Dame Dieng est mort, et j’en perds mes mots, mais, j’avoue, j’ai honte…J’ai honte de moi…
J’ai honte parce que je suis autant coupable que vous tous, chaque personne qui lit ces lignes, toutes ces personnes qui croisent les regards de ces petits innocents, tous les matins, esclaves malgré eux, victimes d’un système bien huilé, qui dure, et perdure…
Ce système nous a transformé en monstre. Voir un enfant dans une misère totale, pieds nu, sale et crasseux, nous laisse indiffèrent. Un enfant à qui on a tout volé, jusqu’à sa dignité. Un enfant qu’on viole, qu’on exploite. Un enfant prêt à tout pour le versement du soir, de peur de subir le même sort que Dame Dieng.
En 32 ans d’existence, j’en ai toujours croisé.
J’en ai croisé au coin de ma rue, en me rendant à mon école. Les matins trop froids, où j’étais bien emmitouflée dans un pull doux, ils étaient en haillons, tete nue, maigres et affamés. Je les ai croisé, dans la canicule. Mes frêles pieds étaient protèges contre l’ardente chaleur de la chaussée, mais ces pauvres petits n’avaient pas cette chance. Sous la pluie, je les voyais en groupe, traverser la grande avenue, pieds nus.
Qu’est ce que j’ai fait, pour poser une petite pierre à cet édifice ? Rien, rien que des paroles, des ‘’chroniques’’, encore et encore, pour ‘’dénoncer’’. Et j’ai honte, parce qu’en fin de compte, c’est moi qui alimente le compte de ce maitre véreux, j’entretien le système.
Les tragédies me reviennent, les 13 talibés calcinés il y a à peine 2 ans sont oubliés, et leur souvenir se réveille par cet énième petit innocent, victime de nous tous.
Ce pays nous appartient, chaque Sénégalais est le propre ambassadeur de sa patrie, et aujourd’hui, j’ai honte, honte de voir comment on traite l’avenir de notre nation.
Nous pouvons arrêter tout cela, arrêtons d’alimenter ce système. Boycottons les sarakh de sucres, bougies, petites pièces de monnaies et ndabou lakh…
Et j’ai envie de rire. Je vois d’ici les commentaires silencieux, ceux qui pensent, mais qui n’oseront pas le dire ‘’Mais tu es folle ?’’ Ces sarakh salvateurs, garants de notre prospérité, de notre ‘’bayrè’’, ces sarakh garants de notre quiétude, boucliers contre le mauvais sort, le mauvais œil, la mauvaise langue !’’.
Et voilà, c’est ça le fond du problème. J’ai honte parce que nous tous, directement ou indirectement, participons à cet esclavagisme. Et je pense à la grève des battu, d’Aminata Sow Fall. Vous voulez vraiment savoir ? La mendicité ne sera jamais éradiquée dans ce pays, car ceux qui doivent pouvoir régler ce problème ont besoin de ces mendiants. Il faudrait qu’on procède à une réinitialisation des esprits, ou attendre 2 générations, en préparant la transition dès maintenant. On pourrait aussi avoir la chance d’avoir un dirigeant pragmatique, qui ne serait là que pour le peuple, et qui déciderait, d’en finir une bonne fois pour toute, malgré toutes les conséquences que cela pourrait engendrer.
J’ai honte, parce que tout simplement, je trouve honteux le fait de fermer les yeux, alors qu’on se trouve dans une position dans laquelle on est capable de changer les choses, mais qu’on ne le fait pas, pour ses propres intérêts, ou parce qu’on subit une certaine pression .
Et la pression de Dieu ? On l’oublie ? Ou peut-être, on ne la sent pas vraiment, car je suppose qu’il n’est pas donné à tout le monde de la sentir…
Le Sénégal est en deuil, on a perdu un petit de 12 ans, sacrifié à l’autel de l’égoïsme. Oui, de l’égoïsme. L’égoïsme des parents d’abord, qui ne savent que procréer. L’égoïsme du ‘’Maitre’’, le Caissier et Manager. L’égoïsme du peuple, y compris moi, qui ‘’ Donnons’’, au Nom d’ALLAH, l’égoïsme de cette autorité, qui pourrait changer les choses, d’un coup de stylo, mais qui ne le fait pas.
A bon entendeur, je vous dit à bientôt, rendez vous à la prochaine mort, où, en chœur avec d’autres indignés et chroniqueurs, nous reformulerons les mêmes phrases, les mêmes indignations, les mêmes souhaits. Car on sait tous que les choses ne changeront pas. Mais qui sait ? Peut-être que la patrie prendra un jour le dessus sur…le parti.
En attendant, pleurons.
Rabia Diallo
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