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Encore Une Fois

Encore Une Fois

C’est décidé, je me lance dans la politique, parce que vous savez quoi, la politique, c’est tellement grisant, tellement intéressant, tellement passionnant, tellement, humm je cherche mes mots, tellement nourrissant !

Mais le seul hic, c’est que j’ai entendu dire que c’est hallucinogène et « amnèsiquogéne ».

Mais par contre, ce dont je suis sure, c’est que la politique chez nous, c’est la promotion de toutes les antivaleurs :

C’est le festival du wax wakhete

La promotion du ‘’en veux tu en voilà’’

La culture de l’anti-mérite : Khaliss dougn ko liguey non ?

Eh bien, comme l’histoire a tendance à se répéter, voici ma stratégie.

Je vais d’abord tout faire pour me faire nommer à une position stratégique. Ensuite, j’attends le bon moment et je lance une petite fronde, un tout petit défi, une toute petite phrase assassine, un projet à deux balles et je laisse les carottes mijoter. La presse s’empare de l’affaire, les jeux de passe-passe favoris de mes confrères commencent, le « Tessantè« s’amplifie, petit à petit, et au bout du compte, les carottes sont cuites. On me débarque du gouvernement…

Je deviens alors une victime, ohhh les Sénégalais adorent ça ! Ils adorent compatir, sur tout. Je deviens une icône, un symbole, on m’adule ! Oui, je commence peu à peu à drainer du monde. On m’invite partout, je donne mon avis sur tout et tout le monde. Je suis l’invité de toutes les émissions télé et radio, normal, toutes les émissions télé et radio sont politiques. Je lève le point, je suis éloquent et très convainquant. Mon discours séduit. Le public m’adule, les partisans affluent. Je suis un « avenir », une opportunité pour la majorité de ces derniers et pour 1% De ceux ci, je suis un symbole, un modèle, ils se reconnaissent à travers moi.

Pendant ce temps, le président en exercice s’éloigne peu à peu des réalités du peuple. Ses partisans lui jouent du « Khalam », lui font croire que tout va bien, et lui, il y croit. Il embarque dans sa (douce et lucrative) traversée ceux que le peuple s’était tué (dans le vrai sens du terme) à débarquer. Pour quelles raisons? Je ne suis pas encore experte en politique mais je finirais certainement par comprendre cette histoire de ‘’transhumance.

Le président en exercice prend alors le sens inverse de ses engagements. Dans le quotidien des Sénégalais, rien ne change, bien au contraire. La corruption fait toujours la bamboula, partout. Les jeunes se suicident sur le chemin de Barça(zakh) faute d’emploi. Que dire de tous ces super diplômés qui cherchent depuis des lustres un emploi décent ? Bref, tout le monde se plaint « Deuk bi dafa Macky ! ish! « .

Le président en exercice décide de « tripatouiller la loi » encore une fois. Des mouvements naissent. Même Niani ressuscite et refuse ‘’encore une fois’’. « Y en a marre », entend-on partout. Je fonce sur le terrain, draine des foules, ‘’hume’’ à en crever l’odeur piquante des grenades lacrymogènes. Je fais tout pour me faire arrêter et emprisonner. Et là, c’est le summum de la gloire ! Ahhh !! Les partisans affluent au poste de police. Batailles rangées, conférences de presse, depuis ma cellule, je ne faiblis pas ! On me tue pas (faut pas exagérer non plus hein)… Mais on ne me déshonorera jamais! On ne déshonorera jamais notre chère démocratie, notre cher Sénégal! Je ne suis pas malade, je suis très bien portant, bla bla bla bla…Bref !

Je sors et je me présente comme candidat aux élections présidentielles. La presse a fini de massacrer l’image du président, à coup de revues de presse, entre autres. Elle suivra les scrutins de très près.

Surprise ! Le Président décide de rallonger le mandat à 7 ans, au lieu de 5. Les mouvements citoyens s’excitent. Tout le monde est énervé, tout le monde est exaspéré, tout le monde, encore une fois, « en a marre » ! Marre de quoi en fait ? Marre parce que le peuple a vu naître et grandir des ‘’milliardaires’’ en l’espace de 5 ans. Marre parce que chez Goorgorlu, rien n’a changé. Marre d’entendre parler de projets à coups de milliards qui ne changent concrètement rien à son quotidien.

Tout ce brouhaha est une aubaine pour moi…

… 2 ans plus tard …

Le peuple en a (toujours) marre. Il veut juste voir son président en exercice hors du palais et moi, en candidat par défaut, il me choisit. Il ne me choisit pas pour mon programme, ce qui est quand même aberrant. Et dans mes débats passionnés, il n’a jamais été vraiment question de programme. Chez nous, on choisit un président pour sa personne et ses belles promesses, jamais pour son programme. Et oui, on en est encore là.

Du haut du piédestal sur lequel m’ont posé les sénégalais, moi, l’homme intègre, moi l’homme qui défend becs et ongles l’éthique, la patrie avant le parti, moi l’homme en qui des millions de sénégalais ont placé leur confiance, je leur promets, dans le blanc des yeux, de réduire le mandat présidentiel, dès mon accession au pouvoir. Je leur promets alors une « gestion sobre et vertueuse », et patati, et patata, blablablablablabla…

Pour moi, la postérité est juste essentielle. Le respect de la parole donnée, non négociable. Certains de mes prédécesseurs en ont fait les frais, je ne ferai jamais la même erreur. Ma réputation, le pouvoir ne pourra jamais l’acheter (mais c’est que j’ai sous-estimé le pouvoir du pouvoir).

Et voilà, je suis au palais ! « tous nos problèmes d’argent sont finis ! » Il fait si bon au palais ! Et quand ma première dame qui aura très tôt pris gout aux bonnes choses me demandera : « On est là pour combien de temps ? » Avec un petit sourire, je lui répondrais « Je laisse le soin aux 5 sages (que j’aurais nommé) d’en décider), je suivrais leur avis »… Rideau de fin.

C’est triste, et c’est avec beaucoup d’amertume, de remords, de révolte et de déception que j’ècris ces lignes : mais c’est cette réalité qu’on vit chez nous. Les politiques ont fini par nous exaspérer en voulant nous convaincre que le ciel est rose fushia et que 1+1= 97. On a pris acte et on prendra les mesures idoines au moment venu. Ils oublient systématiquement que le temps est traitre et surtout très abstrait.

2 ans de plus ou l’opprobre pour l’éternité, que vous endosserez seul devant l’histoire et devant Dieu.

En 2019, désolée, Monsieur le Président, mais je ne voterai pas pour vous. C’est une question de principe.

 

Rabia Diallo

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