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Le Bilan D’un Président N’est Pas Si Déterminant Pour Sa Réélection Au Sénégal

Le Bilan D’un Président N’est Pas Si Déterminant Pour Sa Réélection Au Sénégal

Depuis 2000, on peut remarquer qu’au Sénégal, le bilan du Président de la République sortant n’est pas si déterminant pour sa réélection. Le Président Diouf qui avait misé sur ses réalisations (code électoral consensuel de 1992, forages, moulins, piscine olympique…) pour conserver le pouvoir en 2000 fut battu malgré l’utilisation abusive de la RTS pour vanter son bilan. Le Président Wade fut réélu en 2007 sans bilan reluisant mais en 2012, il fut battu avec un bilan très favorable. Comme le Président Diouf, le Président Wade abusa aussi de la RTS pour convaincre les sénégalais qu’il avait bien travaillé et qu’il méritait un troisième mandat.

Pour la présidentielle de 2019, le Président sortant, sa coalisation et ses souteneurs croient dur comme fer que le Président Macky Sall sera réélu au premier tour grâce à son bilan. La RTS de 2018 rappelle curieusement celle de 2012. Pour être réélu en 2019, il faudra beaucoup plus que le bilan pour le Président Macky Sall. Les deux alternances démocratiques de 2000 et de 2012 ont montré à qui sait décrypter que les électeurs sénégalais sont matures et que nul ne peut plus les berner.

En 2000, le Président Abdou Diouf avait la conviction qu’il serait réélu facilement au premier tour. Il faisait confiance à ses collaborateurs qui le confortaient dans sa certitude de rester à la tête du pays. La propagande médiatique a été utilisée sans modération pour faire croire que le Président Diouf était le meilleur et que les autres candidats étaient des aventuriers dangereux indignes de la confiance des sénégalais. Le Président Diouf minimisait l’exclusion de Moustapha Niass du PS et la démission de Djibo Ka du même parti. C’est après sa défaite qu’il avoua son ignorance du mécontentement généralisé dans le pays et regretta les sorties de Moustapha Niass et de Djibo Ka du PS.

Le Président Diouf sous-estimait également, royalement, ses adversaires politiques qu’il traitait de tous les noms d’oiseaux. Le locataire du palais de la république était convaincu que Abdoulaye Wade ne sera plus Président du Sénégal et que Moustapha Niass et Djibo Ka étaient des ingrats, des hypocrites et des nains politiques. Au soir du 19 mars 2012, le Président Diouf fut battu à plate couture par son opposant numéro 1, Maitre Abdoulaye Wade.

En 2007, le Président Wade gagna la présidentielle triomphalement malgré les protestations véhémentes de l’opposition d’alors. A son actif, il n’y avait pourtant pas grand-chose en termes de réalisations. Le candidat Wade avait bénéficié d’un contexte politique et social apaisé. Le peuple, très mature contrairement à ce que pensent les hommes politiques surtout s’ils sont au pouvoir, avait réélu triomphalement Maitre Wade lui offrant ainsi l’opportunité de réaliser ses nombreux projets.

En 2012, le Président Wade était candidat pour un 3ème mandat consécutif. Il avait de nombreuses réalisations incontestables à faire valoir : infrastructures dont tout sénégalais est fier aujourd’hui, nouvelles universités, révolution agricole (GOANA, Plan REVA…), renforcement de la démocratie avec les cartes d’identité numérisées, augmentation significative de salaire des travailleurs, diplomatie active et panafricaniste, retour des militaires français chez eux, recherche de nouveaux partenaires au développement etc. Fier de ses réalisations, le Président Wade avait créé, sans doute inconsciemment, les conditions de sa non réélection en 2012. Il avait cherché obstinément un 3ème mandat alors qu’il avait dit publiquement et partout n’en avoir plus le droit. C’est le fameux Wakh wakhette qui scella son divorce d’avec le peuple. En se dédisant, le Président Wade avait trahi la parole donnée. D’autres faits ont contribué très fortement aussi à la défaite du Président Wade : la supposée dévolution monarchique du pouvoir, les multiples tripatouillages de la constitution à des fins politiciennes, la martyrisation de ses compagnons (Idy et Macky entre autres), l’affaiblissement politique volontaire de ses alliés, la sous-estimation de ses adversaires politiques, la répression systématique de l’opposition et de la société civile, l’arrogance et l’insolence de certains de ses collaborateurs, l’octroi de salaires aux chefs de village, les dons de véhicules aux marabouts etc. Tous ces faits avaient enseveli les belles et nombreuses réalisations du Président Abdoulaye Wade. En accordant des privilèges aux chefs de villages et aux marabouts, Maitre Wade ignorait que ces notables et guides religieux n’avaient aucune emprise sur les électeurs. C’est bien après sa défaite que Maitre Wade comprit qu’il a été l’artisan de sa défenestration au soir du 25 mars 2012. La défaite du Président Wade, froidement et lucidement analysée, peut servir de leçon à tout président sénégalais candidat à sa succession. Maitre Wade a été sanctionné par les électeurs pour son forcing pour un 3ème mandat mais aussi à cause du tripatouillage excessif de la constitution.

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L’alternance de 2012 a montré sans ambages que les sénégalais sont attachés à certaines valeurs centrées sur le respect de la parole donnée, la moralisation de la vie politique et la bonne gouvernance. Faire ce qu’on a dit et dire ce qu’on a fait est désormais une exigence populaire au Sénégal. Les élections de 2000 et de 2012 ont montré aussi que les électeurs sénégalais ne sont pas à acheter. L’argent ne fait pus gagner les élections au Sénégal. A bon entendeur salut.

En 2019, les électeurs vont choisir leur Président de la République. Ils ont le choix entre reconduire le Président sortant et réaliser la 3ème alternance démocratique du Sénégal. C’est le moment des analyses sans complaisance et des pronostics ou divinations. En 2019, tous les indicateurs semblent synchrones pour dire que tout est possible.

Les partisans du Président Macky Sall et lui-même travaillent légitimement pour sa réélection au 1er tour en 2019. Tout semble indiquer que c’est l’optimisme qui prévaut dans le camp présidentiel. BBY et les autres souteneurs estiment que les nombreuses réalisations du Président Macky Sall pourraient suffire à convaincre les sénégalais pour le réélire au 1er tour en 2019 : infrastructures, CMU, bourses familiales, PUDC, PUMA, nouvelles universités, subventions de l’agriculture et de l’élevage, DAC, ANIDA, Journée de l’élevage, réhabilitation du Ranch de Dolly, modernisation des foyers religieux, TER ; baisse des impôts, arènes nationales, etc. Pour gagner au 1er tour, le Président Sall peut compter sur sa machine électorale, la coalition BBY.

Toutefois, la coalition BBY de 2018 ne semble pas avoir le poids électoral que celle de 2012. Le PS et l’AFP ont été délestés d’une importante partie de leur électorat. Le camp présidentiel ne devrait pas ignorer ou sous-estimer les conséquences politiques de l’exclusion de Malick Gakou de l’AFP et de celle de Khalifa Sall du PS. Quant à l’APR, elle est minée dangereusement par des dissensions et des querelles internes que le Président Sall à intérêt à aplanir au plus vite. Le Président de l’APR ne devrait pas ignorer non plus que dans son parti, il y a beaucoup de porteurs de voie qui ont gelé leurs activités politiques. C’est incontestable, le Président Macky Sall a des réalisations à son actif et en sa faveur pour 2019. Il pourrait avoir un deuxième mandat pour poursuivre la matérialisation du PSE. Cependant, les seules réalisations du Président Sall ne vont pas suffire pour gagner l’élection présidentielle au 1er tour.

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Le camp présidentiel ne devrait pas perdre de vue que pendant les 6 ans d’exercice du pouvoir, il y a eu beaucoup d’affaires qui rappellent le magistère du Président Wade : Implication supposée de la famille du Président Sall dans les affaires de l’Etat, emprisonnement et exil de Karim Wade, rapports d’audits sans suite, emprisonnement de Khalifa Sall, objectifs agricoles insuffisamment atteints malgré les tapages, mauvaise commercialisation de l’arachide cette année, mauvaise organisation des élections législatives de 2017, chômage des jeunes non encore réglé, ébullition syndicale crescendo, création d’institutions budgétivores (HCCT, CNDT), débat inachevé sur le pétrole national, climat politique tendu, demande sociale insatisfaite, arrogance et insolence de certains collaborateurs du Président de la République etc.

Ces faits et certains handicaps structurels pourraient avoir des impacts négatifs sur la réélection au 1er tour du Président Sall.

Le Président Sall et ses souteneurs pourraient être tentés de sous-estimer l’opposition. Ce serait une grossière erreur pouvant être fatale. En politique, on ne doit négliger ou sous-estimer aucun adversaire. Le Président Diouf l’avait appris à ses dépends en sous-estimant Djibo Ka et Moustapha Niass et on connait la suite. En 2012, Wade avait sous-estimé le candidat Macky Sall qui a été finalement son bourreau. On peut se souvenir des moqueries du candidat Wade parlant de la camionnette du candidat Sall au début de la campagne électorale de 2012.

L’APR et les souteneurs du Président Sall semblent sous-estimer Idrissa Seck. Si c’est le cas, ils ont tort. Certes Idy a beaucoup perdu à cause de sa gestion tortueuse de ses relations avec le Président Wade. Toutefois, depuis 2013, ce candidat potentiel fait de la rectification. Son récent tour du Sénégal constitue une illustration que l’homme de Thiès cherche à changer. Il faut aussi noter que Idrissa Seck est un des hommes politiques les mieux entourés en termes de ressources humaines. Cela est important car la faiblesse de certains de nos hommes politiques est souvent leur entourage composé d’hommes et de femmes incompétents, jaloux, menteurs et arrogants. En 2019, Idrissa Seck pourrait être un candidat redoutable pour le Président sortant. Le camp présidentiel a intérêt à prendre plus au sérieux la candidature certaine de l’homme de Thiès.

Le camp présidentiel ne doit sous-estimer aucune candidature en perspectives de 2019. Celle du jeune Ousmane Sonko pourrait faire mal si BBY le considère comme un nain politique sans envergure nationale. Qui aurait cru qu’il serait élu député en 2017 ?

La défaite des Présidents Diouf et Wade montre que le premier adversaire du président sortant est son entourage. Beaucoup de collaborateurs du président candidat ne disent pas à leur patron la vérité. Ils lui disent toujours que tout va bien, vous allez gagner au premier tour, les populations sont satisfaites de votre politique et sont avec vous, l’opposition est nulle et n’a aucune chance de gagner. Au Sénégal, le Président de la République semble être l’homme le moins bien informé des réalités de son pays. Les Présidents Diouf et Wade avaient dit haut et fort qu’ils ne savaient pas ce que tout le monde savait c’est-à-dire que les populations n’étaient pas satisfaites de leur gestion du pays. Des collaborateurs pourraient dire au Président sortant qu’il n’aura pas en 2019 des candidats à sa pointure à cause la non participation probable de Karim Wade et de Khalifa Sall à la présidentielle. Surement cela a été dit au Président Wade en 2012 et on connait la suite.

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Les élections de 2019 seront âprement disputées. On sent déjà les prémices d’une campagne Pour conserver le pouvoir, le Président Macky Sall devrait sans délai requinquer sa coalition qui est une machine électorale grippée et demander à ses alliés de mouiller davantage le maillot. Le Président Macky Sall devrait aussi lâcher du lest afin d’apaiser le climat social et politique du pays. Le secteur agricole, surtout le bassin arachidier, est dans une colère noire en ce moment. L’enseignement au Sénégal est en crise, une crise de confiance doublé d’un déficit de dialogue. L’école et les universités sont dans l’impasse. Un électrochoc est inévitable pour renouer le dialogue et restaurer la confiance. Le secteur de l’enseignement supérieur mérite d’être écouté et entendu. Le SAES mène une bataille pour laquelle l’Etat devrait être sensible.

C’est le moment pour le Président de la République de prendre des initiatives fortes pour calmer le jeu. Le Premier Ministre qui semble avoir la confiance des syndicats devrait prendre en main plusieurs dossiers dont ceux de l’enseignement et de l’agriculture. La récente manifestation de la modérée centrale syndicale CNTS devrait être prise au sérieux et sans délai. L’année 2018 a été déclarée l’année sociale mais elle pourrait aussi être l’année de conflits sociaux sans précédents.

Concernant l’opposition, une candidature unique lui serait fatale en 2019. Son intérêt politique jusqu’à l’élection présidentielle est d’entretenir un climat politique et social tendu et agité. Les candidats de l’opposition, chacun à sa manière, devront convaincre les électeurs qu’ils feront mieux que le Président sortant. Les sénégalais en ont marre du sous développement. Les candidats de l’opposition sont attendus sur leur programme pour les 5 prochaines années. Il est souhaitable que chaque candidat de l’opposition décline sa vision par rapport aux secteurs clefs de notre développement économique et social avec des propositions cohérentes, crédibles et conformes aux aspirations des populations ; éducation, agriculture, élevage, pêche, environnement, chômage, santé, bonne gouvernance, décentralisation, aménagement du territoire, diplomatie, paix en Casamance, sécurité etc.

Aux candidats de 2019, le Sénégal a assez du sous développement, une aberration injustifiée. On a tout pour nous développer : ressources humaines de qualité exceptionnelle, des terres agricoles insuffisamment valorisées, de l’eau disponible, du phosphate pour l’engrais, des universités, des instituts de recherche, de l’espace pour l’élevage, des entrepreneurs dynamiques, un tissu industriel insuffisamment soutenu, des mines etc. Le problème de notre pays est qu’on ne met pas toujours l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et on ne sanctionne pas le manque de résultats et/ou les fautes de gestion. Un incompétent est rarement limogé.

Le Président Macky Sall a le PSE pour l’émergence du Sénégal. Les électeurs souhaitent connaitre les plans pour l’émergence du Sénégal des autres candidats avant 2019. Notre pays ne veut plus figurer dans le lot des Pays les Moins Avancés du monde (PMA).

 

Demba Sow

Ecole Supérieure Polytechnique

Université Cheikh Anta Diop

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