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En Finir Avec La Politique Des Funérailles !

Les funérailles sont souvent culturellement perçues comme des moments et espaces impropres à la communication et au marketing politique. La souffrance ne devrait laisser en principe aucune chance au calcul politique. Il y’a un moment où la vie politique doit s’arrêter et arrêter de faire du malheur des défunts, le bonheur de l’isoloir.

Mais voilà l’on découvre tous les jours que les politiciens ne se gênent nullement de s’inviter dans les cérémonies funéraires, en toute solennité et perversité, pour y exhumer leurs propagandes, y nouer des coalitions, y espérer des cooptations, y fomenter des nominations, y croquer des réconciliations, y réconcilier des antagonismes, y draguer des opposants, y essentialiser le dialogue national, y tenter des retrouvailles idéologiques, y commémorer des alliances dans la foulée des condoléances.

Les levées de corps deviennent des tribunes politiques au cours desquelles l’on cherche à enterrer les querelles politiques en toute mauvaise foi au nom du dialogue national dont on vante la vitalité, oubliant que la démocratie est ce régime politique marqué par l’institutionnalisation du conflit.

Des délégations, investies de la mission de séduction politique, viennent séduire les familles plongées dans la douleur de la disparition d’un proche. Les funérailles sont inscrites dans l’agenda politique de ces « insatiables chasseurs de voix électorales ». Le pis c’est qu’on rentre dans leur jeu ; dans leur obscène programme politicien. Ils viennent voler les souffrances dans ces moments de recueillement trafiqués en opportunité de recrutement partisan. Les moments de funérailles deviennent ainsi des espaces et opportunités de marketing politique.

Les usages politiques de ce répertoire émotionnel que constitue le deuil sont apparemment immensément rentables. Toujours en quête permanente de légitimité, le politicien ne rate aucune occasion pour tenter de recruter chez les morts. Les funérailles deviennent ainsi une bonne occasion pour la compétition politique. Au moment où les gens, saisis, par l’émotion du moment baissent la garde et ouvrent leur bras à la compassion, le politicien s’engouffre, tel un félin dans cette opportunité de l’instant, pour assouvir sa boulimie cumulative de mandats en nombre et en durée. L’ambition démesurée ne cesse de le dévorer. Il ne peut résister à l’opportunité de chasser partout et n’importe où, dès qu’il y a la présence du nombre. Il y voit toujours l’enjeu du chiffrage pour le suffrage.

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Leur attirance des funérailles se présente comme une excentricité et une obscénité sans mesure. La rivalité politique va jusqu’à la transgression de l’intimité. Le spectacle scénique, folklorique et cynique mine et minimise la disparition de l’être « cher » déjà oublié, avant même d’être enterré. La politique n’a pas sa place dans de pareilles circonstances. Dans ces moments « graves », la politique est censée respecter une sorte de trêve sensible au deuil des proches du défunt. Toute tentative de communication politique ne peut être qu’inappropriée, malvenue, irrespectueuse, en hors jeu par rapport à l’enjeu électoral. Ce qu’on espère y gagner vaut-il celui (ou celle) qu’on a perdu ? N’y a-t-il pas une certaine complicité machiavélique de ceux qui reçoivent les condoléances pour mieux transmettre leurs doléances ? N’y a-t-il pas d’autres occasions et lieux plus propices au marchandage politicien ?

D’ailleurs, plus aucune cérémonie n’est épargnée : mariages, funérailles, fêtes religieuses, baptêmes … Tout y passe. Plus aucun endroit non plus : cimetières, mosquées, villes saintes, etc. Finalement la politique politicienne, donc le vice, est partout. La vertu presque nulle part. L’éthique hors service. La morale ensevelie. La politique ragaillardie et à l’affût des prochaines funérailles pour aller repêcher des mécontents chez le regretté qui, même enseveli n’est pas à l’abri de la convoitise. La politique ne s’arrête pas à la tombe. Les profanations, pour des raisons mystiques, se démultiplient. Le peuple horrifié découvre le mal dont les hommes sont capables.

A ce moment précis, me vint à l’esprit l’hommage de la République inscrit à la Place de l’Indépendance à Dakar qui dit : « A nos morts, la patrie reconnaissante ». Les politiciens, chasseurs insatiables de voix, devraient méditer cette devise sept fois dans la tête avant de démarcher lors les funérailles. Laisser les proches accompagner le ou la disparue par des prières et non par de vulgaires meetings politiques déguisés.

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Ibrahima Silla

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