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Gare à La Bombe Juvénile!

On n’a plus besoin d’être un expert chevronné, un sociologue expérimenté ou un analyste averti pour comprendre que l’un des problèmes majeurs des pays du Tiers-Monde en général et de l’Afrique en particulier, c’est une forte croissance démographique, une expansion fulgurante de la population juvénile et surtout un système éducatif déstructuré pour ne pas dire inadapté et surtout le sous- emploi.

Le Sénégal ne fait pas exception à cette réalité.En effet, plus de la moitié de la population est jeune.Cela a pour corollaire une recrudescence du chômage, une montée de la déperdition, de la détresse et une profonde angoisse existentielle chez les jeunes.

Mon propos n’est pas seulement de dresser un tableau sombre de la situation des jeunes, mais il est surtout de critiquer ou de blâmer les politiques de jeunesse mises en place par les pouvoirs publics depuis « l’indépendance ».

Le premier échec, à mon avis,c’est l’inadéquation du système éducatif en général avec les exigences de développement et surtout de nos réalités socio-culturelles. En effet, l’enseignement général est trop théorique, trop extravertie et n’est pas en phase avec les exigences du marché de l’emploi ou de nos préoccupation de développement.En guise d’illustration en 2013, plus de 90% des candidats sénégalais au baccalauréat sont issus des séries littéraires où on leur sert des cours caducs, obsolètes (la littérature française, des cours de langues mortes comme le latin,grec!!!) ; au même moment les séries scientifiques et techniques, plus théoriques que pratiques sous nos cieux pour défaut d’équipements et d’infrastructures, enregistrent une infime partie de pensionnaires, et semblent donc laisser en rade par nos autorités et constituent ainsi le maillons faible de notre système éducatif.

On a très tôt privilégié un enseignement général (héritage des préoccupations coloniales fondées sur la politique d’assimilation, d’aliénation, d’exploitation de l’indigène) trop théorique éloigné des réalités économiques, celui-ci au lieu de développer un savoir-faire chez les jeunes, a fini par faire d’eux des « têtes-pleines !!!» aux mains inexpertes. Comme vous le savez, la théorie sans la pratique mène à un verbiage inutile et à des débats inefficaces.Et quand un jeune sénégalais diplômé parle, on est séduit par son éloquence mais dès qu’on lui demande de mettre la main à la patte ou qu’on lui confie des responsabilités sa prestation reste décevante.

Au cours de son cursus scolaire, le jeune sénégalais a trop de disciplines à apprendre, je dirai même à ingurgiter cela contribue tout simplement à le déboussoler, à le désorienter de sorte qu’il n’a plus de vocation et qu’on contribue à dilapider toutes ses ressources intellectuelles pour des futilités.

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Je n’ai rien contre les filières littéraires qui contribuent certes à former des jeunes éclairés, cultivés, des citoyens consciencieux, mais encore faudrait-il qu’elles nous parlent de notre « Moi profond », qu’elles nous réconcilient avec nous même, notre identité et surtout qu’elles ne nous amènent pas à négliger les enseignements scientifiques, techniques et la formation professionnelle qui constituent les clés de voute de tout développement économique durable et autonome. Si des pays comme le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, la Malaisie,le Brésil et la Chine ont rattrapé leur retard sur l’Occident et sont devenus des géantséconomiques, c’est sans doute parce qu’ils ont misé sur la formation technique et scientifique orientée vers leurs objectifs de développement et ancrée dans leurs valeurs endogènes.

On a beau mettre des structures de financement de projet de jeunesse, mais cela ne servira à rien aussi longtemps que les jeunes ne sont pas dotés d’une formation pratique apte à leur procurerun savoir-faire adéquat. Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les bœufs,c’est-à-dire mettre des structures de financements des projets de jeunesses telles leFNPJ(Fond National de Promotion de la Jeunesse), l’OFEJBAN(Office des jeunes de la Banlieue) sans offrir , en amont aux jeunes des connaissances pratiques et une formation professionnelle appropriée.Le fiascodes projets de « boulangerie pour les maîtrisards » sous le règne du Président Abdou Diouf, l’échec « du plan REVA »(Retour Vers l’agriculture) du Président Abdoulaye Wade pour ne citer que ceux-là sont autant d’exemples révélateurs de l’inefficacité des politiques de jeunesse de nos autorités politiques. Même le régime actuel retombe dans les travers de ses prédécesseurs en ce qu’il fonde la résolution du chômage des jeunes sur des programmes aussi farfelus que sur le recrutement de milliers de jeunes dans des emplois aussi précaires que le gardiennage ou la sécurité de proximité.

De plus , nos universités qui sont très engorgées semblent constituer des machines à produire des chômeurs de telle sorte qu’à part certaines Facultés et Instituts (médecine, pharmacie…), leurs diplômés pour la plupart faute de formations adéquates n’ont d’autre alternative que d’aller squatter le secteur de l’ enseignement ,à défaut de s’enliser durablement dans l’inactivité ou le sous-emploi. D’ailleurs, la capacité d’accueil de nos universités et en particulier celle de Dakar étant dépassée, on assiste de manière récurrente à des mouvements d’humeurs des étudiants non contents de leurs conditions d’études et de leur existence sociale. En sus, beaucoup de nos bacheliers peinent à être orientés du fait de l’incapacité des autorités à mettre en place une formation adaptée et des structures d’accueil adéquates et viables. La réussite au baccalauréat qui était naguère un motif de fierté pour les élèves et leurs parents est devenue une source d’angoisse et d’inquiétude.

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Ce qui est dramatique dans tout cela, c’est le désenchantement de la jeunesse par rapport aux études, celle-ci semble avoir perdu tout espoir pour l’école. Elle a maintenant pour modèles des artistes, des sportifs ou des hommes politiques dont certains, sans être scolarisés ou du moins sans faire des études poussées, semblent avoir réalisé une ascension sociale fulgurante ou une réussite matérielle au point de constituer un modèle de réussite sociale.La manifestation la plus symptomatique du désarroi de la jeunesse en perte de repère se lit clairement dans cette profusion d’écuries de lutte, de groupes de danse ou de rap et d’adeptes outranciers des séances de thé. Un pays où on néglige l’éducation et la formation ne saurait prospérer. Les plus grandes puissances mondiales ont bâti leur succès sur l’innovation scientifique et l’invention technique et la formation professionnelle.Des géants mondiaux comme Microsoft, Google, Facebook ont été l’œuvre d’étudiants formés à bonne école et sont devenus des multinationales tellement puissantes qu’elles font trembler les États.

Il est temps de cesser la guerre des chiffres au Sénégal, c’est -à- dire d’invoquer l’argument selon lequel plus de 40% du budget national sont consacrés à l’école pour avoir l’illusion qu’on peut résoudre le problème de l’éducation et du chômage des jeunes. Il ne sert aussi à rien de faire du corps enseignant le bouc-émissaire d’un système éducatif moribond et à bout de souffle victime de politiques éducatives inappropriées et souvent entièrement calquées des réalités des anciennes puissances coloniales. Le problème est moins financier que politique et stratégique. Tant qu’on ne redéfinit pas nos besoins d’éducation et de formation en fonction de nos exigences économiques, sociales et culturelles du moment on va continuer à faire fausse route et à plonger notre jeunesse dans des eaux troubles ou vers des lendemains incertains et annonciateurs de risques sociaux dont on ne saurait mesurer les conséquences désastreuses. La prolifération de sectes religieux fréquentés souvent par des jeunes désorientés en perte de repères, manipulés par des guides véreux sans scrupules; le développement exponentiel des écuries de luttes, la toxicomanie, sont autant de signes d’une jeunesse désœuvrée en quête d’espoir ou de soulagement d’un mal profond qui la ronge.

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Le mouvement « y en a marre » n’est qu’une alerte spontanée au départ et organisée par la suite de cette frustration de la jeunesse qui, si on n’y prend pas garde et si elle n’est pas canalisée par des politiques hardies et novatrices de création d’emploi, peut constituer un véritable tsunami social. Les marches violentes de marchands ambulants déguerpis « mano militari » des espaces publics, les suicides des d’immigrants clandestins aux larges des océans et côtes européens ,car disent-ils « ils préfèrent mourir dans la « dignité » que de vivre dans la misère », les auto-immolations et les grèves de la faim des jeunes diplômés d’espérés qui aspirent à poursuivre leur cursus universitaire ou s’insérer dans le marché de l’emploi doivent attirer l’attention de l’État quant au danger qui menace la paix civile ou l’équilibre sociale.

Alors repensons les paradigmes qui fondent notre système éducatif,analysons nos besoins en matière de formation à

travers un large consensus national où tous les acteurs vont diagnostiquer les fléau qui gangrènent l’école, inspirons nous des modèles qui donnent des résultats probants tout en les adaptant à nos réalités sociales, culturelles et économiques, redonnons aux jeunes le goût de la science en leur faisant comprendre que le savoir est le meilleur gage du pouvoir et de l’avoir, orientons les vers des secteurs professionnels porteurs dès leur tendre enfance pour installer en eux des compétences, des habiletés et leur donner des qualifications .Bref faisons , les actes et non dans les paroles ou les vœux pieux,de l’éducation, de la formation et de l’emploi des jeunes une priorité nationale pour espérer sortir notre pays de l’ornière et pour faire du « Sénégal émergent » une réalité tangible . En vérité, l’éducation est le véritable socle d’une émergence forte et durable.

 

Ciré Aw

Ciré AW

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