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Le Drôle De Combat De Karim Wade

Le premier sentiment de l’homme est celui de son existence, et son premier souci, celui de la conserver. Le combat est ainsi né avec l’homme. Se battre pour survivre, exister, protéger les siens ou ses biens. Se battre pour ses ambitions ou un idéal. La vie est un combat est d’ailleurs l’un des adages les plus célèbres. 

De tous, il y en a cependant deux qui sortent du lot, par les moyens qu’ils requièrent et l’ampleur qu’ ils peuvent prendre:  le combat militaire et le combat politique. Étudier l’histoire de ces deux combats  c’est étudier l’histoire et l’évolution des moyens que l’homme se donne pour les gagner, autrement dit, ses armes et sa foi en la victoire.

Du silex de l’homme de Neandertal,  la flèche de l’Apache , la glaive du Légionnaire Romain à la sarbacane de l’inca, au fusil du Navy Seal américain, la performance de l’arme suit l’évolution technologique et accroit ses chances de victoire dans le domaine militaire.

Le 6 août 1945 à 8H15, Paul Tibbets, à bord de son bombardier B59 largue sur Hiroshima la première bombe atomique à l’uranium 235 d’une puissance de 15 kilotonnes baptisée Little Boy. La seconde Guerre mondiale venait de connaître un tournant décisif. Le japon capitula, d’autant qu’une seconde bombe devait exploser sur Nagasaki 3 jours plus tard, le 9 août 1945.

La course aux armements fut le soubassement de la guerre froide ou la confrontation Est-Ouest qui a marqué le 20ème siècle et dont le pic fut la guerre des étoiles ou Stars War lancée par le président Américain Ronald Reagan et qui fait référence au programme de défense anti missiles « Initiative de défense stratégique (IDS) ».

Sur le plan politique, si on fait le choix du moins mauvais des systèmes,  la démocratie ou la loi de majorité, de la performance des armes (meeting, marches, manifestations, promesses, investissements humains) dépend souvent aussi l’issue du combat.

Personne n’aurait parié sur la victoire du noir américain Barack Obama aux élections présidentielles de 2008. Ni dans les primaires du parti Démocrate où il avait en face de lui des figures de l’establishment comme Hillary Clinton, ni plus tard contre le candidat républicain John Mc Cain.

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Le génie de Barack Obama fut cependant de saisir l’extraordinaire arme que constituait Internet dans son combat. Il fut d’ailleurs surnommé le président de l’internet, tant cet instrument a joué un rôle capital dans son entrée à la maison blanche, notamment les levées de fonds, la mobilisation des volontaires et des électeurs, la diffusion de ses vidéos.

Si l’arme est souvent déterminante dans la victoire, la foi joue également un rôle crucial autant dans le combat militaire que politique.

Les Sioux et Cheyennes du Sachem Sitting Bull, amenés par Crazy Horse et Lane White Man, bien que moins bien armés,  remportèrent pourtant une victoire historique à la bataille de Little Big  Horn  le 25 et le 26 juin 1776,  contre le 7ème régiment de la cavalerie de l’armée Américaine du lieutenant Custer.

En Indochine, les troupes de Ho Chi Minh (puits de lumière)  firent subir une défaite cuisante aux troupes françaises le 4 mai 1954 à la cuvette de Dien Bien Phu. Une défaite qui poussa la France à signer les accords de Genève en juillet 1954 et le retrait de ses troupes.

La même armée Française qui sera défaite en Algérie par les troupes des nationalistes Algériens du FLN et qui conduira à la signature des accords d’ Evian le 18 mars 1962 et la fin de la guerre d’ Algérie.

«J’ai croisé le cortège rachitique de Macky Sall en venant, et j’ai eu pitié de lui », railla le candidat Abdoulaye Wade devant ses milliers de partisans lors de la campagne présidentielle en 2012.

C’est vrai qu’ il n’y avait rien de commun entre la formidable machine de guerre qu’ était le PDS du président Wade, aguerri par des décennies d’opposition avant de devenir parti présidentiel, (avec tous ce que cela induit comme moyens de l’état), et l’APR de Macky Sall, né 3 années plus tôt en 2009 et en quête d’ancrage politique et de reconnaissance.

C’est le petit poucet qui sortira pourtant vainqueur du combat épique contre toute attente. « Mais comment Macky a-t-il fait pour me battre ? », se demandera un Abdoulaye Wade éberlué et groggy  à Touba.

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Une question qu’il se posait à lui-même  et dont il n’attendait aucune réponse. D’ailleurs à quoi bon ? la cause était entendue.

Karim Wade aussi se bat

  • Contre sa condamnation pour enrichissement illicite et détournement à six années de prison et des milliards de dommages-intérêts.
  • Pour ses droits  civiques: son inscription sur les listes électorales.
  • Pour ses ambitions : devenir président de la république.

Cependant, l’insignifiance de l’arme (épistolaire) comparée à la puissance de l’adversaire (un régime) et l’énormité de l’enjeu (le pouvoir) ne peut que laisser dubitatif quant à une issue victorieuse du combat, d’autant plus que sa foi reste à prouver.

En effet, chez Karim, le triptyque combattant-foi-arme semble se réduire au singleton arme et qui n’a même pas la prétention d’être de destruction massive : des déclarations.

Plutôt que de venir prendre la tête de  ses troupes qui n’attendent que cela, occuper le terrain politico médiatique  et faire face à ses ennemis,  il préfère lancer ses missiles de Qatar en espérant faire mouche. Dernier acte en date, sa déclaration assimilant la cour suprême qui doit statuer ce jeudi 30 aout 2018 sur le pourvoi en cassation qu’ il a introduit contre son rejet sur les listes électorales, d’ annexe du palais présidentiel.

La précédente déclaration était publiée à l’ occasion de la fête de Tabaski. Il y traitait son adversaire,  le président Macky Sall de beau parleur, d’ignorant et d’incompétent.

Pendant ce temps, ses avocats, sympathisants, militants  du Pds se démènent sur le terrain à sa place.

« Notre parti demande à tous, militants, responsables,  et membres de mouvements de soutien d’être présents le 30 aout 2018 devant la cour Suprême pour manifester notre soutien sans réserve et notre solidarité à notre candidat », indique  un communiqué du comité directeur de son parti le PDS.

Les siens de brandir même la menace: « si notre candidat est empêché de participé au scrutin présidentiel, aucune élection ne se tiendra. »

Pendant ce temps, loin des gaz lacrymogènes,   de la chaleur et du spectre de Rebeuss, Karim poursuit inlassablement  son combat séraphique, éthéré, chaste et angélique.

Il n’exclut d’ailleurs pas de saisir les juridictions internationales pour que « soient imposées à Macky Sall et à son clan, son inscription sur les listes électorales et son éligibilité afin qu’ ils soient balayés du pouvoir au soir du 24 février 2019  »

Son absence physique sur le terrain s’explique peut-être par une absence de foi en lui-même et en ses possibilités. En effet, quoi que l’on puisse dire, Karim n’a jamais existé par lui-même,  mais par rapport à son père Abdoulaye Wade. Il n’a jamais rien prouvé qui soit le fruit de son propre combat. Responsabilités,  statut, standing social,  fortune, renommée… Il doit tout à son père. Même son titre de candidat du PDS lui a été offert sur un  plateau d’argent par Abdoulaye Wade.

Ce serait une première de le voir sur le terrain se battre  par lui-même et pour lui-même. Haranguer ses troupes, suer , recevoir des coups, essayer d’en donner, comme l’ a fait en son temps son père.

Une élection, c’est la rencontre d’un homme et de ses électeurs,  nous dit l’adage. Karim a donc rendez-vous avec les siens.

Cependant, compte tenu du contexte politico juridique de sa situation,  cette rencontre ne saurait attendre le 24 février 2019 mais bien avant, pourquoi pas demain ?

Son retour au Sénégal est aujourd’hui d’une nécessité absolue,  s’il veut se donner les moyens d’une victoire.

Le 27 octobre 1886, le Damel du Cayor,  Lat Dior Ngoné Latir Diop n’avait pas raté le rendez-vous de Dékheulé où il devait rencontrer les Spahis du  capitaine commandant Valoi, malgré les mauvais présages des oracles.

Il ne devait en effet pas survivre à cette bataille contre l’envahisseur français.

Lui non plus ne doit pas rater le sien avec ses partisans, qui n’en peuvent plus d’attendre et d’espérer.

A moins qu’il ne faille envoyer au Qatar, un de ses griots de famille afin qu’il lui chante l’orgueil de ses ancêtres.

 

Serigne Mbacké Ndiaye

Nouvel Horizon

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