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Ecole Publique Sénégalaise : Chronique D’un Sabotage Organisé

Dans un pays développé, en voie de l’être ou pauvre, le levier le plus fondamental pour garder le cap ou atteindre les sommets reste un système éducatif de qualité. Faillir à en garantir la pérennité et l’excellence serait d’autant plus rédhibitoire que cela donnerait libre cours au triomphe de l’ignorance et à la prolifération du mal, ce qui a comme corollaire la perte de la société. Un système est, par définition, un concentré de choses entremêlées et interdépendantes. Cette dépendance mutuelle fait que le non ou mauvais fonctionnement d’un élément corrompt la vitalité des autres. Peut-on faire fonctionner un ordinateur sans un écran, souris, clavier et unité centrale en bon état ? Non !

Jeunes écoliers, nous avions connu une école de qualité, pacifique, dynamique, avec des éducateurs motivés et à l’excellence sans bornes. Cette école-là valut au Sénégal, à l’Afrique et à l’humanité toute entière des médecins, administrateurs, ingénieurs, historiens, chimistes, avocats, enseignants, magistrats, journalistes… dont la qualité et l’excellence furent et sont chantées aux quatre coins du monde. A quoi est donc dû ce dérèglement brusque et fiévreux ? Que s’est-il passé entre temps ? Qu’a-t-on mal fait ou négligé pour dégringoler de la sorte ? Ces inquiétudes et interrogations ont comme unique réponse un funeste dessein de sabotage minutieusement planifié.

Depuis presque deux décennies, notre école publique, celle du pauvre, peine singulièrement à se défaire du spectre des perturbations cycliques, fruits du mépris de l’oligarchie régnante à son encontre. Le travail de destruction a débuté avec la fragilisation du personnel enseignant. L’idée était alors de créer des corps tels que ceux des volontaires (vous imaginez un peu où finiraient nos malades si l’Etat recrutait des volontaires de la santé pour soigner et opérer ou des volontaires de la justice pour juger et défendre ?), et des contractuels (en ciblant notamment les cartouchards des grandes facultés, les diplômés chômeurs et déboussolés…)… avec des salaires dérisoires et une trajectoire de carrière peu lisible sous le prétexte de la pauvreté. Ensuite, scinder l’école publique en deux : des établissements nantis et bien structurés dans les centres urbains et d’autres pour les fils de paysans, dépourvus de tout, dans les zones rurales (dans lesquels un taux de réussite de 25 % au bac est un exploit extraordinaire).

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Autres stratagèmes, réduire le volet investissement dans le budget des écoles (certains établissements attendent que les élèves s’inscrivent pour pouvoir acheter du matériel pédagogique à temps), ralentir l’avancement d’échelon dans la fonction publique (des milliers d’enseignants restent plusieurs années sans avancer).

Un autre facteur de déstabilisation reste la monotonie !  Nos programmes et méthodes d’enseignement, quoique archaïques et en déphasage avec les questions de l’heure, ne sont que peu ou pas modifiés et réadaptés. La plupart de nos élèves de Terminale n’ont pas le niveau d’un bon élève de Troisième du fait des effets d’une approche trop mimétique et comportementaliste des contenus. Ces pièges qui jalonnent le chemin de l’école publique et leur dangerosité font que tout pilotage à vue ou manœuvre maladroite de la part de tout spécialiste connu ou autoproclamé contribuerait à en aggraver la teneur.

Les menaces et diabolisation de la part de l’Etat ne peuvent aucunement être une solution viable d’autant qu’elles envenimeraient la situation et enfermeraient le fils du pauvre dans une voie sans issue au grand dam de notre devenir. Il urge de prendre des mesures sincères, justes et durables…. et combattre la démagogie et la politisation…

 

Khadimou Rassoul NDIAYE

Professeur d’Anglais au lycée mixte de Malème-Niani

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