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Canal + Pille Nos Ressources !

Il est devenu vital d’initier, de favoriser et de soutenir les entreprises nationales si nous voulons obtenir et garder la moindre chance de survie dans un échiquier mondial qui nous prouve, chaque jour, par ses règles injustes et partisanes, à quel point nous, africains, subissons  encore le joug du colonisateur. La main mise « étrangère » sur des pans entiers de notre économie et, par ricochet, sur nos finances et cela depuis des décennies porte la marque de nos différents dirigeants, régulièrement complices de cet état de fait.

L’exemple le plus choquant est celui de Canal Horizon. Canal qui a développé une stratégie sournoise depuis son installation dans nos pays, particulièrement au Sénégal. Profitant d’un lobbying d’enfer mené à l’époque par feu Fara Ndiaye et Diagna Ndiaye, proches de Mimran, Canal a bénéficié d’une convention complaisante, taillée sur mesure, signée et approuvée par le gouvernement Diouf en 1991.

Dans l’article 5 de ladite convention, la société Canal s’engageait à consacrer  3% de ses recettes annuelles hors taxes provenant de ses abonnements à la production audiovisuelle et cinématographique sénégalaise, en contrepartie de la concession de service public. Cet engagement n’a jamais été respecté par Canal entre 1992 et 2011.

En 2005, Canal a poussé l’arrogance jusqu’à restituer unilatéralement la fréquence que l’Etat du Sénégal lui avait assignée pour la diffusion de certaines chaines et ce, sans avenant, dans le but de pouvoir d’une part crypter lesdites chaînes tout en s’arrogant au passage le droit de ne plus payer à l’Artp ses redevances. Les abonnés de Canal de même que la production audiovisuelle et cinématographique sénégalaise n’ayant d’autres recours que de subir cette irrégularité.

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Rn 2011, le ministère de la CommunicationOprend son courage à deux mains pour dénoncer la convention trop complaisante qui permettait au groupe français de nous exploiter sans états d’âme. Cet acte de bravoure oublie cependant de réclamer la réparation du préjudice subi. Sachant que la restitution unilatérale de sa fréquence par Canal constituait une rupture totale de la concession de service public dont elle bénéficiait.

C’est le moment de se demander ce qu’attendent les cinéastes et les professionnels de l’audiovisuel du Sénégal pour demander des comptes sur la manne financière que représente ces 3% de recettes annuelles hors taxes devant leur être reversée depuis 1992.

Une autre victime de « Canal tout permis », l’ORTS (Office de radiodiffusion télévision du Sénégal). Dans cette fameuse convention de 1991, l’article 12, stipule clairement  que Canal doit également verser 3% de ses recettes à l’ORTS jusqu’à la fin du monopole de cette dernière. Soit trois années de versements jamais effectués. Les patrons du groupe français, qui ont réussi à faire plier le gouvernement Wade, ont obtenu une nouvelle convention de concession de 10 ans qui prend donc fin en 2021.

Quand est-ce que la lumière sera faite sur cet énorme scandale économique, social et culturel ?

Quel est le montant global du préjudice financier subi entre autres par le trésor public sénégalais ?

Par la RTS ? Par les producteurs, et professionnels du cinéma, par l’Artp, par les opérateurs, légalement établis, qui doivent faire face à la concurrence déloyale et à l’exploitation du service par Canal depuis 26 ans. Par les ménages, parce que désorientés par l’inextinguible boulimie de Canal, nous avons passé sous silence les tarifs prohibitifs pratiqués.

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En 2014, Canal+ a choisi de s’éloigner du créneau du luxe auquel il avait habitué ses abonnés chez nous, pour occuper un segment plus en phase avec les nouvelles classes moyennes. En pratique, viser les ménages aux revenus supérieurs à 160.000 francs CFA et capables de dégager un surplus de trésorerie afin de payer entre 5000 et 20.000frs par mois.  Ce qui est énorme pour une famille dont les besoins audiovisuels  oscillent entre les matchs, les séries et les distractions dédiées aux tous petits. Canal +Afrique aspire donc sans scrupules une bonne partie du budget loisirs de ces ménages au moment où en France par exemple, elle est en nette régression. Ici, Canal continue de se sucrer sur le dos de ses abonnés naïvement éblouis par des offres prépayées mensuelles et des solutions de paiements par mobile.

En partenariat avec d’autres multinationales françaises comme Orange et des opérateurs télécoms, Canal recolonise l’espace audiovisuel avec des moyens sans commune mesure avec ceux des opérateurs nationaux qui sont pris à la gorge par des difficultés qui laissent l’Etat impassible

Le lancement assez récent de la chaine A+ par Canal+ aurait pu servir d’alarme aux autorités et aux acteurs du secteur audiovisuel. Mais les enjeux que cachent l’agenda du groupe audiovisuel français laissent indifférents. Pourtant, c’est bel et bien une colonisation culturelle et pas seulement. Depuis 2014, Canal a décidé de créer ses propres chaines chez nous. Après A+, il vient d’être lancé une chaine sportive africaine et il figure également au programme, d’autres chaines dédiées aux séries, au cinéma et au divertissement.

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L’action de Canal est sans fondement légal. Après avoir opéré pendant des années sans aucune convention sur le marché sénégalais pour les raisons évoquées plus haut, Canal dispose depuis 2011 d’une convention de concessions.

Toutefois, il faut relever que cette convention de concession n’est pas approuvée par décret comme requis par l’article 2 de la loi n 92-02 du 06 janvier 1992 portant création de la Société nationale de Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS). En effet, l’approbation de la convention par décret est une formalité substantielle. Le manquement à cette formalité est sanctionné par la nullité.

Abdou Bitèye

Ingénieur Télécoms

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