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Incendie Du Parc Lambaye : Le Résultat D’une Irresponsabilité Collective

Incendie Du Parc Lambaye : Le Résultat D’une Irresponsabilité Collective

L’incendie déclaré au parc Lambaye de Pikine est maîtrisé après plusieurs heures d’intervention des sapeurs-pompiers appuyés par leurs homologues des forces militaires françaises du Cap-Vert ainsi que par des engins et éléments des forces de police. S’il n’y a pas eu de perte humaine, les pertes matérielles sont cependant très importantes. Les premières interventions des victimes et de la population dans les médias semblent unanimes pour désigner le coupable parfait : les sapeurs-pompiers. D’après elles, si les sapeurs-pompiers étaient promptement intervenus, on ne passerait pas d’un incendie de deux cantines à l’embrasement général du parc Lambaye. Pourtant, une analyse lucide et globale permet d’établir que les sapeurs-pompiers ne sont que des boucs émissaires. Les vrais responsables de cette situation, ce sont, d’abord, les autorités politiques et administratives, ensuite, les occupants du lieu du sinistre et, enfin, nous-mêmes les populations.

Responsabilités des autorités politiques et administratives : entre cupidité et incompétence

Le parc Lambaye de Pikine est né du transfert de la zone du commerce informel du même nom qui était sise sur l’avenue Lamine Gueye. Par cette décision de relocalisation, les autorités politiques et administratives de l’époque visaient, entre autres objectifs, celui de rendre plus fluide la mobilité sur cette artère, mais surtout de prévenir une éventuelle catastrophe qui partirait de ce lieu pour embrasser toute la presqu’île de Dakar. En effet, le parc Lambaye de l’avenue Lamine Gueye avait la particularité d’être un cocktail explosif au cœur de la capitale avec la concentration, sur un espace réduit, de tous les éléments avant-coureurs d’une catastrophe : densité humaine, forte présence de combustibles (bois, cartons, bouteilles de gaz, etc.), la permanence de sources de chaleur (activités de restauration, préparation du thé ou du café Touba, etc.), inaccessibilité du lieu en cas d’intervention, branchements électriques clandestins, etc. Par conséquent, la décision de relocaliser le parc Lambaye à Pikine était bonne mesure. Les problèmes, comme, c’est l’habitude au Sénégal, sont apparus avec des insuffisances décelées au stade de la planification de la mesure, des manifestations d’inefficacité dans la mise en œuvre de celle-ci et d’une absence de suivi une fois la relocalisation rendue effective.

Tous les maux et sources de dangers dont on voulait prévenir les conséquences à travers la décision de relocalisation, se sont retrouvés au parc de Pikine, voire en pire ! C’est ainsi que l’absence de travaux significatifs de voirie et réseau divers (VRD) n’a pas permis de viabiliser le site et de le doter, par exemple, d’un réseau d’adduction d’eau ou d’égouts adéquats, de bouches d’incendies en nombre suffisants, de voies de passages conformes aux normes d’accès, de toilettes publiques, etc. Les autorités politiques (surtout municipales) avec la complicité de celles administratives ne se préoccupent que des aspects financiers notamment la perception de taxes et de redevances de toute sorte pour garnir les coffres de la municipalité et, au passage, leurs propres poches. L’absence de contrôle, qui constitue la preuve de la démission des autorités administratives, a fini par favoriser l’installation d’une anarchie totale au point de faire le parc Lambaye une zone de non-droit. En effet, en plus de l’occupation anarchique des lieux, des personnes se sont permises, en toute impunité, de construire sur les emprises de la SÉNÉLEC, en dessous des lignes de très haute tension, d’ériger au milieu du parc une station d’essence et de cuves de gazole, de pratiquer un élevage de moutons, etc.

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Sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, ce qui vient de se passer aujourd’hui, peut être considéré comme un avertissement sans frais, car il n’y a pas eu de perte humaine déplorée. Des situations plus graves couvent dans Dakar et les autorités administratives semblent s’en foutre. C’est le cas de l’occupation anarchique et illégale des emprises réservées au transport électrique au moyen des lignes à très haute tension. En plus d’un cri de détresse, il faut comprendre la sortie du Directeur général de la SÉNÉLEC comme une alerte lorsqu’il dit « derrière le mur du poste électrique le plus important de Dakar, le poste Hann, vous avez des constructions. Plusieurs fois des décisions de justice sont intervenues, ils reviennent à la charge, reconstruisent leurs immeubles, ouvrent des restaurants, construisent même sur les câbles enterrés de la SÉNÉLEC. En cas de panne, les agents mettent des heures et des heures à rechercher le câble qui est enterré. Des poteaux électriques sont emprisonnés dans des maisons, dans des usines ». Quand il s’agit de simples opposants et citoyens qui exercent les droits qu’ils tiennent de la Constitution (marches, réunions publiques, etc.), nos autorités sont promptes à bander leurs muscles avec une seule phrase à la bouche : force doit rester à la loi. Lorsqu’il est question d’enjeux vitaux aux conséquences humaines incalculables, elles ne prennent pas leurs responsabilités en faisant déguerpir tout contrevenant à la loi qui compromet sa sécurité et met en danger celle des autres comme, par exemple, le fait de construire sur des emprises sécuritaires. La corruption et l’influence du pouvoir politique et maraboutique sont passées par là.

Les sapeurs-pompiers : des boucs émissaires faciles

Toutes les autorités administratives, politiques et parlementaires présentes sur le lieu du sinistre ont salué l’abnégation, le courage et le professionnalisme des sapeurs-pompiers. Un avis que ne partagent pas les principales victimes qui se sont prononcé à travers les médias. Entre autres reproches faits aux sapeurs-pompiers par ces dernières, figurent le manque de réactivité, des délais trop importants entre le moment où ils sont alertés et celui de leur arrivée sur le terrain, la nonchalance dont ils ont fait preuve lors de leur intervention, le manque criard de moyens d’intervention, etc. C’est bien de pointer le doigt sur les autres, mais les acteurs du parc Lambaye devraient avoir le courage de commencer par eux-mêmes en se posant, d’abord, la question : avons-nous rempli tous nos devoirs ? La réponse est non, car ce sont eux qui sont responsables, par exemple, des branchements électriques illégaux clandestins qui peuvent provoquer des courts-circuits et, subséquemment, causer des départs de feu. Ils sont aussi responsables de l’obstruction des voies de passage en mettant leurs marchandises partout, sur tout espace libre au point de rendre la circulation intérieure difficile. Enfin, c’est eux qui font ou qui laissent faire des activités génératrices de chaleur à proximité de tas de matières combustibles.

Sans aucune prétention de vouloir endosser la robe de l’avocat du diable, je trouve ces jugements sévères, voire injustifiés étant donné que les sapeurs-pompiers ont mis certes du temps à circonscrire le danger, mais ils l’ont fait au péril de leur vie. Toutes les images diffusées à date le prouvent. En effet, je suis ahuri de constater, à travers les nombreuses images et vidéos qui circulent, qu’aucun, je dis bien aucun, des sapeurs-pompiers sénégalais déployés sur le lieu du sinistre pour combattre l’incendie ne portait un équipement conforme aux normes NFPA qui constituent la référence dans de nombreux pays développés outre les États-Unis, à savoir une tenue intégrale du combat d’incendie munie d’un appareil respiratoire autonome. Une tenue intégrale du combat d’incendie est généralement composée d’un manteau et d’un pantalon faits de trois couches : une enveloppe extérieure (qui permet de résister à l’abrasion), une barrière humidifuge (pour éviter le passage de l’eau vers les vêtements personnels et d’évacuer la transpiration vers l’extérieur) et un écran thermique (permet de maintenir le corps au sec). À cela s’ajoutent un casque, auquel sont fixés un protège-cou et oreilles, une visière et une jugulaire, des gants et des bottes en plus d’un un appareil respiratoire autonome à pression. Le visionnement des images de l’intervention permet de constater que les rares sapeurs-pompiers qui portaient ce qui semble être un manteau d’une tenue intégrale, n’avaient pas de casques munis d’un protège-cou et oreilles ou n’en avaient pas du tout et, plus grave, n’avaient pas d’appareil respiratoire autonome. Sur les images et vidéos disponibles, un seul sapeur-pompier portait un appareil respiratoire autonome à pression (d’un autre âge !), mais n’était pas en tenue intégrale du combat d’incendie. Les sapeurs-pompiers intervenaient, en majorité, en tenue normale, certains sans casques s’exposaient ainsi aux effets des nombreux produits de combustion dont quelques-uns pourraient se révéler très toxiques en plus de la chaleur dégagée par l’incendie. Ils ont réussi à circonscrire le feu avant que la station d’essence et les cuves de gazole ne soient atteintes évitant du coup une explosion qui aurait pu être catastrophique. En venant à bout des flammes dans ces conditions, ils l’ont fait au péril de leur vie dans le respect de leur devise « Sauver ou périr ». Ce qui est à leur honneur et que nous devons apprécier à sa juste valeur en leur disant merci. C’est honteux et indigne, pour un pays qui aspire à l’émergence, d’être incapable de se doter des équipements nécessaires à la préservation du capital et des investissements physiques de ses chefs d’entreprises (les seuls créateurs de richesses) ! J’étais envahi par la colère en voyant le camion Dragon de la police, qui est un équipement de maintien de l’ordre, utilisé pour combattre les flammes. Je suis indigné de savoir, d’après un journaliste, que les sapeurs-pompiers étaient réduits à utiliser des planches de bois pour accéder à certaines zones du sinistre.

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En ce qui concernent le retard apporté à leur réaction alors qu’une caserne de sapeurs-pompiers est à quelques centaines de mètres de l’endroit du sinistre (dans l’enceinte de la Mairie de la Ville de Pikine) et à l’absence de moyens suffisants et adéquats, il faudrait s’en prendre au gouvernement (j’y inclus tous les gouvernements précédents) et à nos députés dont certains ne sont pas gênés de venir parader sur les lieux et nous servir leurs habituels discours creux et sentimentalistes au nom de la solidarité et de la proximité. Le gouvernement est en partie responsable du manque de moyens opérationnels des sapeurs-pompiers au moins pour deux raisons principales. La première est liée au fait qu’il n’a jamais fait voter des crédits suffisants pour équiper et mettre dans de bonnes conditions les sapeurs-pompiers. Pourtant, pour des futilités et pour entretenir leur rythme et niveau de vie, nos gouvernants ne reculent devant rien : caisse noire de 18 milliards de francs CFA par an, voyages inutiles aux coûts exorbitants mis sur le dos du contribuable, achat de voitures de luxe, ameublements de bureaux importés, etc. La seconde est relative au fait, que depuis l’époque du Colonel Amadou Bamba Ndiaye, les gouvernements successifs ont toujours parachuté à la tête du Groupement national des sapeurs-pompiers (GNSP) un général, au bord de la retraite, venu d’un autre corps de l’armée. Dans ces conditions, il y a peu de chances que le Chef comprenne les enjeux et préoccupations propres au métier de sapeur-pompier et essaye de les prendre en charge et les défendre auprès des autorités politiques. Ces généraux à la tête du GNSP, quoique méritants dans leur corps d’origine, se contentent de bénéficier des avantages liés à leurs fonctions et d’attendre sagement leur retraite. Le GNSP compte dans ses rangs des officiers de carrière et de valeur, qui ont volontairement embrassé le métier de sapeur-pompier. Ils connaissent les problèmes auxquels le GNSP est confronté et détiennent une partie des solutions pourvu qu’on leur fasse confiance en les nommant au grade de général, comme dans tous les corps d’officiers d’active (et aussi chez les commissaires !), et de leur donner la possibilité de prendre en main la responsabilité de leur destin. Nos députés sont aussi responsables de cette situation, car si le gouvernement ne fait pas son travail, ils pouvaient lui demander de corriger le tir en exigeant plus de moyens pour nos sapeurs-pompiers sinon refuser de voter la loi des finances tant que les modifications souhaitées ne sont pas prises en compte. Ils ont toujours failli à leur rôle de parlementaires et ont le culot de se manifester publiquement à chaque drame qui survient au nom de la compassion et du voyeurisme. Personne n’a pas besoin de leur compassion, mais plutôt qu’ils fassent ce pourquoi ils ont été élus et grassement payés : contrôler l’action gouvernementale.

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Pour terminer, il n’est faux pas de dire que nos dirigeants, de même que les sénégalais, ne tirent jamais les leçons de l’histoire : le cas du bateau Le Joola est encore vif dans nos mémoires. Le terrible incendie au Daaka de Médina Gounass est tout frais dans nos esprits. Il y aura d’autres, malheureusement, avec la façon dont le Sénégal est géré par ses élites politiques, administratives et universitaires. Cette situation-là, c’est nous les populations qui en sommes responsables en n’étant pas exigeantes à leur endroit, en se montrant irrespectueuses des règles établies, voire indisciplinées, en croyant que le travail (l’effort) ne mène plus à rien, en se réfugiant derrière un fatalisme béat, etc. Il est temps de nous réveiller !

Ibrahima Sadikh NDour

ibasadikh@gmail.com

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