L’émotion est noire et la raison est hellène » L.S.Senghor
Les années 60 ont marqué la naissance de la République du Sénégal. La priorité était donnée à la consolidation de la nation sénégalaise. Plus d’un demi siècle après, l’objectif a été atteint puisque chacun d’entre nous est fier de se définir comme sénégalais. Et comme l’avait souhaité le président-poète, la culture a une place de choix dans notre vie de tous les jours. Avons-nous estimé suffisamment le tribut à payer ?
L’exposition aux divertissements
Le paysage audiovisuel s’est enrichi incontestablement de télévisions et de radios, avec du matériel de classe internationale. Aussi, les institutions de formation de travailleurs de la presse, envoient chaque année un nombre important de jeunes sur le marché de l’emploi.
Cependant malgré tous ces efforts, les programmes sont plus ou moins médiocres. En effet , au-delà de la ressemblance suspecte des programmes télévisuels, on constate la rareté d’émissions à caractère intellectuel sérieux. Celles qui permettent de décrypter l’actualité internationale et les enjeux qui s’y collent sont quasi-absentes. Les rares émissions qui se disent de décryptage attirent des pseudo-experts en quête de reconnaissance si elles ne sont pas teintées d’une couche de politique sénégalaise. Cette donne se retrouve même dans la presse écrite. Chez cette dernière les pages intérieures couvrent rarement l’actualité panafricaine voire mondiale. On se demande si vraiment cette presse est sérieuse. Avec la concentration sur les affaires sénégalo- sénégalaises, un expatrié vivant dans notre pays devine un nombrilisme latent.
Cette mise à l’écart de la part de réflexion et de débat intellectuel est faite au profit de la politique politicienne et du sensationnel.
L’omniprésence de la politique
Tout observateur sérieux a remarqué que la une des médias est dominée par la politique. L’ambiance de campagne électorale aidant, les journalistes ne ménagent aucuns efforts pour couvrir meetings, marches, ou débats politiques.
C’est vrai notre vie est gérée par la politique. Aujourd’hui la crise sociale contraint l’homme de tous les jours à demander aux politiques de régler ses problèmes. Aussi la gestion de la cité demande la participation de chacun d’entre nous. Mais on aura constaté que la politique telle qu’elle est faite au Sénégal est un jeu d’influences aux buts inavoués.
On est à la recherche du sensationnel. Les unes et les titres sont choisis parmi les plus choquants. On est même surpris après avoir lu le sujet en question de l’éloignement entre ce qui a été développé et ce qui a été titré. L’opinion publique est mal informée, sous informée voire désinformée en fonction de la proximité d’un organe de presse vis-à-vis de tel ou tel autre homme politique.
Le culte de la médiocrité
On se demande parfois pourquoi acheter un journal. Mise à part la Une qui excite souvent notre curiosité, peu de choses dans les pages intérieures sont à la hauteur de nos attentes. Entre des faits divers, politiques, people et sports, rares sont les quotidiens qui nous annoncent les avancées technologiques, nous enseignent les règles qui régissent l’économie, nous apprennent à bien penser … !
La presse sénégalaise, un bel avenir !
Aujourd’hui plus qu’autrefois la presse sénégalaise a la possibilité de réinventer le journalisme. C’est à dire comme à son habitude nous parler de politique mais seulement en s’engageant en profondeur avec plus de précisions et plus d’expertise. C’est vrai c’est un choix qui porte avec lui plusieurs risques mais c’est aussi une sérieuse option sur l’avenir. Ce faisant , le public ne sera que mieux instruit. Les résultats attendus ne se limiteront pas seulement à nos frontières mais seront ouest-africaines voire internationale comme si chers aux pères fondateurs.
Pour en finir avec notre réflexion qui est loin d’être exhaustive, nous pouvons sérieusement nous dire que Senghor avait dit vrai. Nous sommes plus portés vers l’émotif que vers le raisonnement. Cependant , ce n’est pas assez pour empêcher l’affranchissement de nos esprits. On avait privilégié les sentiments, le sensationnel bref la forme au détriment du fond, de la réflexion. Il est temps pour nous d’entamer cette révolution des consciences et la presse sénégalaise a le devoir d’être pionnière dans ce domaine.
Mohamed Seck
Etudiant à l’ISFAR de Bambey ex ENCR
Le 21/11/2011