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À Propos Des Recours En Inconstitutionnalité Déclarés Irrecevables Pour Défaut De Production De La Copie De La Loi Attaquée. La Copie De La Loi Adoptée Doit être Mise à La Disposition Des Députés Dès Son Adoption Par L’administration Parlementaire, D

Par Mamadou Abdoulaye Sow, Inspecteur principal du Trésor à la retraite

Au cours de l’année 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur plusieurs recours en inconstitutionnalité introduits sur le fondement de l’article 74 de la Constitution, Parmi ces recours, trois ont été déclarés irrecevables par le Conseil constitutionnel parce que les requérants n’ont pas joint à leur demande la copie de la loi attaquée. En effet, dans les décisions n° 06/C/2023 et n° 07/C/2023 du 1er août 2023, le Conseil a considéré que « les requérants n’ont pas joint à la requête deux copies du texte de loi attaqué ; qu’ils n’ont pas établi que cette carence est indépendante de leur volonté » (Cf. considérants 6). Dans la décision n° 09/C/2023 du 14 décembre 2023 (Cf. considérant 8), le Conseil indique que « les conditions de recevabilité prévues par l’article 16 de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel n’ayant pas été respectées, la requête encourt l’irrecevabilité ». En réalité, dans cette affaire, c’est une condition, à savoir la production du texte de la loi attaquée, qui n’a pas été respectée.

 

En résumé, le point commun à ces trois décisions d’irrecevabilité c’est le fait que les députés n’ont pas joint à leur requête deux copies du texte de la loi attaquée. Le non-respect de cette règle de forme peut faire croire que les requérants ont préparé leur requête avec peu de sérieux. Mais il ressort de l’analyse de la décision n° 02/ C/2021 du 20 juillet 2021 et de celles citées plus haut que cette carence est indépendante de la volonté des parlementaires requérants ; elle résulte plutôt d’une volonté de blocage non fondé des services de l’Assemblée nationale.

 

On se demande pourquoi l’administration parlementaire refuse de donner aux députés de l’opposition parlementaire une copie du texte définitif de la loi adoptée si ce n’est pour les empêcher de saisir le Conseil d’un recours en inconstitutionnalité d’une loi dans les conditions et délais prescrits.

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Pour permettre aux députés d’exercer, sans entraves, le droit de saisir le juge constitutionnel d’un recours en inconstitutionnalité, la copie de la loi définitivement adoptée doit être mise à leur disposition par les services compétents de l’Assemblée nationale

 

À travers la décision n° 2/C/2021, le Conseil constitutionnel rappelle que « les députés tiennent de l’article 74 de la Constitution le droit de saisir le Conseil constitutionnel d’un recours pour faire déclarer une loi inconstitutionnelle en déposant au greffe de celui-ci, conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, une requête accompagnée de deux copies du texte de loi attaqué dans les six jours francs suivant l’adoption définitive de la loi » (Cf. considérant 15).

 

Le Conseil ajoute : « Pour permettre aux députés d’exercer, sans entraves, ce droit constitutionnel dans les conditions prévues par la loi, la copie de la loi adoptée doit être mise à leur disposition dès son adoption par l’administration parlementaire » (Cf. considérant 16).

 

Enfin, concernant la même requête, « le Conseil constitutionnel, pour assurer sa mission de régulation, a, à sa demande, obtenu du Secrétariat général de l’Assemblée nationale les textes de loi n° 12-2021 et n° 13-2021 adoptés par l’Assemblée nationale en sa séance du 25 juin 2021 » (Cf. considérant 17).

 

Dans l’affaire n° 5/C/2023 du 12 juillet 2023, les députés n’avaient pas également joint à leur requête le texte de la loi attaquée mais avaient produit « un procès-verbal interpellatif d’huissier du 12 juin 2023 duquel il résulte, selon les dires du Secrétaire général de l’Assemblée nationale, que ledit texte n’est pas disponible et qu’il ne peut en délivrer copie » (Considérant 9). Ayant conclu que « cette défaillance n’est pas de leur fait et ne peut leur être opposée » (Considérant 10), « le Conseil constitutionnel, à sa demande, a obtenu du secrétariat général de l’Assemblée nationale le texte de loi … » (Considérant 11).

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Dans l’affaire 9/C/2023, nous estimons que rien ne s’opposait à ce que le Conseil saisisse directement l’Assemblée nationale pour obtenir la copie de la loi de finances de 2024 attaquée. Mais, par un raisonnement expéditif et selon la compréhension que nous avons du contenu des considérants 6 et 7 de cette décision, le juge a estimé que l’huissier instrumentaire aurait dû s’adresser aux personnes habilitées à délivrer les textes de loi et notamment, au Secrétaire général de l’institution parlementaire et non à la député Madame Daba Agnan mandatée pour réclamer à l’administration de l’Assemblée nationale la copie de la loi contestée.

 

En tout état de cause, le juge constitutionnel aurait dû, à notre avis, s’intéresser aux propos prêtés au Secrétaire général de l’Assemblée nationale à savoir « la loi n’est pas encore promulguée » (Sur le même sujet, voir le considérant 13 de la décision n° 02/ C/2021 du 20 juillet 2021). S’il est avéré que ces propos sont du Secrétaire général alors ce dernier n’a pas sa place au secrétariat de l’institution parlementaire. Comment peut-il ignorer que le délai de saisine du Conseil commence à courir à compter de l’adoption définitive de la loi par l’Assemblée nationale et non pas après sa promulgation qui a pour effet de rendre la loi applicable. En effet, « ne peuvent être déférés au Conseil constitutionnel, en application de (l’article 74) de la Constitution, que les textes qui, à la date à laquelle des parlementaires prennent l’initiative de saisir le Conseil, ont le caractère de lois, c’est à dire ceux qui, au terme de la procédure législative, ont été définitivement adoptés dans l’ensemble de leurs dispositions par (l’Assemblée nationale) . C’est ainsi que le considérant 10 de la décision n° 02/ C/2021 rappelle très clairement que « le recours prévu par l’article 74 de la Constitution ne (peut) être dirigé que contre une loi qui n’est pas encore promulguée ».

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En définitive, deux questions méritent d’être posées :

 

* D’une part, la publication d’une décision du Conseil constitutionnel déclarant qu’une requête est irrecevable met-elle fin à la suspension du délai de promulgation de la loi attaquée ?

 

Rappelons que suivant la disposition de l’alinéa 4 de l’article 17 de la loi organique du 14 juillet 2016, « le Conseil constitutionnel se prononce dans le délai d’un mois à compter du dépôt du recours ».

Il s’évince de cette disposition que la publication d’une décision du Conseil constitutionnel déclarant l’irrecevabilité d’un recours ne met pas fin à la suspension du délai de promulgation de la loi attaquée ; une décision déclarant un recours irrecevable n’étant pas une décision de rejet du recours.

 

* D’autre part, et c’est la deuxième question, les requérants peuvent-ils reprendre leur procédure si les délais légaux ne sont pas épuisés ?

 

De notre point de vue, la décision d’irrecevabilité fait courir un nouveau délai de promulgation au cours duquel les requérants pourront présenter une saisine dans les conditions prévues par la loi organique relative au Conseil constitutionnel. En cas de requête irrecevable, le requérant peut reprendre sa procédure si les délais légaux ne sont pas épuisés. Cette position est fondée sur la réponse donnée en 2000 par le Conseil constitutionnel : « Aucune possibilité de régularisation n’est possible ; le Conseil dans un tel cas déclare la requête irrecevable et le requérant ne peut reprendre sa procédure si les délais légaux sont épuisés » (nous mettons en gras et soulignons).

 

En se fondant sur cette jurisprudence constitutionnelle qui, à notre connaissance, n’a pas évolué sur ce point, il est bien possible non pas de régulariser la procédure, mais d’introduire un nouveau recours si les délais fixés par le législateur ne sont pas épuisés.

 


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