Nos gouvernants ne se lassent pas de nous manifester, nous citoyens, leur mépris et leur manque de respect. Ils ne ratent aucune occasion pour nous faire savoir à quel point ils nous considèrent comme des demeurés doublés d’amnésiques, voire des « oisifs errants » que nous a déjà qualifiés notre Président qui vit et qui est entretenu par nos deniers publics. Le communiqué, en date du 28 décembre, signé du Secrétaire général du gouvernement (SGG) relativement aux sommes recouvrées dans le cadre de certains dossiers constitue, si besoin est, une nouvelle manifestation de ce comportement méprisant. Le contenu de ce torchon appelé communiqué est une insulte à l’intelligence des sénégalais. Son analyse nous montre de quel côté se trouvent véritablement les demeurés et les « oisifs errants ». Il nous administre, aussi, le passage d’un mensonge et d’une manipulation d’une ex-Premier ministre à un mensonge et à une supercherie d’État.
Un communiqué qui reprend un article du quotidien Libération
Le communiqué rendu public par le SGG reprend un article du quotidien Libération publié dans son édition du lundi 1er août 2016. Cet article avait été repris par plusieurs organes de presses sous le titre pompeux de « Gestion des contentieux de l’État : Macky Sall empoche 152 milliards de FCFA ». Il est facile de vérifier cela en consultant certains journaux en ligne notamment DakarActu et ActuSen :
Dakaractu : https://www.dakaractu.com/GESTION-DES-CONTENTIEUX-DE-L-ETAT-Macky-Sall-empoche-152-milliards-de-FCfa_a115488.html
Actusen : http://actusen.sn/gestion-des-contentieux-de-letat-macky-sall-a-empoche-en-3-ans-la-somme-de-152-milliards/
Non seulement le SGG a plagié, de manière honteuse, un article d’un quotidien, il s’est permis de tronquer certains passages dudit article lors de sa publication le 1er août 2016 par Libération. Ceci, dans le but manifeste d’induire en erreur, voire manipuler les lecteurs non avertis. En effet, il a retranché de l’article tous les passages susceptibles de renseigner les lecteurs et citoyens sénégalais sur les origines exactes des montants recouvrés. Nous pouvons le constater, sans ambages, en relisant certaines parties de l’article de Libération reprises par DakarActu comme, par exemple, celle-ci :
«(…) C’est le cas de la plus-value de cession d’actifs et d’occupation d’un immeuble par la Sonacos. Un pacte de 2.498.314.563 FCFA retracé dans la seconde Loi de finances rectificative pour l’année 2013 mais aussi de la redevance de cession versée par Dubai Port World au titre du ticket d’entrée pour la concession du terminal à conteneurs du Port de Dakar. Ce montant de 24.600.355.371 FCFA figure dans la seconde Loi de finances rectificative pour l’année 2013. Il en est ainsi de la redevance versée par la société Milicom, exploitant la deuxième licence de téléphonie mobile, à la suite de négociations portant sur le prix d’acquisition de celle-ci. (…) Aussi, les 39.520.000.000 FCFA sont retracés dans loi n°2014-24 du 1er juillet 2014 portant loi de règlement pour la gestion 2012. S’y ajoute le complément versé au cours de l’année 2013, soit 11.365.450.000 FCFA. Concernant l’affaire Arcelor Mital, la première tranche de la compensation versée à l’État est de 45.000.000.000 FCFA. Elle figure dans la première loi de finances rectificative pour l’année 2014. La deuxième tranche versée à l’État par la multinationale indienne est de 25.000.000.000 FCFA et elle est logée dans la loi de finances initiale pour l’année 2015. Enfin la troisième tranche de la compensation, soit 5.000.000.000 FCFA, est dans la loi de finances rectificative pour l’année 2014. »
La vérité travestie
Nous pouvons dès lors, à la lecture de ces passages délibérément zappés par le SGG, mais aussi en allant à la source à travers l’examen des lois des de finances qu’il a citées, nous rendre compte qu’aucune des sommes avancées n’a de liens directs avec la traque des biens mal acquis.
En effet, dans l’exposé général des motifs de la seconde Loi de Finances Rectificative pour l’année 2013 citée par le SGG, il est écrit, noir sur blanc, que les 2.498.314.563 FCFA résultent de « la quote part de l’État sur la plus-value de cession d’actifs et d’occupation d’un immeuble par la SONACOS ». Les 24.600.355.371 FCFA annoncés sont issus de « redevance de cession versée par la société Dubaï Port World FZE ». Les 39 520 000 000 FCFA sont versés dans les caisses de l’État « par la société Millicom qui exploite la licence de téléphonie sous la marque Tigo à la suite de négociation sur le prix d’acquisition de celle-ci » selon le Ministre Amadou BA lors du vote par l’Assemblée Nationale du projet de loi N° 14/2014 portant loi de règlement pour l’année 2012. Les 11.365.450.000 F CFA constituent « des recettes exceptionnelles représentant le complément, versé au cours de l’année 2013, au titre de la redevance de Millicom bénéficiaire de la deuxième licence de téléphonie mobile ». Aussi, dans la première Loi de Finances Rectificative pour l’année 2014, le montant de 45.000.000.000 FCA qui y a été inscrit l’a été au titre de « ressources tirées du règlement du contentieux entre l’État du Sénégal et l’entreprise Mittal ».
Le SGG doit démissionner ou être démis
Au-delà des faits exposés ci-dessus, il serait intéressant de procéder à une rapide analyse en essayant de cerner les motivations, la portée et les conséquences possibles de ces mensonges et supercheries de l’État sénégalais.
D’abord, le fait que le SGG sorte ce communiqué traduit l’embarras de l’Exécutif, le Président Macky Sall en premier, relativement aux propos grotesques, mensongers aux relents de manipulation tenus par l’ex-Premier ministre lorsqu’elle affirme que la traque des biens mal acquis a permis à l’État de recouvrer 254 milliards FCFA. Pour cette banale affaire, un communiqué du Ministre des Finances ou celui du Budget aurait suffi, car c’est à eux deux que revient la prérogative d’encaisser les sommes dues à l’État en plus d’avoir l’Agent judiciaire de l’État sous leur coupole. En procédant par un communiqué du Gouvernement, de deux choses l’une : soit au sommet de l’État on veut couvrir les mensonges de l’ex Premier ministre pour gérer ses susceptibilités et, par la même occasion, donner un signal aux membres du Gouvernement et aux partenaires de Benno sur la conduite à tenir ; soit, les deux Ministres (Finances et Budget), qui sont des technocrates d’abord, ont refusé de verser dans une polémique politicienne dans laquelle ils auront tout à perdre.
Ensuite, en plagiant un article du quotidien Libération, le SGG a fait preuve de légèretés, d’incompétence et de manquement aux règles minimales d’éthique. Pour cela, il doit démissionner immédiatement ou démis de ces fonctions sans délais. Pour rappel, le Ministre Conseiller Amadou Diop, actuellement Ambassadeur du Sénégal en Belgique, a été défénestré de son poste de Conseiller Diplomatique par le Président Wade après son plagiat d’un discours de l’ancien Premier ministre français Dominique De Villepin. Plus grave, ce plagiat honteux démontre, pour ceux qui en doutent encore, les interconnections, voire les relations incestueuses entre une partie du gouvernement et une certaine presse.
Enfin, ce communiqué n’apporte que deux preuves irréfutables : d’une part, Aminata Touré avait menti en affirmant que la traque des biens mal acquis a permis de recouvrer 254 milliards FCFA et, d’autre part, que nous sommes dirigés par des incompétents qui ne se gênent pas de plagier et de mentir.
Ibrahima Sadikh NDour
ibasadikh@gmail.com