Je me souviens du soir du 25 mars 2012.
Après 12 années de règne du patriarche de la nation, Me Abdoulaye Wade, et je ne dirai jamais assez ce que le pays lui doit, la télévision nationale annonçait la victoire aux élections présidentielles de Macky Sall, en qui tant de nos compatriotes fondaient leurs espoirs. Peu importe pour qui chacun avait voté, nous étions fiers ce soir-là de voir notre pays, si jeune dans son indépendance, assurer sa transition démocratique non sans heurts, ni incidents, mais sans triche ni contestation. Sitôt la victoire annoncée, nous apprenions que le Président sortant avait pris soin de téléphoner à son challenger, pour le féliciter, dans la plus pure tradition républicaine. Je me souviens avoir éprouvé à ce moment précis un sentiment de confiance et d’espérance envers mon pays, prêt à grandir encore dans la paix et à prospérer. Jusqu‘aujourd’hui, il m’arrivait encore de m’accrocher à ce souvenir lorsque l’horizon s’obscurcissait. À chaque fois que la coupe à scandales débordait, je me rassurais en pensant que ces moments vécus ensemble resteraient à jamais gravés dans les annales qui édifiaient notre Histoire.
Mais voici à présent dans ce beau pays, que même les souvenirs sont salis. J’en veux pour preuve les déclarations à la noix de Monsieur Ousmane Ngom.
Me Ousmane Ngom, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, ancien ministre de l’intérieur d’Abdoulaye Wade, après avoir accusé Macky Sall de toutes les malversations sans jamais rien pouvoir prouver, retourne tout simplement sa veste par l’odeur du pouvoir alléché, en accusant l’ancien Président Wade, d’avoir voulu confisquer le pouvoir en 2012. « Je lui ai demandé d’appeler Macky Sall pour le féliciter, il m’a dit doumako def ! », dit-il désormais.
Alors pour quelles raisons Me Ousmane Ngom soutient que Me Abdoulaye Wade avait, dans un premier temps, refusé d’appeler son rival de la Présidentielle de 2012 pour le féliciter ? Est-ce pour briller lui même en tentant de ternir l’image de l’ancien Chef d’Etat ? Peut-être, mais ne soyons pas naïfs, c’est plus certainement pour valser d’un bord à l’autre selon des intérêts personnels et se mettre en position de donner des gages au nouveau chef !
La politique reste ce qu’elle est et les manœuvres en font partie. Cependant, jeter le discrédit sur Me Wade par cette sortie inconvenante n’apporte rien à la démocratie sénégalaise, d’autant qu’Abdoulaye Wade avait reconnu sa défaite avant même les résultats officiels d’un scrutin qui s’est déroulé pacifiquement. J’ai retrouvé sa déclaration : «(…) Comme je l’avais toujours promis, je l’ai donc appelé dès la soirée du 25 mars au téléphone pour le féliciter», avait expliqué le chef de l’Etat sortant. « Vous avez été nombreux à vous rendre aux urnes et à voter librement, dans le calme et la sérénité», et «je vous félicite tous et toutes pour la part déterminante que chacun de vous a jouée dans ce processus», avait-t-il ajouté. Reprenons si bon nous semble ce que nous avons donné et brulons ce que nous avons adoré, mais laissons au vieux lion son image de démocrate, bâtie au prix de toute une vie au service de son pays. Il me semble aujourd’hui, que quiconque ne peut adoucir les relations entre Wade et son dauphin Macky, deux personnalités qui ont cheminé ensemble pendant plus de 20 ans, doit s’abstenir de jeter de l’huile sur le feu, ni d’exacerber les passions qui ravagent les remparts de notre jeune démocratie !
Le drame avec nos hommes politiques c’est qu’ils se pensent plus intelligents que tout le monde… Ils ont tellement fait, refait, cousu, décousu, manipulé et remanipulé, qu’ils en sont arrivés à croire que le peuple, souverain, républicain et silencieux jusqu’aux bouts des ongles est resté demeuré dans ses principes et ses idées. C’est bien-là ignorer l’éducation et la conscience politiques d’un électorat qui a joué par le passé bien des tours à Diouf, Wade et pourrait le faire à Macky Sall ! Notre peuple est gentil parfois, patient toujours mais tellement implacable ces fameux dimanches où il s’agit de choisir ou de rejeter !!! C’est ici la limite de nos gourous en politique, qui sont les derniers à voir le peuple changer et son opinion basculer. On éduque la nation à grands renforts d’investissements, mais on se comporte avec elle comme si elle était incapable et irréfléchie !
Le Chef de l’Etat se félicite aujourd’hui « des performances économiques et sociales remarquables du Sénégal et exhorte le gouvernement à maintenir et renforcer la dynamique d’accélération de la croissance (…) en vue de la consolidation du bien-être social durable et équitable des populations ». Voici l’essentiel ! Ce dont notre peuple a besoin ! Prions pour que cette vision novatrice pour l’essor national porte ses fruits, afin que nous devenions champion du monde d’autre chose que de la basse polémique politicienne. Sauf à vouloir se complaire dans l’hystérie sénégalaise !
Oumou Wane