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Et Si Les Politiques Publiques Du Sénégal S’intéressaient Au Vrai Potentiel De Développement De La Région De Ziguinchor !

Et Si Les Politiques Publiques Du Sénégal S’intéressaient Au Vrai Potentiel De Développement De La Région De Ziguinchor !

Au Sénégal, les différentes annonces de politique publique sur la région de Ziguinchor, en termes d’investissement et de développement, ont été souvent faites avec des visées politiques plutôt qu’avec une ambition réelle de développer la région. Et pourtant, cette région naturelle regorge d’un potentiel de développement qui peut contribuer à impulser une dynamique de croissance durable dans tout le Sénégal. Comme nous allons le voir dans cet article, la région de Ziguinchor possède tous les atouts nécessaires pour contribuer à la construction d’un Sénégal émergent, pour peu que les discours politiques aillent au-delà du leitmotiv de la paix pour s’orienter davantage vers une dynamique réelle de développement.

Le projet de l’aéroport international de Ziguinchor

L’idée d’un aéroport international à Ziguinchor a pendant longtemps été entretenue par les différents pouvoirs qui se sont succédé sans que cela n’aboutisse à une quelconque initiative de mise en œuvre concrète. Au regard des impacts économiques qu’un tel aéroport peut engendrer, le pouvoir de Macky Sall a tout intérêt de faire de sa réalisation une priorité.

Avec un aéroport de standard international à Ziguinchor, les gros-porteurs pourront desservir la ville, avec une capacité qui sera nettement supérieure aux avions de 50 places utilisés actuellement. Avec des avions d’au moins 100 places, le prix du billet pourrait baisser, facilitant ainsi le déplacement entre le Nord et le Sud et les évacuations médicales moins coûteuses sur Dakar ou à l’étranger.

Cette infrastructure positionnera Ziguinchor comme une ville internationale avec la possibilité d’exporter des fruits, des légumes et les produits halieutiques directement en Europe et en Amérique. Elle aidera également à réduire le chômage des jeunes dans une région où les activités de production et de transformation industrielles sont quasiment inexistantes.

L’investissement aura également plusieurs effets d’entraînement par la création d’autres activités génératrices de revenus comme la manutention, le transport, le tourisme et l’agriculture de rente. Les pouvoirs publics qui se sont succédé ont souvent entretenu l’idée mal conçue de créer deux aéroports dans la région, un à Ziguinchor et un autre au Cap-Skiring. Il importe ici de noter qu’un tel investissement est inopportun en raison de la proximité des deux localités (environ 70 kilomètres). Une seule grande infrastructure suffirait à permettre aux ressortissants résidants en Europe ou en Amérique de la Casamance, de la Gambie, de la Guinée Conakry et de la Guinée Bissau à descendre directement à Ziguinchor et à éviter les coûts de transaction additionnels du voyage par bateau ou par la route. Par ailleurs, Les départs pour le pèlerinage à la Mecque ou à Rome pourront se faire directement à partir de Ziguinchor qui pourra accueillir les pèlerins de Kolda et Sedhiou et de la sous-région.

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À la construction de l’aéroport pourrait également suivre la mise en place d’écoles spécialisées de type CÉGEP (collège d’enseignement général et professionnel) pour former les jeunes dans la maintenance aéronautique, les services, le tourisme, la transformation de fruits et légumes, la pisciculture et transformation de produits halieutiques, le transport logistique, la création de chaînes de valeur, etc. Aux modules spécialisés pourront s’ajouter d’autres langues étrangères comme l’anglais, le portugais, l’espagnol et l’allemand. Ces formations qualifiantes auront des effets bénéfiques sur toute l’économie du Sénégal et feront de Ziguinchor un haut lieu de la formation technique et professionnelle en Afrique.

Le chemin de fer Dakar – Casamance

Cette idée, qui à un moment donné a fait fantasmer l’ancien Président Abdoulaye Wade, sous le régime duquel des études de faisabilité ont été réalisées mais qui n’ont pas été suivies d’actes concrets d’exécution, devrait être ressuscitée et façonnée pour avoir un contenu opérationnel car les effets pourront être très bénéfiques pour l’économie sénégalaise.

Les impacts que l’on pourrait déceler d’un tel investissement sont multiples, et sans être exhaustifs ils pourraient se décliner dans les points suivants :

1. La réduction significative du coût du fret, ce qui aura pour effet d’augmenter le pouvoir d’achat des populations car les produits commercialisés couteront moins cher;

2. La diversification des infrastructures de transport fournit une alternative stratégique à l’éventualité d’une panne des bateaux existants ou à une fermeture unilatérale de la frontière gambienne.

3. La création d’emplois et le développement du tourisme local et international. Ainsi, des offres touristiques innovantes pourraient porter sur la « découverte du Sénégal par train ». Les entrepreneurs pourraient ainsi construire des auberges tout au long du chemin de fer pour accueillir les touristes voulant faire le « Senegal by train ».

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4. La multiplication des moyens de transport (bateaux, avions et chemins de fer) incitera la Gambie à la coopération et sera un vecteur de la libre circulation des personnes et des biens dans la sous-région.

D’un point de vue stratégique, le Sénégal pourrait également utiliser la construction de ce chemin de fer comme un levier d’intégration sous-régional. Ainsi, le tracé du chemin pourrait prendre l’itinéraire Dakar-Banjul-Bissau-Conakry en passant par Boké qui est une ville frontalière à la Guinée Bissau et être financé conjointement par les quatre pays sur proposition du Sénégal. Avec une planification sérieuse, pragmatique et la recherche de moyens pour financer un tel projet, c’est l’intégration régionale qui se retrouvera renforcée avec des idées innovantes qui ne manqueront d’être répliquées dans d’autres pays d’Afrique.

Des centres multifonctionnels pour la jeunesse

Toutes les régions de la Casamance naturelle, à l’instar des autres régions du Sénégal, sont caractérisées par une carence généralisée de cadres d’épanouissement pour la jeunesse. Pour parer à cette situation, l’État pourrait lancer la création d’espaces culturels et sportifs avec un ensemble d’infrastructures concentrés dans une seule zone polyvalente. Il s’agit de réalisations de même type que la « Blue Zone de Kaloum » à Conakry (https://vimeo.com/130958814) ou la « Blue Zone de Zongo » à Cotonou (https://www.youtube.com/watch?v=doFOBHWnZn4), construite par la Société Bolloré pour la Guinée et le Benin. Au Canada également, de telles zones existent dans plusieurs localités du pays et permettent aux communes d’organiser de manière continue diverses activités qui leur donnent une vie active. Ces centres polyvalents peuvent également être utilisés comme des lieux de formation de la jeunesse aux nouvelles technologies de l’information et de la communication mais également des lieux où d’apprentissage sur l’art et la culture. Aussi, des pratiques durables comme l’hygiène et le recyclage de déchets peuvent y être entreprises pour inculquer un esprit citoyen à la jeunesse. Ces types de centres démultipliés à la grandeur Sénégal pourront devenir de hauts lieux d’apprentissage des valeurs culturelles du pays.

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À la lumière de ces propositions, par lesquelles les pouvoirs publics du Sénégal peuvent prendre le taureau par les cornes et s’engager résolument dans le développement de la région de la Casamance, il demeure important de souligner que l’une des voies contributives à la paix durable réside dans le développement économique de la région sud. C’est une région qui possède des avantages indéniables (ressources naturelles abondantes, diversité ethnique et position géostratégique) et son développement se fera par des idées constructives et des projets productifs bien ciblés plutôt que de résumer toutes les difficultés de la région dans le seul refrain : prières pour la paix en Casamance.

 

Ibrahima Gassama, Québec

Économiste du développement durable au Gouvernement du Québec (igassama@gmail.com)

Karamba Badio, Washington

Cadre de la finance internationale (kbadio@gmail.com)

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