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Il Faut En Finir Avec La Mal-prÉsidence

A la veille de l’échéance politique décisive que constitue l’élection présidentielle de février 2019, marquée par l’affolement de la boussole démocratique – car on n’est pas sûr de l’issue de toutes ces subterfuges qui nous ont éloignés du chemin que doit prendre toute démocratie sérieuse – je vous adresse ce plaidoyer qui se veut un dernier appel à conjurer ce qui, à mon avis, constitue notre principal problème : la mal-présidence incarnée par un chef de parti qui peine à être ce qu’il est devenu par défaut en 2012 (tant au regard des chiffres que des actes) : chef d’Etat. Nul n’est parfait m’objecteront les plus tolérants et laxistes. Certes. Mais la perfection est à distinguer de la nullité. Les institutions les plus solides sont bancales devant la fébrilité morale ou la nullité éthique des hommes.

Ce plaidoyer vise essentiellement trois objectifs. Le premier objectif est de mettre la mal-présidence à nu, afin qu’elle n’ait plus la possibilité de se cacher derrière la mal-gouvernance – mot fourre-tout – pour mieux déshabiller la responsabilité politique et déstabiliser les fondements républicains. Parler de la mal gouvernance c’est parler de la responsabilité des employés (les ministres et hauts fonctionnaires) et non du patron (le président de la République) qui décide de tout. Le président de la République n’est pas mis à sa juste place. Il n’exerce pas sa fonction à sa juste mesure. Il fausse l’esprit, la philosophie et la pédagogie à la source de l’éthique présidentielle. On n’a pas besoin d’être un savant du droit constitutionnel pour sentir les vices et effets pervers de l’hyper-présidentialisme et de la mal-présidence.

Le deuxième objectif est de rappeler au peuple sa tâche : « trouver l’homme (ou la femme) le plus capable, d’élever le pays et ses habitants à un mieux-être ». Est-ce trop demander au peuple, dont la maturité sans cesse vantée, resterait encore à être prouvée et approuvée ?

Le troisième objectif est d’espérer pouvoir susciter un élan d’indignation et un réveil citoyen susceptible de mener à l’avènement d’un véritable chef d’Etat qui ne préside pas parce qu’il est fort ; ou qui est fort parce qu’il est président. L’important c’est d’avoir un président juste, sincère, honnête et intègre. Un président ayant un sens élevé du Bien. Un président ayant une juste vision de la gestion appropriée pour le pays. Une vision de la gestion confiée justement à un Premier ministre ayant en charge la gestion de la vision. Un président qui tient parole. Un président qui n’aura aucune peine à justifier éventuellement sa fortune. Un grand homme politiquement respectable et moralement irréprochable. Un modèle à suivre contaminant, par une exemplarité génératrice de nouveaux grands hommes et ses  concitoyens.

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Telle est l’une des vocations de la science politique : dire ce que les gens n’aiment pas entendre. Dire à ceux qui se trouvent plus haut dans la hiérarchie sociale ce qu’ils aimeraient ne jamais entendre sur leurs manquements. Répéter inlassablement à ceux qui se trouvent plus bas – pour ne pas dire au sous-sol de la hiérarchie sociale – ce qu’ils ne devraient jamais accepter : ramper devant les esclaves du peuple à qui ils ont confié souverainement le destin du paye par la volonté électorale.

Toute élection surtout la présidentielle, est une occasion de prendre un nouvel élan ; de voir arriver de nouveaux talents apportant avec eux de la fraîcheur et du souffle. Bref, elle offre surtout l’opportunité historique de désintoxiquer l’espace présidentiel et sociétal. Dès lors, la tâche de ceux-ci ne revient pas à recommencer tout, mais à poursuivre l’œuvre politique autrement, sûrement, efficacement. Poursuivre ce n’est pas recommencer. Poursuivre c’est continuer, mais pas de la même manière. La continuité républicaine est un principe fondamental qui implique toutefois des ruptures. Mais pour poursuivre, il faut oser rompre d’abord. Ensuite, il faut oser en finir avec ce qu’on n’aimerait plus voir et ceux qu’on n’aimerait plus revoir au pouvoir. Enfin, il faut dépasser le présent pour éviter d’incarcérer le futur dans le passé. Car,  ne pas corriger une erreur, c’est en précipiter une autre. Nous en avons commis une en 2012. Ne la répétons pas en 2019.

J’espère que l’échéance décisive que constitue l’élection présidentielle accouchera d’un bon président qui saura mettre un terme à la mal-présidence, une fois pour toutes. Car la mal-présidence est notre principal problème. Et il convient de l’inscrire dans une perspective nécrologique si nous voulons définitivement enterrer la longue liste des abus et dérives présidentialistes. Présidence après présidence, l’on retrouve les mêmes styles, les mêmes abus, dérives, revers, travers, injustices et scandales. Et par conséquent les mêmes sujets de discorde. Il devient ainsi difficile de discerner la nouveauté de la médiocrité et la médiocrité de la nouveauté. Les promesses de la nouveauté sont dissoutes dans les  bassesses de la continuité. La politique faite en termes de rentabilité personnelle et partisane. Pour diriger un pays on n’a pas besoin d’avoir les qualités d’un lion, d’un renard, d’un âne ou d’une tortue. De Wade (que Senghor avait surnommé djombor : le rusé et malin) aurait-on désormais affaire et à faire avec quelqu’un qui s’est autoproclamé « félin » ? Ma préférence va plus aux malins qui savent présider, qu’aux félins qui apprennent à présider.

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Pourtant la constitution est claire en ce qui le concerne. Sur 22 pages, il est fait référence à 84 reprises au moins à ce personnage central de la République, responsable-chef suprême-gardien-garant. 84 fois sur 22 pages, il est constitutionnellement fixé ce qu’il doit être, incarner, garantir, exercer, remplir, observer, faire observer, consacrer, ne ménager, assurer, déterminer, présider, signer, saisir, nommer, disposer, garantir, accréditer, accorder, mettre fin, déléguer, pouvoir, soumettre, prendre, conduire, décréter, autoriser, promulguer, demander, faire, coordonner, négocier, ratifier, réviser, décider, autoriser.

Rajouter « mal » à tous ces verbes et vous obtiendrait ce que je pense de son action. Il fixe mal, incarne mal, garantit mal, exerce mal, remplit mal, observe mal, fait observer mal, consacre mal, ménage mal, assure mal, détermine mal, préside mal, signe mal, nomme mal, garantit mal, accrédite mal, accorde mal, met fin mal, délègue mal, peut mal, soumet mal, prend mal, conduit mal, coordonne mal, négocie mal, ratifie mal, révise mal.

La personne qui doit occuper cette fonction ne devrait donc pas du coup être choisi par défaut, au hasard ou avec légèreté. Cette personne devrait faire sienne, sans le trahir, ce serment d’Hippocrate que tout médecin connaît et doit s’appliquer à appliquer : « Ne jamais faire de mal » ni à ses adversaires ni à la société civile ni à ses concitoyens. En politique l’enjeu est non seulement de ne jamais faire du mal mais surtout de ne pas être le mal. La prestation de serment traduit symboliquement et solennellement l’engagement à faire et à incarner le Bien pour le bien-être du peuple et l’intérêt supérieur de la Nation. Dans cette liste des prérogatives et attributions constitutionnelles ne figurent pas les verbes : réduire, dormir, offrir, divertir, mentir, faire souffrir, trahir, favoriser, menacer, financer, cacher, etc. (La liste des manquements est longue).

Mais aussi, les actes, postures et décisions, de cette personne qui devient une institution, devrait être appréciés sans se jamais se demander : « Est-ce que ce président est sérieux ? » ou « qu’a-t-il fait de son mandat ? » une fois que l’évidence de son patriotisme, de son intégrité, de sa sincérité, de sa compétence, de sa sagesse, sera établie et chérie par tous.

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Ce n’est pas qu’une réputation infondée, une volonté d’offenser ou un mauvais procès d’intention sans fondement. Cette assertion est vérifiable et vérifiée. Les faits sont têtus. Et cet entêtement dans la mal-présidence est chronique et loin d’être périmé avec les alternances successives. Chaque nouvelle alternance met en scène un acteur principal qui ravive des pratiques et des postures que le peuple aurait aimé voir éteintes. Car, entre les mains boulimiques du président de la République se trouvent les données scandaleuses du problème de notre pays. Des mains qui font moins pire que la bouche qui parle et promet, sans que les actes viennent authentifier la crédibilité. Des mains qui ne tremblent pas quand il faut décider, soumettre, organiser, nommer, proclamer, réviser, réduire, offrir, etc. Des mains bricoleuses qui sabotent et profane l’art démocratique.

De quelle respectabilité peut-on se réclamer quand le dire et le faire ne sont suivis d’aucune crédibilité et d’aucune sincérité. C’est moins le sacre que le massacre de la sacralité de la fonction. Car il suffit d’apprécier sur pièce l’écart entre l’imaginaire constitutionnel de la PR et les pratiques habituelles de la mal-présidence pour se convaincre que la juste mesure n’est point leur fort. La politique, au sens noble du terme, non plus. La démesure est une constante, une régularité, un trait de caractère, un réflexe qu’on observe chez eux.

Au moment où je termine l’écriture de ce plaidoyer, j’ai donc une pensée à l’égard des hommes et femmes de Bien qui ont fait et continuent de faire du Sénégal une terre bénite, en dépit des maudites actions nées de la politique politicienne. Ma pensée va aussi à l’endroit de tous ceux qui sont fatigués d’être fatigués ; mais aussi à l’égard de tous ceux, véritables patriotes qui ont défié et défient encore le mal incarné par les prédateurs, pour que le bien soit notre héritage.

Ce bien aura un nom dimanche qui, je l’espère, ne nous rappellera pas Mackyavel.







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