l’Ukraine dans sa guerre face à la Russie offre un contraste saisissant avec celui en faveur des pays du Sahel qui font face au terrorisme international depuis au moins deux décennies.
De l’accueil massif et sans condition des émigrés ukrainiens aux assistances financières et à l’appui militaire sous forme d’armes, de munitions, de formation, de logistique et de technologies diverses, on constate un niveau d’engagement des Occidentaux pour l’Ukraine dont l’Afrique n’a jamais bénéficié.
Une aide massive en armements et des financements colossaux pour l’Ukraine
Canons, missiles, chars, drones et bientôt avions de combat, chacun des pays de l’OTAN aura fourni à l’Ukraine les armes les plus modernes et les plus performantes de son arsenal. Ainsi que la formation requise pour leur utilisation dont pas moins de 20 000 soldats ukrainiens ont déjà bénéficié.
L’assistance financière est tout aussi remarquable. Les Etats-Unis ont déjà débloqué pas moins de 75 milliards de dollars en « assistance humanitaire », « appui budgétaire » et autre « appui à la sécurité ». C’est 18 milliards d’euros que l’UE a déboursé pour « aide financière à court terme », outre le fonds de 500 millions d’euros pour l’achat d’armements. La France contribue à cette assistance à hauteur de 400 millions d’euros.
Aide en armement quasi nulle pour le Sahel
Alors que cet arsenal impressionnant et ces sommes colossales ont été consenties pour l’Ukraine, quid du Sahel après 10 ans de guerre ? Là, rien n’a été fait pour équiper les armées. Ou si peu !
À l’exemple du Mali, les quelques armes offensives, canons, mortiers et lance-roquettes notamment, dont l’armée disposait, de fabrication ancienne, provenaient de…l’Union Soviétique, de la Chine et de pays de l’ancien bloc de l’Est comme la Bulgarie… La contribution en matériels de guerre de la France, des pays de l’Union Européenne et des Etats-Unis s’est limitée à des véhicules de transport de troupe.
Au plan de la formation, l’UE a lancé en 2013 un programme pour former quatre bataillons de 700 hommes chaque année, dont on n’est pas sûr aujourd’hui qu’il ait atteint cet objectif modeste. Quant aux Etats-Unis, ils n’ont prodigué que des formations ponctuelles.
En matière de contribution financière à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, on observe la même parcimonie de la part de la France, de l’Union Européenne et des Etats-Unis.
« On nous écoute avec politesse, avec un petit sourire entendu, mais à l’arrivée il n’y a pas grand-chose« , déplorait ainsi Ie président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta, en faisant en 2019 le point sur les promesses du programme d’investissement prioritaire 2019-2021.
Et le président tchadien Idriss Déby d’indiquer que 10 milliards d’euros pour le développement et 400 millions de dollars pour équiper les armées avaient été promis. « Sur les 400 millions rien jusqu’à nos jours, sur les 12 milliards, rien », indiquait le président Déby.
De Serval à Barkhane, de 2013 à 2020, la France a investi : 450 millions d’euros par an jusqu’en 2020 quand l’enveloppe a été porté à 1.2 milliards. Soit moins de 6 milliards d’euros, y compris dans « l’action civile ».
Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » ?
Si l’Ukraine est menacée par la Russie comme on le prétend, les Etats du Sahel et toute l’Afrique font face à une menace existentielle. Déjà le terrorisme s’est propagé de la Somalie, au Mozambique, du Tchad à la côte ouest-africaine.
Alors pourquoi ce refus depuis plus de 10 ans d’apporter à l’Afrique l’assistance conséquente en armement et en financement qu’on apporte aujourd’hui si massivement à l’Ukraine ?
C’est que l’Europe et les Etats-Unis considèrent que l’Ukraine fait partie de leur espace vital aux plans culturel, politique et stratégique et que la Russie représente une menace existentielle pour eux. Par contre en Afrique, « l’ordre international » commande seulement de maintenir globalement la paix.
Pour ce faire, on a donné à la France du fait des accords de coopération militaire qui la lient aux États de la région, la mission « de faire le gendarme », c’est-à-dire de contenir « la menace du terrorisme islamiste » pour l’empêcher de déborder sur l’Europe à travers le Méditerranée.
L’US Africa Command lui apporte un appui ponctuel depuis quelques années dans cette tâche. Qu’importe si une guerre larvée perpétuelle s’installe et affaiblit davantage les États.
Leçons de la guerre d’Ukraine pour l’Afrique
Si l’Afrique doit tirer une seule leçon de la guerre d’Ukraine c’est celle-ci : elle ne doit décidemment compter ni sur la France ni sur l’Europe ni sur les Etats-Unis, ni sur aucune autre puissance pour la libérer de terrorisme et des forces négatives qui menacent aujourd’hui son intégrité territoriale et sa souveraineté.
L’Afrique doit compter d’abord sur elle-même.
Les Etats africains doivent comme l’Ukraine renforcer en premier lieu leurs armées sur tous les plans, de l’organisation à l’équipement, des capacités d’analyse stratégique et de renseignement à la communication militaire et à l’utilisation du numérique.
Ils doivent dans le même temps mobiliser leurs populations et les engager dans la guerre totale contre l’ennemi. L’Union Africaine et la CEDEAO devront déployer la Force Africaine en Attente dont on dit qu’elle prête depuis plusieurs années.
Dès lors, l’Afrique sera en mesure d’exiger de la communauté internationale, des USA, à la Russie, à l’Union européenne, à la France et à la Chine notamment une contribution conséquente, financière et en armement.