Nous intellectuels Africains et particulièrement ceux qui évoluent dans les structures de la société civile devons nous débarrasser et oublier pour de bon les séquelles, les stigmates de la longue nuit de colonisation faite il est vrai d’humiliation, de négations, d’asservissement, d’avilissement physique, ,de spoliations matérielles, morales, trop fumigènes et assez obscurcissant pour un horizon de coopération franche et loyale avec l’occident, afin de mieux nous assumer et prendre notre place aux commandes de la marche de l’histoire, pour enfin vivre celle-ci et non toujours la subir.
Au stade actuel des attitudes et comportements, le constat reste amer car soit nous continuons à nous aligner mécaniquement, sans esprit critique sur les positions de nos objecteurs de conscience occidentaux que nous aimons tant citer en référence, si toutes fois nous ne servons de caisses de résonances à leurs thèses et projets (cas des Droits Humains), ou bien nous adoptons une attitude de distanciation ou de rejet systématique, irraisonnée, de toutes initiatives en provenance de l’occident. Nous oublions ainsi de nous rendre compte que le Monde a bougé et continue à bouger et ceci sur la base d’ordres civilisationels, universels (ordre Mondial Education, ordre Mondial Santé, ordre Mondial commerce, etc…) qu’il ne s’agit point de rejeter ou de se mettre en marge mais plutôt d’intégrer pour contrôler et y apporter partie de son identité.
Concernant les APE, il ne s’agit pas donc de faire du bruit sur le vocable « signature » qui n’a de sens que dans le contenu de ce qui est signé et dans ce cadre, rares sont parmi les plus bruyants, ceux qui avancent la réflexion dans ce sens et ceux qui ont essayé de le faire s’en limitent à une spéculation sur le manque à gagner du Sénégal avec une note de pessimisme déconcertant qui veut toujours réduire nos pays, nos industriels à des incompétents, des nains économiques congénitaux, d’éternels damnés de la terre.
Dans ce cadre on oublie également que les Accords UE-ACP , ne datent pas d’aujourd’hui mais constituent le prolongement d’un long processus de coopération qui a commencé dés la fin de la première décennie des indépendances entre pays Européens colonisateurs et leurs anciennes colonies devenues indépendantes et victimes de « la détérioration des termes de l’échange » comme le dénonçait à l’époque notre cher défunt Président poète. Ainsi pour réguler la coopération et « corriger » le déséquilibre, il y a eu la convention de Yaoundé, les Accords de Lomé puis de Cotonou à partir desquels cette société civile qui rue sur les brancards a largement puisé de financements au nom du chapitre IV desdits Accords, au compte du faire-faire. Pire c’est dans ce cadre que les ACCORDS bilatéraux de pêche ont pillé nos côtes maritimes. Alors où était cette Société civile ? A qui la faute ? Pas seulement aux Européens car on avait l’opportunité ici de renforcer notre armement de pêche, d’avoir des usines de transformation viables, si tant la volonté politique était d’avoir une place sur le Marché international, la matière première étant présente en abondance.
Le problème n’est donc pas sur l’opportunité de signer ou pas des Accords de partenariat, de coopération qui sont indispensables dans ce contexte de Mondialisation, de globalisation irréversible de l’Economie, mais plutôt de disposer d’arguments techniques et d’une offre innovante, solide et variée, de qualité. Pour ce faire il faut donc la volonté et l’humilité d’accepter d’être à côté des autres pour apprendre à gérer leur goûts et caprices, à s’affranchir technologiquement et à produire ses propres marques, c’est cela le réalisme de Pouvoir.
Le débat est donc vicié et politicien, désarticulé puisque faisant fi du contexte de globalisation de l’économie qui est aussi un long processus à partir de la naissance et du développement du capital au XVIIIème siècle jusqu’à la consécration du néo libéralisme en passant par la création de la Banque Mondiale et du fond monétaire international par les vainqueurs de la deuxième guerre Mondiale, puis la dislocation du bloc communiste avec la chute du Mur de Berlin qui est très symbolique et en fin la création de l’ OMC qui met la pression derrière cette Révision de tous les Accords régionaux pour les conformer à ses principes directeurs. L’Europe elle-même est soumise aux mêmes contraintes que les ACP dans ses ACCORDS de partenariats Transatlantiques (ITTP) avec les Etats UNIS qui sont entrain de se négocier à huis clos. N’oublions pas en outre que l’OMC dont le Sénégal est membre avait accordé une dérogation à l’UE-ACP, le temps de renégocier certaines clauses jugées avantageuses pour les pays ACP mais aussi pour l’Union, au détriment des autres pays membres de l’OMC, ce qui constituait une entorse au libre échange. Pourquoi donc, diantre cette société Civile et ces partis d’opposition dont certains émargent d’ailleurs en tant que Libéraux, ont-ils laissé le serpent néolibéral dévaster la basse cour pour courir après derrière ses traces.
Mais alors pour plus d’objectivité, il serait intéressant également que tout ce beau monde qui spécule sur ce qu’on perd en signant, qu’ils poussent la réflexion pour évaluer ce qu’un pays ou un groupe de pays aurait perdu s’il refusait de signer pour faire ainsi face à une concurrence sauvage et un marché inorganisé. L’histoire foisonne surtout en Afrique de pays peu ouverts au monde extérieur, pour une raison ou une autre et qui malgré un potentiel de richesses importantes, émargent toujours au registre de pays pauvres, au regard de leur revenu par tête d’habitant.
A l’évidence le rôle de la société civile devrait alors être plus proactif que réactif et dans le cas d’espèce, s’embarquant dans le train qui ne vient jamais à l’heure, son attitude serait plus conséquente en conseillant nos gouvernants à être plus imaginatif pour assurer d’abord à leurs peuples l’autosuffisance alimentaire afin de minorer l’impact des denrées de première nécessité sur le déficit des balances commerciales, en réglant la question de la monnaie et en conseillant à nos producteurs et industriels de relever le défi de la compétitivité qui ne s’ apprécie pas toujours en termes de niveau de prix mais beaucoup plus en termes de qualité des produits. A ce titre le label chaussures de Ngaye Mekhé est assez illustratif comme la mangue et les haricots Sénégal sont en train de faire leur bout de chemin. Pourquoi pas demain le Bissap et le quinquéliba et autres spécificités sénégalaises ?
En conclusion, il nous faut donc oser et c’est cela le réalisme stratégique, car on aura toujours quelque chose à donner.
Waly Ndiaye
Membre du Réseau Africain de Recherche sociale de syndicalistes
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