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Et Si L’allemand Devait Sauver Le Wolof Du Français Et De L’anglais

Et Si L’allemand Devait Sauver Le Wolof Du Français Et De L’anglais

La problématique semble très insolite, mais point insensé, nous allons le montrer dans ce qui suit.

La plupart de nos langues africaines (que nous nous garderons d’appeler « dialectes » parce qu’un dialecte est une variété locale d’une langue) sont menacées de disparition ou du moins d’être réduites à n’exprimer que peu de choses et surtout presque rien en ce qui concerne les concepts nouveaux, scientifiques ou abstraits.

Pourtant, nos langues ouest africaines sont d’une richesse structurelle faramineuse, qui a fait écrire dans les temps qui précédèrent la colonisation, un missionnaire français, dans une lettre adressée au roi de France :

« Sa Majesté, on les appelle des sauvages, mais ils ont des langues d’une richesse insoupçonnées, peut être mêmes mieux structurées que les nôtres ». Pour le cas du Wolof, là où par exemple nous disons en Français « qui, cela, de cette manière »

ils disent « ki, li, ni », mots qui se construisent simplement par adjonction du suffixe démonstratif « i » au « k » qui renvoie à l’homme, au « l » pour une chose et au « n » pour la manière. Cette phrase affirmative devenant en interrogative, « k -an, l-an, n-an », par simple rajout du suffixe « an » pour dire qui ? quoi ? comment ? »

Pour ainsi dire, une personne non latinisée apprendrait plus facilement le wolof que le Français ou l’Anglais, parce que pour ces dernières langues il faut retenir le mot alors qu’en wolof on peut souvent se limiter à retenir la logique constructive du mot.

Aussi, un robot à qui on demanderait de parler, guidé par un programme informatique préférerait le Wolof à ces deux langues car manifestement la structure linguistique du wolof est bien plus intégrable à un algorithme informatique que celle de ces deux parlers.

En Allemand, même si on n’a pas l’homogénéité structurelle parfaite du « ki, li, ni » wolof, cette homogénéité, d’une certaine manière, se retrouve dans la traduction du « k-an, l-an, n-an » qui devient « w-er, w-as, w-ie”, mais avec permutation du rang du radical décliné.

La richesse structurelle de nos langues les rend aptes à s’auto générer. La pauvreté principale dont elles souffrent est lexicale et cette pauvreté se développe à mesure qu’apparaissent de nouveaux concepts, de nouvelles découvertes scientifiques ou techniques.

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Je ne parle pas d’une pauvreté intrinsèque car je ne prétends pas avoir une connaissance experte de nos langues, mais d’une pauvreté à l’usage.

L’Allemand a cette différence fondamentale par rapport au Français et à l’Anglais, que c’est une langue introvertie non pas au sens de fermeture aux autres langues mais au sens où elle auto génère une bonne partie de sa base lexicale par une algorithmique élaborée combinant de multiples particules, notamment en pré-position ou en postposition, alors que le Français langue extravertie, voire savante, compose la plupart de ses mots par référence à une étymologie latine ou grecque.

Le mot « allumette » en français renvoie au mot latin « luminare » qui veut dire éclairer, lui-même dérivé de « lumen » qui signifie lumière et ne suggère aucune image réelle.

En Allemand ce mot est traduit par « Streichholz » qui signifie « le bois qui frotte ».

Il renvoie à une image concrète et peut être compris même par une personne qui ne l’a jamais entendu, pourvu qu’elle sache ce que veulent dire chacun des mots qui le composent.

Cette constatation n’est pas anodine, car elle permet d’aider à comprendre qu’une langue qui s’auto génère est plus apte à l’enseignement et à la compréhension scientifique qu’une langue extravertie.

Ce n’est peut-être pas pour rien qu’ un wolof praticien attentif de la langue allemande ne manquera pas d’être sensibilisé à la ressemblance structurelle entre l’Allemand et le Wolof et sera rapidement inspiré pour « auto générer » des mots wolofs futuristes tels que « junni-fulu », « junni-ful-oti », « joni- ful-ati », ou « juni-ful-a-tati pour dire million, milliard, billion ou trillion, par agrégation des particules « junni », « fulu » de « ful » qui veut dire multiplier et respectivement la particule réciproque « u » et les suffixes itératifs « oti », « ati » et « atati ».

Il aura très peu de mal pour proposer un autre mot futuriste pour remplacer le mot ordinateur par « diktal-u », où le « u » sert à dire « utilisable pour ».

Ceci est loin d’être destiné à amuser la galerie ; les enseignants ne me démentiront pas : un mot qui explique par lui-même permet d’aller plus rapidement dans l’acquisition des connaissances.

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Par ailleurs, penser que reléguer au second plan des langues comme l’Allemand peut aider à mieux faire adopter les sciences physiques par les élèves des lycées et collèges, constitue à mon avis une erreur car après l’initiation, ces élèves auront besoin d’un approfondissement et peut être de lire les œuvres scientifiques fondamentales des nombreux grands physiciens allemands, si possible dans leurs textes originaux.

Traduire c’est souvent trahir et lire les écrits originaux des grands scientifiques, artistes et philosophes allemands que le monde a connu, peut considérablement aider à approfondir ses connaissances ; et maintes découvertes scientifiques se sont avérées n’être qu’une nouvelle relecture d’anciennes œuvres scientifiques mal comprises au début car peut être mal traduites.

Un ami professeur de Mathématiques me rappelait il y a quelque temps que beaucoup d’apprenants dans le domaine scientifique se limitent à des manuels, alors que souvent c’est l’accès aux œuvres originales des scientifiques qui permet d’arriver à une bonne maitrise des théories scientifiques ; et cette maitrise passe entre autres par la maitrise des langues de rédaction de ces théories.

Commencer à apprendre les langues scientifiques en seconde peut-il contribuer à cette maitrise ?

Et si c’était le caractère concret, voire suggestif, par le fait qu’elle renvoie souvent à une image que l’on peut facilement se représenter, qui faisait que la langue de Goethe a fait de si nombreux et éminents physiciens et chimistes ?

Pour en venir au rapport entre l’Allemand et l’Anglais, il y a lieu de noter que l’Anglais est une langue germanique comme l’Allemand, même si l’Anglais a par ailleurs de multiples sources latines.

La plupart des anciens élèves qui ont fait Allemand comme langue vivante 1 en classe de 6ème ont vite fait de rattraper, sinon de dépasser leurs camarades qui ont choisi dès la 6ème l’anglais comme langue vivante 1, parce que l’Allemand aura été comme le Latin pour le Français et les germanistes précoces auront été habitués à une grammaire beaucoup plus complexe, celle anglaise devenant pour eux un jeu d’enfants.

Comme par hasard toute la base lexicale fort suggestive et intuitive de l’Anglais, avec l’utilisation des particules qui font changer le sens dans des verbes tels que :

in : venir

from : venir de

over : surmonter

• to stand up : se lever

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• to hang : accrocher

• to stem from: trouver

son origine dans

retrouve l’Allemand dans ses origines germaniques que sont :

her : venir

aus : venir de

über : s’emparer de

• stehen auf : se lever

avec comme prétérite stand

• hängen : accrocher

• stammen aus : trouver son origine dans

C’est dans la base lexicale latine que nous retrouvons presque tous les faux amis tels que « accommodation», «prejudice» … qui font croire que Français et Anglais ont souvent compris des choses tout à fait différentes pour les mêmes vocables, à l’école des latins.

Cet article est un plaidoyer pour le maintien de l’enseignement précoce de la langue allemande dans les lycées et collèges au Sénégal, fait par un ancien élève ayant appris l’Allemand de la classe de sixième à la fin de ses études supérieures et l’ayant pratiqué en milieu professionnel dans des relations avec de grands groupes financiers et industriels se trouvant en Suisse et en Allemagne.

Contrairement à ce que l’on peut penser, la langue parlée en Europe dans le plus grand nombre de pays n’est ni l’Anglais ni le Français, mais l’Allemand, parlé en Allemagne, en Autriche, en Suisse, au Luxembourg et au Lichenstein.

Gardons aussi à l’esprit que les meilleures machines industrielles à travers le monde sont pour une large part des machines allemandes, et nombre de patrons de sociétés industrielles se sentent privilégiés lorsqu’ils ont des ingénieurs maitrisant la langue allemande et pouvant lire en allemand les modes opératoires ou converser avec des techniciens allemands dans le cadre de la mise en route ou la maintenance de ces machines.

Pour finir, nous dirons que pour développer nos langues nationales, il nous faudra nécessairement faire œuvre d’académie, créer de nouveaux mots permettant d’exprimer notamment les concepts abstraits, scientifiques et techniques, à l’instar des éminents précurseurs que sont les professeurs Cheikh Anta Diop, Sakhir Thiam ; et la langue allemande peut fortement nous inspirer dans cette entreprise.

Pour qu’après les autoroutes de l’Emergence, soient réhabilitées ces autres autoroutes… du savoir que sont les langues.

Car si jamais les Wolofs, les Pulars ou les Sérères du passé se réveillaient, ils nous demanderaient certainement ce que nous avons fait de l’héritage linguistique qu’ils nous ont laissé. De quoi l’avons-nous enrichi ?

 

Cheikh Tidiane MBENGUE

Expert-Comptable

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