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Auto-saisine Par Le Procureur : Une Autre Manipulation De Macky Sall

Les sénégalais se sont réveillés hier avec un nouveau os à ronger avec l’auto-saisine, par le Procureur de la République, de qu’il est convenu d’appeler l’affaire des 74 milliards de deniers publics supposément détournés par Idrissa Seck. Cet acte signe le premier clap de tournage du feuilleton pré-électoral que le Président Macky Sall (il n’y a plus de doute aujourd’hui que c’est lui qui tire directement les ficelles) a décidé de servir, en direct, au peuple sénégalais. Son objectif est de détourner celui-ci des préoccupations majeures du moment (chômage endémique des jeunes, difficultés d’accès aux soins pour certaines franges de la population, pauvreté galopante des personnes du troisième âge, système scolaire et universitaire sous anesthésie, difficultés de terminer certaines infrastructures entamées sous l’air Wade, gabegie et concussion érigées en mode normal de gestion, impunité pour les souteneurs, etc.). Le but ultime de ce nouveau feuilleton est la mise à mort politique d’un adversaire considéré comme un important obstacle à une réélection fortement désirée en 2019.

En effet, Macky Sall ne se soucie guère de l’immense besoin des sénégalais de connaître la vérité, rien que la vérité sur les récurrentes accusations de détournements de deniers formulées jusqu’ici, sans aucune preuve matérielle convaincante, à l’encontre de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Il n’en a cure des exigences de son peuple pour que les deniers publics soient sacralisés et que toute faute dans leur gestion fasse l’objet d’une sanction exemplaire et dissuasive. Il n’est obnubilé que par un second mandat. Trois faits (je dis bien de faits !) me confortent dans cette analyse.

D’autres scandales, plus importants, méritaient aussi une auto-saisine

Tout semble faire croire que le Procureur de la République est en fait un procureur du parti au pouvoir. En effet, si la poursuite des délinquants à col blanc était une priorité pour l’État, plusieurs faits récents auraient dû déclencher des enquêtes préliminaires, sinon l’ouverture d’une information judiciaire.

Il y a quelques semaines, un rapport de la Direction centrale des marchés publics nous apprenait que, durant le premier semestre de l’année 2016, 63% des marchés publics, soit une valeur de 291,8 milliards de francs CFA, ont été conclus par entente directe ou gré à gré alors que la limite à ne pas dépasser est fixée à 15% par trimestre par le Code des marchés publics. Qu’a fait le Procureur de la République face à de tels excès surtout lorsqu’il est établi, de manière irréfutable, que derrière la plupart des marchés attribués de gré à gré se cachent des actes souvent répréhensibles comme la concussion, la surfacturation, la corruption ? Rien du tout ! Il a brillé par son mutisme.

Il y a, encore, quelques semaines, certains organes de vérification et de lutte contre la corruption (OFNAC, Cour des comptes) ont rendu publics leurs rapports annuels d’activité en épinglant des prévarications, voire un pillage en règle des deniers publics par des responsables du parti au pouvoir à la tête de certaines structures étatiques. Qu’a fait le Procureur de la République ? Rien du tout ! Il n’a rien entendu, ni vu.

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Qu’en est-il des grosses affaires de corruption, de concussion, de conflits d’intérêt et de soupçons de détournements de deniers publics qui avaient récemment défrayé la chronique comme l’affaire Petro-Tim Sénégal ou celle d’Arcelor-Mittal pour lesquelles les sommes en cause étaient de l’ordre de plusieurs centaines de milliards de FCA ? Rien du tout ! Il était, peut être en hibernation alors que l’OFNAC a pris son courage en deux mains pour déclencher des enquêtes préliminaires.

Par rapport à tous ces scandales récents où le Ministère public a brillé par son inexistence, où il y avait matière à poursuivre sinon à ouvrir une enquête préliminaire, je ne comprends pas qu’il s’empresse, aujourd’hui, d’exhumer des affaires qui sont à la limite de la prescription. C’est vrai, le fait que la principale cible soit un certain Idrissa Seck pourrait expliquer ces différences de traitement. En procédant de la sorte, le Ministère public se tire lui-même dans le pied en s’érigeant comme un instrument destiné à broyer les opposants impertinents et empêcheurs de tourner en rond. On comprend, dès lors, pourquoi la classe politique et l’intelligentsia sénégalaise se tiennent à carreau surtout certains de leurs membres qui cachent des cadavres dans les armoires !

Un accusateur qui manque de crédibilité

Le second fait qui fait douter de la volonté du Procureur de la République à faire manifester toute la vérité et qui renseigne sur l’intention de Macky Sall à instrumentaliser la Justice à des fins purement politiques, est celui de l’absence de crédibilité de l’auteur des accusations : Samuel Ameth Sarr. Le nom de cette personne est cité dans toutes les affaires sombres et criminelles qui ont secoué la République au cours des deux dernières décennies. Jugez-en ! Samuel Amteh Sarr a été arrêté et incarcéré dans l’affaire relative à l’assassinat de Maître Babacar Sèye. Il lui était reproché d’avoir financé l’opération ayant conduit au meurtre du juge constitutionnel. Le même Samuel Ameth Sarr a été épinglé par l’IGE dans une sombre affaire de vente de faux pétrole (en fait de l’eau de mer) pour plusieurs milliards de francs CFA lorsqu’il était Ministre de l’énergie. Enfin, Samuel Ameth Sarr figurait en bonne place sur la liste des 25 personnes que la CREI entendait poursuivre pour enrichissement illicite.

Bref, on se rend compte facilement et de manière factuelle, que le principal accusateur, Samuel Ameth Sarr, est un manipulateur et un menteur de grande classe. L’affaire de Clearstream, en France, est encore fraîche dans nos mémoires et doit rendre prudent plus d’un. En effet, est-il besoin de rappeler que dans cette affaire un dénonciateur (Imad Lahoud) réputé comme un mythomane et un manipulateur de haut vol a essayé de manipuler la justice française dans le but de permettre au Premier ministre d’alors (Dominique De Villepin) d’évincer un sérieux concurrent à la présidence de la république (Nicolas Sarkozy). On connaît la suite : Imad Lahoud est reconnu coupable notamment de complicité de dénonciation calomnieuse, de faux, d’usage de faux et de recel d’abus de confiance et s’est retrouvé avec une condamnation de 3 ans d’emprisonnement en plus une amende. Cela n’avait pas empêché, non plus, Nicolas Sarkozy (la principale cible de cette affaire) d’être élu Président de la République.

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D’ailleurs, une question qui taraude l’esprit est celle-ci : pourquoi Samuel Ameth Sarr attend aujourd’hui pour dénoncer Idrissa Seck alors que le code de procédure pénal prescrit l’obligation à «toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs»? Accessoirement, le Procureur de la République entend t-il le poursuivre, par conséquent, pour complicité ?

La sûreté urbaine de Dakar n’est ni outillée, ni compétente pour mener cette enquête

Le troisième et dernier fait est lié à la décision du Procureur de confier l’enquête préliminaire à la sûreté urbaine de Dakar. Pour qui connait tant soit peu le fonctionnement de l’administration en particulier celui du Ministère public, la servilité de certains hauts fonctionnaires (heureusement pas tous !), le manque de compétences spécialisées capables de mener à bien des enquêtes exhaustives dans des domaines de pointe comme les finances publiques, le scénario est écrit d’avance. Il pourrait prendre les contours de la trame décrite ci-après :

  • le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sur instructions du Président de la République ou l’aval (tacite ou explicite) de celui-ci, ordonne au Procureur de la République d’ouvrir une enquête préliminaire sur l’affaire des 74 milliards impliquant Idrissa Seck pour rechercher et constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs (c’est déjà fait) ;
  • les officiers et agents de police judiciaire chargés de l’enquête préliminaire vont tourner en rond, tâtonner et baser les procès-verbaux à dresser sur des ouï-dire, des coupures de presse et de quelques déclarations fantaisistes comme celles que feraient des personnes sans crédibilité comme Samuel Ameth Sarr ou Mame Mbaye Niang ;
  • le Procureur de la République va se satisfaire de cela et trouver assez grave les présomptions de culpabilité d’Idrissa Seck sur la base desquelles il prendra des réquisitions aux fins de saisir le Doyen des juges d’instruction ;
  • des fuites tendancieuses dans la presse du palais seront organisées pour lapider et tuer, à petit feu, l’impertinent opposant qu’est Idrissa Seck. La presse des 100 s’en chargera avec joie et célérité en gage de sa fidélité, à toute épreuve, aux détenteurs du pouvoir ;
  • le juge d’instruction se verra obligé (compétence liée) de décerner un mandat de dépôt à Idrissa Seck le temps de l’instruction de l’affaire, car c’est la règle lorsqu’on est poursuivi pour détournement de deniers publics ;
  • la presse du palais et des 100 se chargera d’achever l’impertinent opposant avec des titres qui vont rivaliser d’ardeur et d’imagination pour crucifier Idrissa Seck et montrer aux citoyens sceptiques le bien fondé des accusations portées contre lui ;
  • après quelques mois d’instruction, le juge aboutira au constat amer qu’aucune des accusations ne tient débout. La matérialité des faits n’est pas établie. Il prendra alors une ordonnance de clôture et de non-lieu, Idrissa Seck libéré ;
  • la presse, surtout celle du palais, évoquera, rapidement, la libération d’Idrissa Seck faute de preuves en laissant planer un doute en dépit de la décision de justice qui lui serait favorable. Malheureusement, le mal serait déjà fait. L’homme Idrissa Seck mourirait une seconde fois, une belle mort et, cette fois, de façon définitive (politiquement s’entend !).

Ce scénario que je viens de décrire à grand traits, n’est pas de la fiction. La probabilité pour qu’il se réalise reste élevée. Sauf si d’autres évènements fortuits ou de force majeure se produisent pour lui donner un tout autre cours. Je veux illustrer par ce scénario comment les personnes qui sont dépositaires de nos suffrages et de notre confiance se jouent de nous, le peuple. Je veux éclairer mes compatriotes sur les possibilités d’instrumentalisation de notre système judiciaire à des fins politiques.

Aujourd’hui, nous devons tous comprendre que le temps des combats frontaux est arrivé. Nous ne pouvons plus laisser une minorité d’incompétents, de véreux, de jouisseurs et de manipulateurs tenir toute la République en otage dans le seul but de conforter et de satisfaire leurs ambitions de pouvoir. Nous les avons élus pour travailler et améliorer, de façon nette, le sort des sénégalais et du Sénégal. Ils doivent respecter et non tenter de bâillonner ou couvrir d’insultes les citoyens qui ne pensent pas de la même façon qu’eux. J’en ai marre de ces parvenus !!!

Fippu jotna !!!

 

Ibrahima Sadikh NDOUR

ibasadikh@gmail.com

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