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Le Conseiller, Le Courtisan Et Le Fou Du Roi

Les Sénégalais de ma génération se souviennent certainement de Ndoumbelane, ce royaume qui a bercé notre enfance, sorti de l’imaginaire de Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji. Le monde de la politique au Sénégal, comme dans le reste de l’Afrique, ressemble pas mal à cela. Une jungle avec le roi Lion! Un président, qui règne souvent comme un roi, entouré de sa cour. Faisant et défaisant des fortunes. Récompensant les « fidèles », « ceux qui restent dans les rangs ».

Dans la cour de nos présidents, une armada de « conseillers », spécialistes dans quelques domaines pour certains et, recasés politiques pour la plupart. Ce n’est pas une sinécure que de dire que nos dirigeants sont passés maître dans l’art de récompenser leurs alliés, proches partisans et membres de famille par des postes de conseillers, de PDG, DG, Ambassadeurs et autres, sans même se soucier d’une quelconque compétence. Cela donne souvent lieu à des moments inédits, avec certains récompensés qui se comportent plus en courtisan ou même fou du roi qu’en conseiller.

Des vrais conseillers, ne nous trompons pas, il y en a. Le problème, c’est qu’ils ne font pas souvent long feu. Nos rois, à l’égo surdimensionné ne souffrant pas la critique ou la simple remise en question; ce qui devrait faire partie du quotidien du conseiller. Un conseiller n’est pas là pour flatter celui ou celle qu’il conseille, lui passer de la pommade, lui dire que tout baigne et qu’il est le meilleur. Encore moins pour lui cacher ce qui ne marche pas, ce qui est inadéquat dans la démarche ou susceptible de provoquer une débâcle. Et un « roi » intelligent devrait en rechercher plus, des vrais conseillers qui n’ont pas peur de mettre le doigt sur le bobo. On ne parle pas de l’effleurer ou de mettre un petit pansement dessus mais d’analyser le mal :  sa nature (de quoi on souffre vraiment), pourquoi on en est arrivé là ? Qu’est-ce que cela pourrait donner (les conséquences) ? Et comment soigner le bobo (et là on parle des vraies affaires).

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Les vrais conseillers politiques et les organisateurs aguerris n’ont pas peur du roi, ils sont souvent faiseurs de « rois » ou du moins contribuent grandement à leur élection par des stratégies sensées et efficaces. Ils n’ont pas peur de perdre leur « boulot », cela fait partie de soi donc ne se perd pas. On devra juste l’exercer ailleurs ou autrement.

Un courtisan par contre dépend résolument du bon vouloir du roi. Il compense souvent son incompétence par une servilité sans nom. Et une flatterie par ci, et une courbette par là. Il inventera de nouvelles manières de louanger le maître et un langage dithyrambique. Il sait manipuler les mots en « iste » dans toutes leurs formes. Cela me fait penser qu’au Sénégal ces mots fleurissent depuis le président Diouf et sont devenus une banalité depuis 2000 : dioufiste, wadiste, karimiste, mackyiste…il faudrait que le prochain président ait un nom qui puisse se décliner en « iste », sinon ce sera un profond traumatisme  et, une grande rupture pour la base de courtisans politiques professionnels. Des courtisans qui iront coller leur suffixe substantif sur un autre nom, au gré des aménagements politiques. On n’est plus communiste, socialiste, libéral ou républicain, il ne s’agit plus d’idéologie commune mais de se regrouper sous le joug d’un homme, du roi !

Le courtisan ne serait rien sans le roi, il en est tellement convaincu qu’il oublie de miser sur lui-même, sur ses possibilités. Sa réussite est à son apogée quand il entre dans la cour du roi et sa seule ambition : rester dans ses faveurs. Le courtisan est rarement véridique, la vérité requérant du courage et le risque de perdre des privilèges. Mais que serait un roi sans ses courtisans ?

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Le fou du roi, dans nos « républiques » va plus loin dans la courtisanerie. La gesticulation effrénée le caractérise. Il n’a pas peur des excès ni du ridicule, encore moins des lieux communs et des contrevérités. Il y a en général un fou du roi par « République » mais il y en a des plus chanceuses qui réussissent à en avoir deux, rivalisant d’excès et de bouffonneries pour plaire au Roi.

Le courtisan a l’avantage, de par ses excès même, de détourner l’attention du roi. Pendant qu’on s’amuse ou s’offusque de ses actions et déclarations, on en oublie presque les errements du roi. Il finit souvent aussi par être l’agneau du sacrifice, celui sur qui s’exerce la vindicte populaire. Une posture délicate, difficile à cultiver, mais cela prend des hommes à part pour l’assumer et jusqu’à présent, nous n’avons jamais été déçu ;  bien au contraire.

J’espère que la prochaine décennie en sera une de rupture, sans courtisans (pas trop du moins) et surtout sans énergumènes qui servent de fous du roi, nos institutions s’en porteraient beaucoup mieux.

 

Khady Sow

 

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