Contributions de A. Aziz MBACKE Majalis
Bien que profondément attaché à la science et à la quête de la vérité, Cheikh A. Bamba ne manquait cependant pas de critiquer la propension bien connue de nombre de théologiens et de savants musulmans à s’engager dans des polémiques sémantiques ou ontologiques, souvent oiseuses ou de nature tellement hermétique que l’exercice exclusif de la raison ne pourrait, à son avis, jamais les résoudre.
Dans ce cadre, les critiques objectives sur l’opportunité ou non de construire une autoroute reliant les deux plus grandes villes du pays, par rapport à d’autres priorités, nous paraissent tout à fait recevables et doivent faire l’objet d’une analyse sans passion, pour le bien de tous. Un exercice auquel nous devrons nous consacrer, de façon citoyenne, en nous détachant le plus possible de nos différentes appartenances et sensibilités. Vu sous cet angle, il conviendra de reconnaître qu’il peut bien exister des éléments remettant en cause la priorité d’un tel investissement. Comme il en existe également d’autres qui, au contraire, prouvent l’impact positif et le potentiel à long terme qu’ILA TOUBA pourra générer pour tout le pays.
Je ne trouve assurément pas d’argument de plus mauvaise foi et de si léger que celui auquel les Croisés de notre Caucus Républicain tiennent coûte que coûte à se raccrocher dans le débat sur le Statut Spécial de Touba dans lequel ils ne cessent, depuis quelques jours, de subir revers sur revers.
«Quant à l’État du Sénégal, qui se targue de défendre la démocratie et les droits de l’Homme, il vaudrait mieux qu’il s’engage sur le CHEMIN DE LA DEPENALISATION de l’homosexualité.» (Me Sidiki Kaba, Président honoraire de la FIDH, Janvier 2009).
J’ai beau essayer de comprendre l’état d’insouciance envers Dieu que l’on pouvait atteindre pour s’adonner si effrontément à cet exercice, mais j’avoue n’y parvenir qu’assez difficilement…
Suite à un texte circulant depuis quelques jours sur de nombreuses pages Facebook anti-soufies (et repris par des sites web sénégalais) qui pose la problématique des multiples Korités en des termes assez incisifs, nous avons trouvé intéressant de réfléchir sur les arguments y étant avancés et de tenter d’approfondir un peu plus la question. L’un des intérêts essentiels de cet exercice étant, entre autres, la remise en cause des faciles amalgames qui, en exploitant cette traditionnelle polémique sur les fêtes religieuses, aspirent en réalité stigmatiser les confréries dans leur globalité, pour ensuite nous proposer (subtilement) d’autres modèles socioreligieux alternatifs opposés au soufisme et à la configuration sociologique garante jusqu’ici de la stabilité du pays…
Les titres barrent toutes les unes. «Un peuple, un but, trois fois Korité », « Korité dans la division », « Korité à trois vitesses ». Les unes après les autres, les unes de la presse étalent leurs titres accrocheurs. L’unanimité sur la division semble être consommée. Au moins un avis qui ne divise plus chez nous. L’Etat, au plus haut sommet, y est même convié. Au bout, l’engagement d’y remédier si les religieux lui confèrent ce pouvoir. Des religieux, dont certains, se sentant interpellés par l’opinion, fustigent eux-mêmes cette division. Tentant, chacun, de tirer sa couverture cultuelle sur soi. Égratignant même au passage « l’échec des chefs religieux du Sénégal (sic) à s’unir pour célébrer ensemble les fêtes religieuses ».
L’argument de l’ « hypocrisie sénégalaise » semble être devenu, de nos jours, l’un des mieux partagés dans notre pays. En effet, cet argument est de plus en plus servi aux détracteurs des perversions morales à qui l’on rappelle systématiquement qu’il existe, au sein même de notre propre société, d’autres actes infiniment plus graves que ceux qu’ils dénoncent. Actes qui sont même souvent, circonstance aggravante, accomplis par ceux qui sont censés nous servir de modèles (hommes politiques, religieux, éducateurs etc.).
La récente et très médiatisée visite du chef de l’Etat à Touba, dans un contexte politique exacerbé où les tensions et les antagonismes, plus que jamais, se cristallisent, n’a pas manqué de soulever, chez beaucoup d’observateurs, un certain nombre de questionnements, d’amalgames ou même d’équivoques qu’il ne nous semble point inutile d’analyser, afin d’en appréhender les véritables soubassements. En effet, l’envoi de généreux « éclaireurs » chargés de baliser le terrain des éventuelles velléités contestataires, l’accueil « populaire » que le Président reçut dans la ville sainte, l’affluence massive et colorée des militants du parti au pouvoir, auxquels tentèrent de s’opposer des adversaires opposés à sa candidature (occasionnant ainsi des échauffourées jugées en contradiction théorique avec le principe d’interdiction des activités politiques dans la ville sainte), l’information distillée selon laquelle le Calife aurait indirectement prédit la victoire de son hôte (suggérant ainsi l’idée d’un Ndigël tacite), les fortes réaffirmations de ce dernier sur ses liens avec la confrérie et son ambition renouvelée de moderniser la ville des mourides etc., tout ceci concourut à épaissir, pour beaucoup, la situation politico-religieuse déjà confuse, sans manquer d’accentuer l’idée de la non prise en charge et même d’une impression de « déphasage », de plus en plus popularisé, de la classe religieuse par rapport aux véritables problématiques sociales hypothéquant actuellement, pour certains, l’avenir de la nation.