J’ai beaucoup hésité, avant de décider de répliquer au coordonnateur du Pnar dans son droit de réponse paru dans Le Quotidien du mardi 9 janvier 2018 sous le titre «Halte à la manipulation de l’opinion». J’avais hésité, dans le simple but d’éviter de créer la polémique, mais à y regarder de plus près, une réponse est nécessaire, au nom de la vérité et de la bonne information. Et cela, non pas pour être dans une posture d’émotion, d’invectives et d’injures, mais plutôt dans un climat serein de débat d’intellectuels, produisant des chiffres découlant de sources qui sont indiquées.
Cette réaction de clarification va s’articuler autour de cinq points qui me semblent être les plus importants, à savoir :
- Le potentiel des superficies rizicoles du système pluvial au Sénégal ;
- L’option de la double culture dans le système irrigué, comme principale rupture du Pracas Riz ou du Pnar 2 Bis ;
- La problématique de l’évaluation des objectifs du Pracas – Riz ;
- La question du financement de la commercialisation du riz ;
- La problématique des statistiques agricoles au Sénégal.
Le potentiel des superficies rizicoles du système pluvial au Sénégal
Au Sénégal, les aires protégées couvrent 32%, les terres non cultivables couvrent 49% du pays et les terres arables sont estimées à 3 800 000 ha (19% du territoire national), dont 2,5 millions sont emblavés en moyenne par an. On y cultive, selon une moyenne des 5 dernières années (2011-2015), de l’arachide (près de 913 141 ha), du mil (820 140 ha), du maïs (136 277 ha), du sorgho (129 965 ha), du niébé (125 647 ha), du riz (123 527 ha), etc. Source : Dapsa, avril 2016.
Est-ce que toutes ces terres présentent toutes les aptitudes requises à la riziculture, avec des niveaux de rendement à la hauteur des objectifs affichés ? La réponse est bien sur que non !
Le concept de riziculture pluviale au Sénégal, défini par le système de production où l’alimentation hydrique est assurée par la pluviométrie, regroupe des écologies très diversifiées, avec des potentiels très différents. On peut citer :
- la riziculture pluviale stricte de plateau où le riz peut être cultivé en rotation avec les autres grandes cultures comme l’arachide, le maïs, etc. Toutefois, les besoins en eau du riz, relativement supérieurs à ces cultures pour un cycle cultural de même durée, font que ce système n’est envisageable que dans des zones à isohyètes annuelles supérieures à 750 mm et un sol à composition plus fine en taille et en proportion de sable, de limon et d’argile. Ce système n’est pas réellement praticable partout au Sénégal.
- La riziculture de bas-fond dans les vallées et dépressions encaissées, où les sols généralement de types lourds (forte teneur en argile et autres éléments), sont favorables à la submersion permanente ou temporaire. Elle est la plus représentative du type de riziculture pluviale en termes de superficies potentiellement exploitées. Malheureusement, les successions des cycles de sécheresse ont significativement réduit les aptitudes à la riziculture de cette écologie, à cause des phénomènes de salinisation et d’ensablement des rizières. Cette situation a obligé les producteurs à s’orienter de plus en plus vers la riziculture stricte de plateau.
- La riziculture de nappe ou de transition entre le plateau et le bas-fond où le riz, en plus de la pluviométrie, bénéficie de l’assistance de la nappe qui lui assure une alimentation hydrique complémentaire. Cette écologie, caractérisée par des sols d’accumulation d’argile, de limon et de matière organique, est bien apte à la riziculture. Cependant, cette écologie n’est pas très étendue dans toutes les régions.
- La riziculture de mangrove dans les zones du domaine fluviomarin où la dominance de sols sulfatés acides ou fortement salés nécessite des interventions de mise en valeur relativement couteuses. En plus, les résultats de ces interventions ne pourront être garantis que si les contraintes physico-chimiques (salure, acidité, toxicité ferreuse) sont ramenées à des niveaux compatibles à la biologie du riz qui affectionne des sols ayant une bonne teneur en matière organique et un PH neutre entre 6 et 7,5, etc.). C’est cette situation difficile à avoir qui montre que cette écologie de riziculture pluviale est très marginale.
Cette grande variabilité des écologies de riziculture pluviale et la diversité des potentialités spécifiques intrinsèques à chacune d’entre elles, imposent aussi une spécificité de la carte de variétés de semences, qui empêchent de faire la riziculture partout au Sénégal. Il s’y ajoute, concernant la question de la disponibilité des semences de riz pluvial, que les données, disponibles au niveau des Directions régionales du développement rural (Drdr), révèlent que les quantités de semences sont insuffisantes et plus de 60% de ces semences sont constitués de Sahel 108, une variété destinée au système irrigué. Cela montre que les quantités de semences en système pluvial sont insuffisantes et en grande partie, inadaptées.
Ce sont toutes ces considérations, entre autres, la connaissance de ces écologies spécifiques très diversifiées et la répartition des emblavures pluviales (183 000 ha) fournie par le document officiel du Pracas, qui m’ont permis de donner les chiffres de potentiel rizicole de 147 000 ha pour la Casamance (ZG, SD et KD) et de près de 35 000 ha pour les cinq régions (KG, TB, KF, KK et FT). Ces chiffres sont vérifiables par tous dans le document officiel du Pracas à la page 27.
Comme vous pouvez le constater, M. le coordonnateur du Pnar, je n’ai pas parlé en l’air et vous vous êtes trompé quand vous dites, je cite «il faut lui enseigner que la superficie de ces 5 régions (FT, KK, KF, TB, KG) est de 8 millions 263 mille 200 ha et la recherche a mis au point des variétés de riz de plateau…qui autorisent la riziculture dans, au moins, le cinquième de ces régions, soit plus d’un million 600 mille ha», car toutes les terres du Sénégal ne sont pas arables, encore moins rizicultivables, comme cela vient d’être démontré ci-dessus.
En conclusion pour ce premier point, nous pouvons retenir que les terres arables du Sénégal, d’une superficie de 3,8 millions, d’ha sont inférieures à la superficie totale couverte par les 5 régions (citées ci-dessus), estimée à 8,263 millions d’ha par le coordonnateur du Pnar. Ensuite, que le potentiel des terres rizicoles pluviales estimées à 183 000 ha (36 000 ha pour les 5 régions du Centre-Est et 147 000 ha pour les 3 régions de la Casamance) est fiable et déterminé sur la base de critères scientifiques : la grande variabilité des écologies de riziculture pluviale et la diversité des potentialités spécifiques intrinsèques à chacune d’entre elles. Enfin, le document officiel du Pnar confirme ces chiffres du potentiel de la riziculture pluviale avancés ci-dessus. Source : Pages 19 et 27, Pracas.
L’option de la double culture pour le système irrigué, comme principale rupture du Pracas Riz ou du Pnar 2 Bis !
Pour atteindre l’objectif d’autosuffisance en riz en 2017, le gouvernement du Sénégal a opté, à partir de 2014, de faire sept (7) ruptures, dont la redéfinition de la contribution des zones de production, la redéfinition de la mission des zones de production pour l’approvisionnement du Sénégal en riz et celle de l’intensification de la double culture dans le système irrigué qui y figure comme cinquième point. Source : Page 50 – Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise – Pracas – Volet agricole du Pse.
Cette option de rupture, notamment de la double culture, a effectivement conduit aux projections d’emblavures en hectares dans la vallée du Fleuve Sénégal comme ci après :
2014 : 40 000 en CSC et 50 000 en hivernage, soit 90 000 ha
2015 : 60 000 en CSC et 60 000 en hivernage, soit 120 000 ha
2016 : 65 000 en CSC et 65 000 en hivernage, soit 130 000 ha
2017 : 70 000 en CSC et 70 000 en hivernage, soit 140 000 ha
(Source : Page 26 – Pracas – Volet agricole du Pse.)
M. le coordonnateur du Pnar, conseiller technique du ministre de l’Agriculture, ces chiffres ci-dessus découlant de l’option de la grande rupture proposée par le Maer, que j’ai tout simplement rappelés et que je continue de citer, constituent les chiffres du seul document officiel disponible du gouvernement, dont la préface est signée par le Dr Papa Abdoulaye Seck, ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural. Comme il n’existe pas un autre document officiel à notre connaissance, nous ne pouvons pas arrêter d’y faire référence, sauf preuve du contraire. Cette option-là ne signifie pas avoir une vision dogmatique et statique, mais c’est plutôt adopter la démarche scientifique, logique et normale. Si le gouvernement a changé de référence et que le Pracas -volet agricole du Pse- ne constitue plus le document principal, alors le Maer avait l’obligation de l’indiquer, en informant officiellement les acteurs et les Sénégalais, sinon le document du Pracas reste pour nous la référence officielle.
M. le coordonnateur, même si l’on prend vos prévisions d’emblavures annoncées dans votre réponse : 114 000 ha en 2015 ; 110 000 ha en 2016 et 112 500 ha, l’on peut constater qu’elles ne sont pas loin des prévisions du document officiel, quelle est alors la pertinence de votre remarque forcée ? De même avec toujours vos prévisions, le constat de la faiblesse des superficies réelles emblavées par année dans la vallée du fleuve (entre 60 000 et 65 000 ha) et celui de baisse des superficies emblavées en hivernage (inférieures à 30 000 ha), quand on dépasse 30 000 ha en Csc, sont toujours constatables et avérés.
Ces constats de fond contestés par le coordonnateur du Pnar, sont confirmés par les sources de la Saed sur une période de quatre ans (2014-2017), comme le tableau ci-dessous les montre :
Libellés |2014 |2015 |2016 |2017
CSC (ha) |30 888 |35 000 |44 000 |42 073
HIV (ha) |29 724 |28 000 |25 000 |28 811
TOTAL (ha) |60 612 |63 000 |69 015 |70 884
(Source : Rapports Saed, 2017)
En effet, la lecture de ce tableau indique que, de 2014 à 2017, les superficies emblavées en campagne d’hivernage, normalement devant constituée la grande campagne (près de 50 000 ha dans le passé), baissent et sont bien inférieures à 30 000 ha quand les superficies emblavées en Csc sont supérieures à 30 000 ha.
D’autre part, le tableau donne une moyenne annuelle d’emblavure, sur quatre ans, autour de 65 000 ha par rapport à un objectif annuel moyen de 120 000 ha du Pracas riz. Cela montre le faible niveau d’atteinte des prévisions de superficies emblavées dans la vallée qui, même avec les données de M. le coordonnateur, se situerait au maximum à 58% (54% par rapport aux prévisions des superficies emblavées du Document officiel du Pracas cité plus haut). Avec tous les cas d’hypothèse, on arrive ainsi à des résultats de superficies emblavées très faibles 58% ou 54% malgré toutes les tentatives de démontrer le contraire par le Maer.
Ces résultats d’emblavures des superficies en Csc et en hivernage donnent une idée de l’ampleur de la non-atteinte des objectifs de production du Pracas Riz, qui avait affecté une contribution de la Vallée du Fleuve Sénégal de 912 000 T dans l’objectif global de 1 600 000 T de paddy.
En 2017, avec un rendement moyen annuel de 6T/ha et des superficies de 70.000 ha, la production annuelle estimée de la Vallée du Fleuve du Sénégal serait à 420 000, correspondant à un niveau d’atteinte 46% par rapport à 912 000 T de l’objectif assigné par le Pracas (Source : Données Opf et Saed de 2017)
Vu ce faible niveau d’atteinte des objectifs de production du Pnar en 2017, on doit accepter qu’un bilan à mi-parcours, après quatre campagnes agricoles réalisées, était nécessaire et opportun pour discuter et changer à temps sur les hypothèses, les mauvais comportements de certains acteurs et arrêter une meilleure organisation dans la mise en œuvre du Pnar.
La moyenne nationale des emblavures en riz des 5 dernières années (2011-2015) indiquée plus haut dans les sources du Maer s’élève à 123 527 ha (y compris l’irrigué qui occupe 60 000 ha). Cela montre combien les statistiques que j’avais annoncées, venant des organisations de producteurs fédératives (Opf) de riz, qui sont de 140 000 ha de riz emblavés en pluvial en 2017, constituent des valeurs «fortes» qui indiquent des avancées de plus 60 000 ha, faisant parfois sujet à des doutes de gonflement. Ces 140 000 ha emblavés en riz pluvial en 2017 constituent ainsi un très grand bond en termes de surfaces cultivées par rapport aux années passées.
Les Organisations de producteurs fédératives (Opf) ont aussi estimé les rendements moyens à 1,5 T par ha (plateau et bas-fonds), du fait des nombreuses contraintes liées à chacune des écologies de riziculture pluviale évoquées plus haut. Sans être très exhaustif, les plus significatives évoquées cette année portent sur :
- la salinité de plus en plus poussée des terres de la Casamance (ZG, KD et SD) détenant près de 80% des sols aptes à la riziculture pluviale ;
- Les problèmes de disponibilité (quantité et qualité) et d’accessibilité des semences Nerica et Arica adaptées à nos sols rizicoles ;
- Les problèmes de disponibilité et de l’accessibilité des engrais de couverture ;
- La mauvaise répartition de la pluviométrie, notamment les déficits hydrique inter saisonnier et de fin de cycle. Celui en fin de cycle a été le plus déterminant puisque coïncidant avec les périodes de floraison ;
- Le non-respect des dates de semis de la première semaine du mois de juillet.
Ce sont principalement tous ces facteurs limitants combinés, qui n’ont pas permis aux producteurs d’avoir un rendement moyen supérieur à 1,5 T par ha.
Les superficies emblavées de 140 000 ha, avec le rendement moyen de 1,5 T/ha, donnent une production estimée à près de 210 000 tonnes de paddy pour le système de riziculture pluviale, soit 32,7% par rapport l’objectif de 640 500 T du Pnar. Cette production réalisée fait 50% de la production de la vallée du fleuve Sénégal (Vfs) et est loin des 600 000 tonnes de paddy avancées par le Maer ou 536 131 tonnes pour faire plaisir au coordonnateur du Pnar.
Ces quantités de paddy produites avancées par le Maer traduisent que les 8 régions du système de riziculture pluviale (FT, KK, KF, KG, TB, SD, KD et ZG) sont autosuffisantes en riz (350 000T de riz blanc). Cette situation d’autosuffisance signifie que les producteurs de riz et le reste de la population de cette zone n’ont plus besoin de riz importé, alors que toutes les boutiques de ces 8 régions en sont pleines. En effet, les informations collectées auprès des professionnels du commerce du riz renseignent que près de 400 mille tonnes de riz importé sont acheminées annuellement vers ces régions. De même, les bulletins de suivi hebdomadaire de l’Agence de régulation des marchés (Arm) montrent que les stocks de riz importés sont disponibles dans les boutiques des 8 régions sur toute la période de l’année.
Pour revenir sur la production nationale, si l’on ajoute les 420 000 tonnes paddy produites par la Vfs aux 210 000 T du système pluvial, cela donne un total de 630 000 tonnes de paddy, voir 660 000 tonnes de paddy avec la production de l’Anambé, dans le meilleur des cas. Il faut rappeler que la production nationale était estimée à 469 649 T en 2012, soit une progression notable de près de 190 000 T de paddy en cinq (5) ans.
La production nationale de près de 660 000 T de paddy, réalisée en 2017, est très loin des 1 015 360 tonnes de paddy avancées par le gouvernement. Avec un coefficient de décorticage de 55% appliqué aux 660 mille tonnes de paddy produites, cela donne une production de riz blanc de près de 363000 tonnes, soit 33,6% d’atteinte des objectifs du Pnar ou Pracas riz qui étaient fixés à 1 080 000T.
Les volumes d’importation (850 000T) ajoutés à la production nationale de riz blanc (363 000 T) donneront une quantité totale de 1 213 000 tonnes de riz blanc. Cette dernière, comparée à notre consommation nationale qui est estimée à près de1 050 000 tonnes de riz blanc, donne une différence de près de 163 000 tonnes, représentant un stock de près de 55 jours de consommation. Cette différence peut être considérée comme un tonnage de sécurité que le ministère du Commerce compte parmi ses outils de régulation. On voit bien que cette production nationale estimée à 363 000 T de riz blanc est bien conforme avec la réalité de nos importations moyennes annuelles qui s’élèvent aujourd’hui aux environs de 850 000 tonnes de riz, alors qu’elles étaient près de 650 000 tonnes en 2013 (Document principal du Pracas, page 25).
C’est pourquoi, je persiste à dire que cette production nationale que nous avons estimée à près de 660 000 T de paddy, correspondant à près de 363 000T de riz blanc, constitue les chiffres réellement réalisés, n’en déplaise aux sirènes, parce que c’est cela la vérité.
Il est possible d’atteindre l’autosuffisance en riz, mais en changeant les hypothèses (notamment la double culture) et les délais (par exemple 2025), avec plus de responsabilisation des acteurs, de concertation, d’organisation, de souplesse et de méthode dans la mise œuvre.
Et j’en profite pour ouvrir une parenthèse et lancer un cri de détresse sur l’urgence de la restructuration, de la réhabilitation et la mise en marche des barrages anti-sel de Guidel et Affignam en Basse et Moyenne Casamance, de même que l’aménagement des terres dominées par ces ouvrages, la construction des digues anti-sel et toutes autres mesures, dans le but de contribuer à la désalinisation des terres du Sud. Cela va ainsi contribuer à l’augmentation du potentiel des terres de la riziculture pluviale, estimé à moins de 200 000 hectares.
L’évaluation des objectifs du Pracas – Riz
Il est incompréhensible et même surprenant, de la part du représentant du Maer, concernant la façon de calculer un taux d’atteinte d’un objectif général, de faire une moyenne arithmétique de cet objectif général (atteindre 1 600 000 T de paddy pour l’autosuffisance) avec d’autres objectifs «spécifiques» ou «nouveaux indicateurs», à savoir «faire en sorte que les Sénégalais mangent le riz local ou faire en sorte que le riz soit produit partout où c’est possible» , ayant tous reçu un taux de satisfaction de 100% ! Ce procédé relève d’un mélange de genres, de choses qui ne sont pas de même nature, ni du même ordre. D’un point de vue scientifique, cela n’est pas faisable et pose des problèmes de cohérence.
A mon sens, l’évaluation de la mise en œuvre du Pracas-Riz ou Pnar doit se faire sur la base des objectifs, engagements et indicateurs contenus dans le document principal du Pracas Riz et non à partir de «nouveaux indicateurs créés» du Maer cités plus haut.
Pour rappel, les principaux objectifs et engagements du programme d’autosuffisance en riz sont nombreux et importants. Sans être exhaustif nous en citerons quelques :
- couvrir la demande nationale en riz blanc estimée à 1 080 000 T correspondant à 1 600 000 T de paddy par la production nationale en 2017 ;
- Faire baisser les importations et rendre le solde de la balance commerciale positif en 2017 ;
- Mobiliser 424,7 milliards de F Cfa pour financer l’autosuffisance en riz, soit 73% du coût total du Pracas arrêté à 581 milliards ;
- Faire passer le coefficient d’intensification à 1,8 dans le Delta ;
- Réaliser 5 centres semenciers dans les zones de production (5 centres de traitement, avec leurs laboratoires et un entrepôt de 10 000 m2) et 40 entrepôts de riz de 2 000 m2 ;
- Réaliser des aménagements rizicoles à hauteur de 40 000 ha dans le plateau, 20 000 ha de bas-fonds et 35 000 ha réhabilités dans la Vfs et dans l’Anambé) ;
- Reconstituer le capital semencier en riz afin de satisfaire aux besoins semenciers en riz pour 2017 (515 T de base et 18 240 T de R1 pour le système pluvial et 475 T de base et 16 731 T de R1 en irrigué), soit près de 35 000 T de R1 attendues en 2017 pour les deux systèmes ;
- La part du Pnar dans la création de 85 552 emplois par an, soit 342 210 emplois avant 2017 par le Pracas ? , etc.
(Source : Document Principal du Pracas-Volet agricole du Pse)
Par rapport à ces objectifs et engagements, il urge pour le Maer et le gouvernement de faire ce bilan-là, entre autres, sur ces points, afin d’éclairer la lanterne des Sénégalais qui attendaient beaucoup de ce programme. Tous les acteurs savent et le Maer sait aussi, que les réalisations du gouvernement sont loin d’être satisfaisantes, avec des niveaux d’atteinte des objectifs fixés trop faibles, constatés par tous les professionnels et les gouverneurs de région.
C’est certainement ce qui avait motivé le chef de l’Etat, le Président Macky Sall, lors du Conseil des ministres du 12 février 2017, «à demander au gouvernement, de lui présenter, dans les meilleurs délais, l’évaluation du Programme national d’autosuffisance en Riz (Pnar) qu’il a initié pour renforcer la politique nationale de sécurité alimentaire et rééquilibrer le solde de notre balance commerciale». (Source : Communiqué du conseil des ministres du 12 février 2017.)
Tous les acteurs professionnels de la filière attendent toujours avec impatience cette évaluation nécessaire et incontournable de cet important programme pour le Sénégal. En effet, notre pays reste toujours dépendant des importations de brisures de riz (850 000 T en moyenne par an et coûtant près de 175 milliards de F Cfa de sortie de devises) qui viennent d’un marché mondial toujours résiduel et incertain, où seulement 7% du produit sont commercialisés.
Ce programme d’autosuffisance en riz, qui est important et très stratégique pour notre pays, doit être placé au dessus de la mêlée et des contingentements de politique politicienne. Son évaluation doit se faire avec cet esprit de détachement, en responsabilisant les acteurs dans la mise en œuvre de cet exercice.
La question du financement de la commercialisation du riz
M. le coordonnateur, vous dites dans votre droit de réponse au nom du Maer, je cite «… Dire qu’il y a des problèmes de financement en fonds de roulement pour acheter du paddy, ressemble à de l’intoxication ; en effet, constat curieux, car le Maer a mis en place un fonds de commercialisation de 5 milliards F Cfa non encore épuisé par les acteurs».
C’est vrai qu’un fonds de commercialisation de 5 milliards a été créé, et qui constitue une avancée que nous avons saluée à l’époque, mais ce dernier ne peut pas régler les préoccupations des acteurs, au vu des ambitions du programme de produire près de 900 000 tonnes dans la Vallée. La preuve, les besoins en fonds de roulement pour acheter par exemple 200 mille tonnes de paddy (près de la moitié de la production réalisée dans la Vfs) s’élèvent au moins à 26 milliards de F Cfa. Comme on dit, cela peut amorcer la pompe, mais ne constitue pas une solution adéquate. A ce problème de faiblesse, il s’ajoute que les acteurs n’arrivent pas à épuiser les 5 milliards du fonds, selon le coordonnateur du Pnar, cela prouve ainsi un autre problème de financement, celui de l’accès des acteurs. Comme on peut le constater, il y a des difficultés de financement de la commercialisation : ce n’est pas de l’intoxication, mais une contrainte réelle des acteurs.
De manière générale, le financement en fonds de roulement des industries agro-alimentaires se pose pratiquement pour toutes les filières agricoles, et en plus du riz, nous sommes en train de vivre celui de l’arachide avec acuité. C’est ainsi une problématique globale très importante qui devrait figurer en bonne place dans les assises sur l’agriculture sénégalaise qui méritent d’être organisées.
La problématique des statistiques agricoles au Sénégal
De manière générale, la fiabilité des statistiques au Sénégal, et en particulier, celles agricoles, se pose avec acuité et constitue une préoccupation majeure pour tous les acteurs professionnels de terrain, les partenaires techniques et financiers, et même pour les différentes composantes du gouvernement.
M. le coordonnateur du Pnar, conseiller technique du ministre de l’Agriculture et de l’équipement Rural, votre affirmation, en guise de réponse dans Le Quotidien, je cite «La méthodologie utilisée est basée sur un échantillonnage tiré sur l’ensemble des ménages issus du dernier recensement général effectué par l’Ansd. Les résultats issus de l’enquête agricole, effectuée chaque année, sont validés par une mission conjointe composée de Fao/Cilss/Pam/Fews-Net/Gouvernement du Sénégal.», ne règle pas le problème sérieux qui est posé.
En effet, le problème n’est pas une question de méthodologie, de modélisation et de validation par une mission conjointe ! Les problèmes que nous acteurs de terrain, rencontrons et n’arrêtons pas de poser, se situent au niveau de la fiabilité du système de collecte des données et certaines corrections qui y sont apportées au moment du traitement et de la synthèse. En guise d’illustration, lors du conseil interministériel du 21 février 2017, le problème de la fiabilité de nos données et statistiques agricoles s’est posé et avait conduit à beaucoup de questionnements et de débats sur les chiffres avancés sur la production agricole par le Maer. Une situation qui a poussé d’ailleurs le Premier ministre à recommander, je cite : «La mise en place d’un système de monitoring dédié au programme national d’autosuffisance en riz, pour avoir des statistiques fiables, département par département et un mécanisme d’évaluation de l’offre et de la demande, un dispositif qui devrait être fédéré par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).»
(Source : Communiqué du Porte-parole du gouvernement, M. Seydou Guèye – conseil interministériel du 21 février 2017 sur la commercialisation du riz local).
C’est pourquoi, je continue à penser et à dire que la fiabilité des statistiques agricoles se pose et les plus hautes autorités de ce pays en ont conscience. La Fao et les autres institutions internationales, même en faisant une mission conjointe, et on sait comment cela se passe, ne sont pas responsables de la production des statistiques qui reste une question de souveraineté nationale. Eh oui, en gonflant les statistiques agricoles sur le riz, sur l’arachide et sur d’autres spéculations, comme c’est le cas dans notre pays, on crée une situation non réelle où la conséquence, c’est l’augmentation artificielle de la richesse nationale produite et des taux de croissance (agricole et national) ne correspondant pas à la réalité. Cela est un grand dommage pour les populations et pour le pays !
Saliou SARR
Economiste Agricole
Président d’honneur de la Fpa et du Ciriz