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Lettre à Bousso Dramé

Lettre à Bousso Dramé

« Fouleu, nitt mo key mey boppam » Vous avez juste fait les frais d’un système et de comportements coupables, mais qui, malheureusement, viennent de nous-mêmes, de notre propre peuple. C’est malheureux, mais c’est la triste réalité.

Chère sœur,

C’est avec un intérêt particulier que j’ai parcouru les lignes de votre lettre ouverte. Je l’ai aussi  parcourue avec beaucoup d’émotions : j’ai ressenti de l’indignation, car solidaire à votre cause, j’ai eu des frissons, que je ne pourrais expliquer, mais, surtout, j’ai ressenti de la fierté, car, vous ne vous êtes pas arrêté à une revendication verbale, à des écrits pour dénoncer comme il y en a tant eu, comme il y en a tant, et comme il y en aura tant d’autres. Vous avez agi, concrètement, en posant un acte fort, un acte qui mérite d’être reconnu et pris en exemple. Oui, vous avez raison, le respect,  ça s’impose.

En lisant les extraits de votre interview, j’ai été tenté d’en vouloir d’abord, au personnel de ce consulat, tristement célèbre, de par ses agissements, dont j’ai au moins entendu parler une fois, dans mon entourage. Mais, avec du recul, j’ai analysé leurs paroles, leur approche. Bousso, le respect, ça s’impose, mais, malheureusement, nos compatriotes n’adhérent pas forcément à cela. La dignité, l’amour propre, le respect de soi sont très souvent mis de côté, dès lors que les intérêts personnels, qui relèvent du matériel, interviennent. Vous n’avez pas accepté que l’on vous manque de respect, car le mot ‘’dignité’’ vous parle, parce que « amnga looy begn », mais combien de frères et sœurs se font tous les jours humilier dans ces représentations, et même ailleurs, sans broncher ? Si tout le monde faisait comme vous, il va de soi que ce type de comportement n’y prospèrerait pas, mais malheureusement, si nos frères et sœurs ne respectent jamais leurs engagements, si à chaque fois qu’ils s’engagent à revenir, ils « prennent la  tangente ». S’ils se comportent comme des hors la loi partout, s’ils ne croient pas en leur propre pays, s’ils exportent tout le laxisme qui nous caractérise ailleurs, comment nous ferons nous respecter ? Vous avez juste fait les frais d’un système et de comportements coupables, mais qui, malheureusement, viennent de nous-mêmes, de notre propre peuple. C’est malheureux, mais c’est la triste réalité. Comme on dit, « Fouleu, nitt mo key mey boppam » .

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J’ai été tentée d’en vouloir à cette même masse, qui part, pour ne jamais revenir, qui fait grossir les rangs des clandestins, qui se fait traiter de tous les noms, qui se fait humilier, sans broncher, mais je me suis ressaisie. Ont-ils vraiment le choix ? Dans un pays ou le chômage est l’activité la mieux partagée, ou les 3 repas quotidiens sont devenus utopie, ou aventure rime avec suicide, ou l’éducation va de mal en pire, ou la santé est elle-même malade, où le coût de la vie est scandaleusement élevé, pour des revenus ridiculement faibles, comment veut-on avoir une jeunesse forte, courageuse, patriote et surtout optimiste ? Le laxisme, l’indiscipline règnent en maitres, sur tout. La corruption est devenue une normalité.  Plus personne n’y croit, car la déception est le sentiment le plus récurrent chez nous. La jeunesse, cette manne électorale, est toujours utilisée pour passer, puis jetée aux oubliettes. Aucune issue, n’est envisageable, car le ‘’lidianti’’ est devenu une devise, un mode de vie. Le culte du travail ne prime plus. Certains s’adonnent à la lutte, désabusés, d’autres à la danse, d’autres encore aux  « petits boulots » qui rapportent pas grand-chose, et c’est ceux-là qui acceptent de ravaler leur fierté pour s’assurer un avenir, et un quotidien à tous ceux qui les attendent, ici.

J’ai été tentée d’en vouloir à la France, cette colonisatrice à qui nous avons tout donné. Ce pays qui nous a utilisés, ce pays qui nous a violés, encore et encore, pendant des décennies. J’ai été tentée de leur en vouloir, pour cette ingratitude, ces frontières qu’ils ferment, hermétiquement, alors que les nôtres leur sont grandement ouvertes. Leurs ressortissants se sentent bien chez nous. Ils ont du soleil, de la plage, des belles maisons et des entreprises, qui marchent ? J’ai été tenté d’en vouloir à la France pour cette ‘’amitié’’ bizarre qui nous lie. Une amitié qui se caractérise par une hospitalité, une courtoisie, une correction sans bornes, de notre part, mais récompensée, en retour, par des humiliations, un manque d’égard, une fermeture des portes de leur part, après que des centaines de nos grands-pères aient dédié leur vie à ce pays, pour sa liberté.

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Mais, finalement, j’en veux à nos dirigeants, qui ne font rien, pour imposer ce respect. A tous ces dirigeants d’Afrique. Comment va-t-on se faire respecter, si partout, nous nous tuons, nous faisons la guerre, nous volons, nous tirons des balles dans les pattes ? Pendant que les autres s’unissent, nous, nous nous tuons, nous divisons, encore et encore. Si ce que l’histoire dit est vrai, si c’est vrai que nos ancêtres eux même vendaient leurs frères noirs aux blancs, pour des « pacotilles » et de l’eau de vie, oui, j’en veux à ce peuple, qui, loin d’être solidaire, s’entretue. Nous le voyons, le vivons tous les jours. Alpha Blondy l’a lui-même dit, et j’y adhère parfaitement : « les ennemis de l’Afrique, ce sont les Africains. » Chacun ne pense qu’à lui, tout de suite. Nous n’avons pas l’esprit d’équipe, chacun pour soi, toujours, dans tout. Qu’est ce qui nous empêche de nous unir, d’abord, dans les micros détails, ensuite, dans la macro ? L’Union Africaine ne doit plus être une théorie, des conférences interminables. Elle doit se concrétiser en actes forts et dignes, en commençant par refuser de tendre la main, car, comme on dit, a main qui donne vaut mieux que celle qui reçoit.

Merci Bousso, merci à vous d’avoir eu le courage, la grandeur de n’avoir pas accepté de renier votre dignité, pour quelque chose qui vous tenait pourtant à cœur. Merci à vous, d’avoir, à votre manière, imposé le respect. Espérons que nos dirigeants en prendront de la graine, et que cet acte sera le premier geste, le premier pas vers une vraie révolution, celle des esprits. Espérons que ce Bob Marley, de là où il est, soit fier de vous, et que ses mots prendront tout leur sens

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‘’Emancipate your self Emancipate yourselves from the mental slavery, none but ourselves can free our minds’’.

Oui, nous devons nous  émanciper  de l’esclavage mental, personne d’autres que nous-mêmes ne peut libérer nos esprits. Avec tout mon respect !

 

Rabia Diallo

Rabia DIALLO
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