Devant une opposition prise de sidération, le pays vient d’accorder une majorité parlementaire très confortable au Pastef et à ses dirigeants qui avaient pris le risque d’aller seuls aux élections, en dehors de toute coalition.
Alors que l’essentiel des partis du landerneau faisaient peu de cas de l’envergure de la déferlante politique dont la « présidentielle » avait déjà donné un avant-goût, nous faisions partie de ceux qui l’avions subodorée et annoncée dans différentes chroniques.
Cette victoire, comme la précédente, est le résultat de la rencontre de 2 phénomènes majeurs, que sont : une volonté inexorable de la jeunesse de prendre en main son destin, mais surtout, la détermination, le sens politique et le courage d’un leader hors du commun, Ousmane Sonko.
Le Pastef, qui a juste 10 ans d’existence, a tout balayé sur son passage (élections municipales, présidentielles et législatives) de 2022 à 2024 avec des scores inédits.
Le bilan politique du président Macky SallL est désastreux
Le Pastef s’est abattu sur les départements du Sénégal tel un tourbillon. N’y ont échappé que le Kanel, le Matam, le Ranérou et le Fatick, derniers « titres fonciers », du last président, qui sauvent son honneur et celui de ses lieutenants, au prix d’un lourd tribut, le sacrifice de la jeunesse de ces contrées, portée absente du grand bouleversement qui vient de se produire.
La victoire des forces de régression obtenue dans ces zones sans programme local ni bilan réel, relève davantage de l’escroquerie politique.
Pour ce qui concerne le Fouta, ces forces ont misé sur le pouvoir corrupteur de l’argent et la flatterie d’un particularisme ethnique et linguistique.
Cette escroquerie est d’autant plus intolérable que ces hommes politiques n’ont jamais défendu la promotion de la langue pulaar auprès des départements concernés de l’état ou à l’Assemblée nationale, mais s’en prévalent dès qu’ils sont sur le terroir.
La victoire dans le département de Matam a un nom : Farba Ngom, que Macky Sall animé d’un profond mépris pour les populations du pays, a eu le cynisme de porter au poste de vice-président « de facto » de la République.
Jamais un homme d’une aussi faible envergure intellectuelle, et aussi peu soucieux des dynamiques socio-politiques sur lesquelles reposent le pays, n’avait eu à se hisser à un tel niveau de pouvoir.
Jamais un homme politique aussi improbable, n’avait réussi à contrôler toute une région, en inféodant les uns par un discours « griotique » à l’endroit de son patron et en soumettant les autres par l’argent, le trafic d’influence et des réalisations « tape à l’œil ».
Cela rappelle étrangement l’histoire de l’empereur Caligula qui aurait projeté de nommer Consul son cheval Incitatus.
La région de Matam qui fût jadis si politique, avec des personnalités comme Aly Bocar Kane, membre fondateur du BDS de Senghor, Président du Conseil de la Jeunesse d’Afrique, membre fondateur du PRA Sénégal, coordonnateur PS du département de Matam, le Dr Moustapha Touré, l’écrivain Cheikh Hamidou Kane, l’administrateur civil du même nom, Abdourahmane Touré ancien ministre, Abdourahim Agne, pour ne citer que les plus illustres, passe aujourd’hui pour une zone cultivant l’ethnicisme, stigmatisation que nous nous étions attelés à déconstruire.
Malgré une victoire à la Pyrrhus dans ces zones, Macky Sall aura enregistré sur l’étendue du pays, une cuisante défaite, le faisant sortir de l’histoire par la petite porte.
Après s’être joué des Sénégalais pendant 12 ans et consciencieusement et mis en danger le vivre ensemble, voilà qu’il nous laisse en héritage un pays dévasté fonctionnant la tête en bas.
Le Projet préféré au PSE
Au plan économique, son plan d’émergence économique (PSE) adossé à un endettement improductif et pesant d’un poids excessif sur l’équilibre budgétaire, a été rejeté sans ambages par la jeunesse, qui lui a préféré le Projetdu Pastef.
Sa gestion chaotique caractérisée par des prévarications de toutes sortes et une répression sanglante des populations par les forces de défenses et de sécurité censées les protéger, a détourné de lui la jeunesse et la majorité silencieuse qui avait fondé des espoirs sur lui pour un « après-Wade » meilleur.
Au résultat, son parti l’APR s’est disloquée sous ses yeux ; qui plus est, il subit l’opprobre de la part de ceux dont il a fait la carrière et la fortune, y compris des membres de sa famille proche (frère et beau-frère).
Au plan international, il a ruiné son capital de considération bâti sur sa propension à maintenir l’économie dans l’extraversion, au profit du capital étranger.
Les autres partis alliés, issus des flancs du PS, du PDS, l’AFP et de la gauche, ont agi comme si cette configuration politicienne était éternelle, alors que la jeunesse leur avait déjà tourné le dos à la majorité présidentielle.
Contre toute attente, cet unanimisme dans l’analyse de la situation politique qui les a conduits lors du fameux dialogue national, à soutenir l’exclusion du Pastef de la scène politique, a sonné le glas du système partisan issu des indépendances, et fait émerger une jeunesse se réclamant du souverainisme, du patriotisme, du panafricanisme, et la mise en avant du souci du collectif et du respect du bien public.
Refusant de s’ajuster après les « présidentielles » par un rajeunissement de leur personnel et le renouvellement de leur offre politique, ils ont encore préféré aviver le feu supposé exister entre le président Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
Cette stratégie n’a pas prospéré.
On note une forme de bis repetita de la stratégie du « diviser pour régner », lorsque des voix s’élèvent pour migrer dans l’immédiat Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale comme président de l’institution
On en oublie que le leader politique a joué un rôle central dans la conception et l’élaboration du plan de développement économique dont il ne saurait se soustraire ou être soustrait de l’exécution, sans apparaître comme ayant failli à ses engagements par ceux qui lui ont tout donné politiquement.
Il est notoire en effet, que présider l’Assemblée nationale telle qu’elle est instituée, relève de l’inauguration des chrysanthèmes.
A propos du plébiscite électoral
Concernant l’avenir immédiat, le plébiscite électoral du Pastef sonne le glas des partis politiques et de leurs dirigeants qui ont malencontreusement pris l’option de se mettre en travers de la bourrasque « jeune ». L’argent, jadis facteur clé de l’issue des élections, sera progressivement relégué au second plan, derrière le bien être la collectivité (emplois, santé, éducation). A l’endroit des nouveaux dirigeants, il est loisible de constater qu’un contrôle populaire « à priori », centré la défense vigilante du nouveau système, voit le jour (contrôle des nominations aux fonctions d’état), quelquefois au détriment du Président de la République.
Cette forme de vigilance renseigne sur la dimension de l’espoir qui habite la jeunesse du pays. Fort de sa nouvelle majorité, le Pastef a un énorme chantier de réformes ouvert devant lui et des défis de taille à relever dans un contexte politique et social radicalement changé.
L’exécution du Projet dont le terme est fixé à l’horizon 2050, est au centre du mandat du président de la République Bassirou Diomaye Faye, prévu pour prendre fin en 2029.
En conséquence, ce mandat sera probablement consacré à la remise en ordre de l’économie, à la reddition des comptes, à la mobilisation des ressources de financement du Projet, aux réformes devant précéder la mise en place des prémisses d’une économie compétitive à l’export, gage d’une politique d’emploi saine et pérenne.
C’est la raison pour laquelle, le découpage du Projet en programmes quinquennaux ajustés à la durée du mandat présidentiel, est important, en ce qu’il permet d’avoir une visibilité sur les rendus et de faciliter le monitoring.
L’opposition actuelle, battue aux élections et « réduite à sa plus simple expression », entre dans une phase de «Décomposition/Recomposition ».
De ce fait, les partis qui émergeront, seront attendus sur leur capacité à participer positivement à la prise de décision sur les questions économiques nationales, ou dans le cas contraire, à élaborer leurs propres alternatives de développement économiques.
La situation de vacuité politique née des élections ne devrait pas induire de la part du Pastef, un défaut de partage du nouveau référentiel des politiques publiques avec de nouvelles forces partisanes et non partisanes.
Au-delà des partis consentants, ces forces pourraient être des Think Tank pluridisciplinaires et indépendants, des organisations de jeunes, des sociologues, philosophes, hommes de culture, de femmes non partisanes, d’universitaires et d’experts d’horizons divers, le patronat et le secteur informel, les syndicats, les représentants des banques et des marchés financiers entre autres, dans le souci de l’appropriation et de l’amélioration.
L’élaboration d’un Pacte général pour l’emploi (salarié et non salarié) pourrait découler de ces rencontres ; l’emploi est en effet, une composante essentielle de la cohésion sociale.
Au-delà de la question centrale de l’emploi, d’autres consensus forts pourraient être trouvés sur d’autres points tels que les réformes constitutionnelles annoncées, la mise en place d’une politique d’assainissement urbain apte à prévenir les maladies en rapport avec l’hygiène des populations, le développement du tourisme, la formation professionnelle dans le secteur informel, en particulier les artisans, la promotion des industries culturelles créatives aptes à générer des biens exportables et non contraints par les lois du marché international, la transformation numérique comme vecteur principal de la croissance économique.