Au Sénégal, les rapports entre l’Etat et les religions sont tellement enchevêtrés qu’on se demande ce que peuvent bien signifier le principe de la séparation dans l’Etat de la société civile et de la société religieuse ainsi que celui d’impartialité ou de neutralité à l’égard des confessions religieuses ?
Disons le tout clairement, la laïcité au Sénégal est un non-sens. C’est un leurre que de croire qu’il existe « la laïcité à la sénégalaise ». Les événements religieux du Magal ou du Gamou suffisent à démontrer que l’Etat et les religieux sont dans un système de complicité et de collusion d’intérêts étroitement imbriqués. Les rôles sont bien partagés et solidement éprouvés depuis avant l’indépendance du pays, avec des conflits d’intérêts et dans des relations d’opportunisme manifestes, au nez et à la barbe des populations qui sont même implicitement consentants. L’Etat finance les activités des autorités religieuses et en retour ces derniers prodiguent des prières « prémonitoires » et fournissent les troupes électorales.
De Senghor à Macky, en passant par Diouf et Wade, l’Etat prébendier a toujours noué des alliances contre natures avec les chefs religieux, pour asseoir sa légitimité et se maintenir au pouvoir. Mais avec Wade et encore plus avec Macky, est apparu l’Etat corrupteur qui a contribué à enrichir les familles religieuses devenues de plus en plus exigeantes voire menaçantes face aux politiciens. Les dérives de compromission et d’amalgame entre le temporel et le spirituel ont atteint un tel niveau sous le régime de Macky que la sonnette d’alarme doit impérativement être tirée. De l’Etat « couchée » qui pervertissait la République, on en est arrivé à l’Etat corrupteur, donneur de « Adiya » et bâtisseur de mosquées.
Si la laïcité est une farce au Sénégal, la République est en passe de devenir une comédie. Les principes d’égalité entre les citoyens et d’indépendances envers les confessions religieuses, sont allègrement foulés du pied par Macky. Sa politique de modernisation des cités religieuses est d’un parti pris alarmant. S’agit-il de cités religieuses ou de familles religieuses ? S’arrêterait-elle aux terroirs religieux du nord ? S’agit-il de bâtir que des mosquées et non d’églises ? Selon quels critères les cités religieuses sont choisies et gérées ? Gestion publique ou privée ? Comment considérer Popenguine ou Karantaba ? Il y a assurément une rupture d’égalité dans la politique de traitement de faveur clientéliste entreprise par l’homme qui avait affirmé que les marabouts étaient des « citoyens ordinaires ». Après s’être ramassé avec ces propos, il cherche à se rattraper désespérément, en sacrifiant l’égalité des citoyens et le respect de toutes les confessions devant la République.
Il faut que L’Etat républicain à défaut d’être véritablement laïc, ne soit ni dans la négation ou le mépris du religieux. Il doit incarner le principe républicain de favoriser la cohabitation de toutes les expressions religieuses avec harmonie dans un Etat de droit respectant les lois qui garantissent les libertés. Les libertés des minorités comme celles des plus nombreux en nombre de voix électorales.
Les politiques se doivent de comprendre que les religieux font partie intégrante de la République, ils sont des citoyens avec un statut spécifique que leur procure leurs dimensions spirituelles spéciales. De même que les religieux se doivent de comprendre que leurs disciples ne sont pas un « bétail électoral », mais des croyants en quête de Dieu. Ils sont à la fois des « talibés » disciplinés et des citoyens libres. Le « ndigueul » ne saurait être politique mais spirituel. La foi religieuse transcende les convictions politiques souvent conjoncturelles.
Le danger avec Macky, c’est sa conception de la politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens y compris la manipulation des citoyens comme des marabouts. Le danger c’est sa versatilité que j‘appellerai le « caméléonisme ». Macky est sérère avec les sérères, toucouleur avec les toucouleurs, mourides avec les mourides ou tidjanes avec les tidjanes…Il lui reste à être chrétien avec les chrétiens. C’est un caméléon éternel, il se transforme sans cesse.
Cependant il est heureux que la laïcité ne soit pas finalement rangée dans les principes intangibles de sa réforme constitutionnelle. La porte est ainsi ouverte pour ranger définitivement ce concept occidental qui ne reflète nullement nos réalités socio-culturelles si ce n’est une référence historique coloniale et pour concevoir un nouveau concept qui corresponde à la religiosité de toute la nation donc de l’Etat sénégalais : Un peuple, une foi (en Dieu), un but.
Cherif Ben Amar Ndiaye
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