Avec l’odieux massacre à Boffa ce 6 janvier 2018, pour la première fois dans l’histoire de la violence en Casamance depuis le début de la rébellion en 1982, jamais autant d’unanimité, dans l’opinion publique, ne s’est dégagée pour condamner cette tuerie de masse.
En effet, ni les nombreux accrochages avec mort d’hommes entre l’armée nationale et des « éléments armés supposés appartenir aux MFDC », ni les braquages de villages et ou de transport souvent émaillés de mort d’hommes, encore moins les prises d’ôtage, n’ont jamais ébranlé, outre mesure, l’opinion publique.
Tout se passait comme tout cela qui se produisait en Casamance n’était juste que l’affaire de l’Armée nationale en butte avec quelques irrédentistes, et ou quelques groupes armés de malfrats, de sorte que semblait régner une indifférence totale sur les actes de violence répétés dans cette partie Sud du Sénégal.
A l’exception de certains ressortissants sénégalais de Casamance pour appeler à la paix, et d’Amnesty International, pour condamner des cas supposés de violation de droits humains, notamment avec l’utilisation des mines anti personnelles, les actes de violence en Casamance étaient, à la longue, considérés comme des « faits divers » au sein de l’opinion publique.
Il faudrait le reconnaître pour le déplorer, que sur cette situation de violence en Casamance avec un climat de « ni guerre, ni paix », le silence, observé par les partis politiques et les organisations de la société civile les plus significatifs, a fortement contribué à cette attitude d’indifférence de l’opinion publique.
En fait, la paix en Casamance, et les conditions à réunir pour l’obtenir, ont toujours été les grandes absentes des débats publics, même en campagne électorale pour briguer la Présidence de la République.
Mais aujourd’hui, avec cette tuerie de masse à Boffa, dans un contexte où régnait une accalmie dans les actes de violence en Casamance, ayant même suscité un réel espoir de paix définitive, l’attitude de l’opinion vis-à-vis de la violence dans cette région, a radicalement changé.
Notamment, après la sortie du Communiqué du Gouvernement, condamnant sans équivoque cet odieux massacre, et annonçant la décision de traquer sans répit les auteurs, pour les arrêter et les traduire en justice, tout en menant une enquête pour faire toute la lumière sur les causes de cet assassinat de masse.
Même le MFDC, qui n’a jamais revendiqué un acte de violence en Casamance, mais qui ne s’en démarquait jamais publiquement, et ne s’offusquait même pas du doigt accusateur pointé vers des « éléments supposés appartenir au MFDC », a senti la nécessité, cette fois-ci, de clamer son innocence dans un Communiqué officiel, tout en condamnant cette tuerie barbare.
Cependant, peu à peu, l’on assiste progressivement à des tentatives de semer la confusion dans l’opinion. En effet, à la place d’une campagne pour soutenir la volonté du gouvernement de « traquer pour arrêter et faire juger » les auteurs de ce crime innommable, l’on entend des voix qui s’élèvent pour tourner l’opinion vers de « supposés commanditaires », alors qu’une enquête est en cours pour élucider ce crime de masse.
Même le MFDC, après s’être démarqué de cette tuerie, n’a pas résisté à pointer du doigt des « supposés commanditaires », alors qu’il aurait dû exprimer publiquement sa volonté d’apporter, auprès des forces de défense et de sécurité nationale, sa contribution dans la « traque » des auteurs en cabale, pour donner plus de crédit à son communiqué.
Cela aurait été un beau geste historique d’un engagement sans faille, pour trouver des solutions acceptables pour le rétablissement de la paix dans cette partie Sud du Sénégal.
Au contraire, le MFDC menace même de reprendre les armes, si la « traque des auteurs » de crime odieux touche des endroits qu’il considère comme son sanctuaire, et ne recule même pas à délégitimer cette « traque » menée par les forces de défense et de sécurité nationale.
C’est la même attitude vis-à-vis de cette « traque », que l’on décèle chez tous ceux qui incriminent une quelconque des factions du MFDC avant même que l’enquête n’ait donné ses conclusions, ou qui tentent de banaliser le massacre de masse de Boffa, en le considérant comme un « débordement d’une action de dissuasion », ou comme un « règlement de comptes entre villageois et coupeurs de bois », soucieux de défendre la forêt.
Cette campagne de brouillage de l’opinion, montre bien à quel point l’on tente de s’opposer à l’identification des véritables « commanditaires », en dressant des obstacles artificiels à la « traque des auteurs du crime de Boffa » en vue de leur arrestation et leur traduction en justice.
C’est la parfaite illustration de l’adage qui dit : « sans auteurs d’un crime identifiés et arrêtés», point de « commanditaires » !
Ainsi, si les « auteurs » de ce crime de masse odieux de Boffa ne sont pas identifiés, arrêtés et traduits en justice, pour pouvoir en faire de même pour leurs « commanditaires », l’on ne mettra jamais fin à la production de drogue, aux trafics d’armes, et à l’exploitation illégale et abusive des noix d’acajou et du bois de qualité, qui alimentent la violence et l’insécurité dans cette partie Sud du Sénégal.
C’est cette situation que tentent d’entretenir, tous ceux qui font de la crise en Casamance un « fonds de commerce », pour s’enrichir au pays, ou pour trouver prétexte pour un asile doré chez certaines puissances occidentales.
Donc, il faudrait mettre un terme à cette « chasse publique » aux « commanditaires », pour mettre tout l’accent sur la « chasse des auteurs du crime» et sur l’enquête en cours.
Il y va de la paix et de la sécurité dans cette partie Sud du Sénégal que constitue la Région de Ziguinchor. Il y va aussi, et surtout, de la sauvegarde de l’intégrité territoriale de notre pays, de la paix civile, de la stabilité, et de la nature républicaine, démocratique et laïque de l’Etat de Droit que nous construisons.
C’est pour cela que le massacre odieux de masse à Boffa appelle à un sursaut national pour rassembler les forces vives de la Nation, au pays et dans la Diaspora, pour que toute la lumière soit faite, et que les « auteurs » et « commanditaires », soient arrêtés et traduits en justice, quels que soient leur statut social, leur appartenance ethnique, religieuse, ou politique, et où qu’ils se trouvent.
Ibrahima SENE
PIT/SENEGAL
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