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L’applicabilité Des Lois Au Sénégal, Une Théorie ?

La loi dans son sens général est une disposition normative et abstraite posant une règle juridique d’application immédiate. Le mot loi apparaît alors comme un terme générique permettant de désigner une règle, une norme, une prescription ou une obligation, générale et permanente, émanant d’une autorité souveraine (le parlement) et qui s’impose à tous les individus d’une société. Son non respect est sanctionné par la force publique.

Son initiative appartient à la fois au parlement qui peut déposer des textes par le biais d’une proposition de loi et au gouvernement qui peut introduire un projet de loi. Une fois la loi adoptée, elle est réputée applicable si les mesures requises sont prises. Ces dernières généralement consistent en la prise d’un décret de promulgation et de la publication de celui-ci au journal officiel. Ces dernières obligations incombent au pouvoir exécutif. A partir de ce moment, la loi est réputée applicable. Et l’applicabilité permet à la loi de revêtir l’autorité attachée à ses dispositions et qui lui permettent de régir une situation juridique donnée. Par conséquent, elle doit permettre de garantir les diverses libertés individuelles mais aussi collectives.

Le 10 décembre, depuis 1950 a été proclamé par l’Assemblée Générale des Nations Unies Journée des Droits de l’Homme. L’article 4 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme considère que

« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ».

A la lecture de cet article, il apparaît que l’Etat sénégalais en se dotant d’une loi datée du 20 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes, tente de lutter contre toute forme d’exploitation. Là, la dignité humaine reprend toute sa place.

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Le cœur de ce texte de loi sénégalais reste l’interdiction de la mendicité. En effet, l’importance de ce phénomène a imbibé le contexte de l’adoption de la loi. Il faut dire que le cadre est tout simplement posé. Toutefois, seul un cadre ne saurait suffire et c’est malheureusement ce que traduit la pratique.

A Dakar, que ce soit au niveau des feux de circulation, ou des grandes artères, l’interdiction de la mendicité n’est autre que théorique. Le Ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique a reconnu le manque d’applicabilité de la dite loi et ce, devant l’Assemblée Nationale, lors du vote du budget de son ministère. L’interdiction de l’exploitation consacrée dans la déclaration Universelle des Droits de l’Homme impose aux Etats parties une obligation positive, celle de tout mettre en œuvre afin de lutter contre l’exploitation. En l’occurrence, adopter une loi même s’il relève d’un acte positif, le défaut d’applicabilité de cette loi n’a rien de positif.

Faut-il le rappeler, adopter une loi et qu’elle ne trouve pas à régir les situations juridiques auxquelles elle est destinée, la prive de tous ses effets et par conséquent, de la sanction de son non respect offerte par la force publique. A quoi bon l’adopter alors ?

Il est important de relever que la question de la mendicité relève avant tout d’un fait sociétal. D’une part, il y a une croyance selon laquelle il faut souffrir pour maitriser le Coran pour ce qui concerne les enfants Talibé. Ici, s’opère déjà un distinguo basé sur le contexte scolaire entre les enfants Talibé régulièrement inscrit dans un Dara et les enfants de la rue non inscrits dans de telles structures d’accueil. D’autre part, l’ampleur du phénomène des croyances sociales (offrandes à donner à tel type de personnes) fait montre qu’il profite à des personnes autres que celles initialement désignées. Souvent guidées par des croyances, les personnes chargées d’œuvrer pour la fin de la mendicité, seront les premières à nourrir cette forme d’exploitation. Cette idée trouve tout son sens dans La grève des Battu de Aminata Sow Fall.

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Il est clair que la question de l’applicabilité de ce texte hormis la volonté politique, souffre des croyances sociales de diverses parties. Si la Gambie a réussi à rendre effective sa mesure au point de nous déverser son lot de mendiants, ne serait-il pas préférable de s’inspirer de son exemple à certains égards.

Cette question de l’applicabilité des normes pose aussi le souci de la collaboration entre les divers organes de l’Etat. Si le parlement remplit son rôle de législateur, les différents départements ministériels concernés se doivent d’exécuter ces missions contenues dans ces textes et qui leur incombent.

Jaraaf Seck,

Consultant-Juriste International

jaraafseck@gmail.com

www.loeildujaraaf.over-blog.com

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