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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

L’esprit Absolu HÉgÉlien Monte Sur Son Cheval Marron Beige

Je pense que le président de la République est davantage marqué par son passage par le maoïsme, que par sa conversion au libéralisme. Il n’a rien d’un libéral. Les libéraux sont les artisans de l’Etat de droit, l’autre pilier de la démocratie plurielle, une rencontre contingente de deux traditions politiques selon sa conceptualisation par Macpherson, à travers laquelle les libéraux se sont un peu démocratisés, et les démocrates un peu libéralisés.

Libéralisme vient de liberté.

Les libéraux sont les premiers à théoriser la liberté négative des modernes. Macky qui s’illustre par la destruction des libertés individuelles, a une pensée politique qui ne cadre pas avec le libéralisme politique, encore moins philosophique. Sa conception du libéralisme ne va pas au-delà du libéralisme économique.

La situation politique actuelle au Sénégal se résume par son assertion : « je ne laisserai pas le chaos s’installer dans le pays aussi longtemps que je serai aux commandes ». On ne peut pas nier à un Chef d’Etat de se soucier de la préservation de l’ordre républicain. Mais ce que nous ne pouvons pas lui concéder, c’est de sortir des principes de l’État de droit, qui structurent l’ordre républicain, pour protéger la République.

Mais chez Macky, aussi bien que chez ses souteneurs subalternes, cela est non seulement possible, mais un devoir dont les Sénégalais lui seront redevables plus tard. Vive l’Esprit Absolu hégélien ! Il se met dans la situation du policier qui règle la circulation. En effet, les ordres de ce dernier sont au-dessus du code de la route quand il est en train de réguler la circulation. Ainsi donc, en face des dangers qui nous menacent – dont n’est pas étrangère l’opposition radicale qui refuse de se laisser réduire à sa plus simple expression -, Macky fait la même chose que le policier : rétablir l’ordre qui est au-dessus du formalisme républicain de l’État de droit.

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L’Esprit Absolu hégélien réincarné, déjà sur sa monture marron beige en fin connaisseur du fondement de l’ordre social, ne peut qu’être au-dessus des lois et règlements de la République !

J’ai l’intime conviction que, pour sortir d’où nous sommes, il faut battre en brèche le totalitarisme en gestation et sortir de la logique « de la vérité d’État » qui conduit à une ambition de contrôle du fondement de la société. Il me semble qu’il faut aller vers la direction inverse, celle de l’approfondissement de l’imaginaire démocratique qui récuse même l’idée d’un fondement ultime de la société. Il y a en Macky l’absolutisme hobbesien consistant à conceptualiser l’ordre socio politique comme manière de supprimer le conflit. Le souverain de Hobbes – et en cela il est éminemment moderne – construit l’ordre de la communauté, pour éviter le Chaos de l’état de la nature à travers un acte de création radicale qui fait dériver l’objectivité socio politique d’un acte de pouvoir. Les alliés subalternes de Macky sont les héritiers de Platon – à travers Hegel -.Ils sont eux fins connaisseurs de ce que la société est « essentiellement », ils maîtrisent les Lois de l’Histoire – une téléologie sécularisée ou la Raison substitue à Dieu – qui leur permet de montrer que le pouvoir découle d’une objectivité pré-existante antérieure à toute décision politique. C’est la présence au sommet de l’appareil d’État de ces deux conceptions antithétiques de la communauté, mais qui sont toutes deux antipolitiques, car ne permettant pas de penser le pluralisme politique, qui sont la cause des dérives actuelles d’un pouvoir en fin de règne. En fait ils ont une conception pré-moderne de l’unité de la communauté socio politique, une unité d’ordre organique, caractéristique des sociétés holistes.

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Macky Sall et ses supporters subalternes ne comprennent pas qu’au moment où, après la dissolution du paradigme jacobin, la démocratie est devenue « fait d’époque », après la dissolution des repères de certitude consécutive à la désintrication du pouvoir, du savoir, et de la justice – dans sa conceptualisation lefortienne -, l’unité de la communauté ne peut se réaliser qu’à travers de la division. Par conséquent il n’y a pas d’ordre social capable d’englober tout le magma des différences à partir desquels il surgit. En d’autres termes le désordre demeurera toujours comme horizon dans toute société. C’est précisément à cause de cela qu’il y a politique, autrement nous rebasculons dans les sociétés d’orde parfait de l’ère pré-moderne. Ce qui est impossible en l’absence du garant transcendantal. Toute tentative de vouloir instaurer un ordre parfait débouchera sur la dictature comme l’antichambre du peuple un du totalitarisme. Il n’y a pas d’alternative à une gestion civilisée – à travers la culture de l’ethos de l’adversité – de la lutte des différentes volontés collectives pour instituer les différents modèles de société qui permettent de restreindre les incertitudes et les tensions résultant de cette lutte dans des limites compatibles à l’exigence de conservation de l’association politique. Le modèle de société harmonieuse est à oublier car en démocratie, il ne peut qu’exister une pluralité de propositions – qu’elles soient d’ordre économique, morale ou sociale – en rivalité pour imposer leur conception du juste, du vrai et du bien. L’universel devient selon Lefort un « lieu vide » à occuper par des particuliers temporairement à travers la lutte hégémonique pour l’incarner. Donc en démocratie le bien commun devient un horizon.

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Quand Macky Sall menace ceux qui veulent semer le désordre dans ce pays, il ne fait qu’occulter que l’ordre social vigent, comme tout ordre social, est un ordre contingent et précaire qui a déjà perdu l’élasticité qui en avait fait un ordre social hégémonique ces douze dernières années. Il n’y a pas d’hégémonie qui n’est appelée en dernière instance à s’effriter. Ceci est gage de démocratie. Ne pas le comprendre, ou ne pas l’accepter c’est exposer la République à des soubresauts inutiles, à moins que tel soit le dessein pour maintenir le pouvoir. Les Sénégalais sont suffisamment mûrs politiquement pour tomber dans les pièges mackyavéliques d’un régime en fin de règne. Vous serez battus dans les urnes par Sonko ou par la personne qu’il désignera car en définitive il demeure le maître du jeu dans cette situation charnière de l’avenir du pays. Il représente la plénitude absente de l’ordre social qui reconstruira toutes les dislocations du destructeur.







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