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Contribution Au Dialogue Sur Le Pétrole Et Le Gaz

Contribution Au Dialogue Sur Le Pétrole Et Le Gaz

La découverte de ressources pétrolières et gazières nous fait entrer dans la cour des pays pétroliers et gaziers ; donc en proie à toutes les convoitises, à toutes les demandes.

Ce dialogue, à la fois national et inclusif, initié fort justement par Monsieur Macky Sall, président de la République, arrive au bon moment, car les débats ont montré que le secteur du pétrole et du gaz suscite nombre de questions légitimes, nombre d’attentes et exigences, mais aussi beaucoup de fantasmes. C’est un secteur à la fois complexe et crisogène, mais qui constitue néanmoins une réelle opportunité en termes de potentialités pour notre économie en quête d’émergence. «L’exploita­tion et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durables» (article 25-1 de la Constitution révisée en mars 2016). La Constitution garantit ainsi l’exigence de transparence incombant aux pouvoirs publics dans l’exploitation des ressour­ces naturelles.

Aussi, les articles 17 et 34 du Code pétrolier rendent-ils obligatoire la publication au Journal Officiel de la République du Sénégal des conventions et contrats signés par la société d’Etat Petrosen et le ou les demandeurs, puis contresignés par le ministre chargé du Pétrole, après avis du ministre chargé des Finances et approuvés par le président de la République.

De plus, l’article 4.6 du Code de transparence dans la gestion des finances publiques stipule : «Les contrats entre l’administration publique et les entreprises, publiques ou privées, notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles et les entreprises exploitant des concessions de service public, sont clairs et rendus publics. Ces principes valent tant pour la procédure d’attribution du contrat que pour son contenu.»

En effet, l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables de matière organique fossile, comme le gaz et le pétrole, est complexe et nécessite une expertise et une expérience à consolider pour le Sénégal. Elle nécessite d’une part une bonne maîtrise des technologies et une main-d’œuvre hautement qualifiée que notre pays doit acquérir, et d’autre part, une mobilisation exceptionnelle de capitaux et des investissements financiers colossaux et notre pays ne dispose pas de ressources d’autofinancement.

Egalement, les risques d’accaparement de nos ressources par des multinationales expérimentées qui, dans un contexte de compétition féroce et de fluctuation des cours, entretiennent la spéculation et le contrôle de la distribution des hydrocarbures et de leurs produits dérivés, car les ressources pétrolières et gazières constituent un enjeu géostratégique d’envergure mondiale pouvant susciter des conflits et des guerres (qu’Allah Swt préserve le Sénégal ! Amine !).

De nombreux défis sont à relever :

apprendre des expériences positives comme négatives des autres pays pétroliers et gaziers,

former et mobiliser au Sénégal et dans la diaspora des ressources humaines hautement qualifiées pour gérer lesdites ressources,

nouer un partenariat stratégique diversifié et de qualité,

parvenir à conserver le contrôle de ces ressources naturelles pour le développement inclusif de la Nation et le bénéfice exclusif des générations actuelles et futures,

développer une politique extérieure équilibrée adaptée aux enjeux mondiaux, continentaux, régionaux et sous régionaux,

développer une politique intérieure participative, inclusive et sécurisée fondée sur une unité nationale forte,

forger une culture de citoyens imbus de valeurs positives de pays pétrolier et gazier vertueux adaptée au nouveau statut auquel accède désormais le Sénégal.

Dans le but de partager nos réflexions, nous proposons les 24 recommandations suivantes :

En ce qui concerne l’amélioration de la législation du secteur des hydrocarbures,

d’élaborer une loi d’orientation du secteur des hydrocarbures qui regroupera en un texte unique :

l’ensemble des prescriptions s’y rapportant et qui sont présentement éparpillées dans plusieurs textes (Code pétrolier, Code minier, Code de la Marine marchande, Code de l’environnement, Code général des Collectivités locales, Code général des impôts, Code douanier, etc.) ;

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la transposition dans la législation interne des conventions internationales auxquelles le Sénégal a adhéré, notamment celles sur la transparence et la protection de l’environnement ;

les conditions d’exploitation rationnelle des réserves pétrolières et gazières ;

la place du contrôle citoyen par l’implication et l’intégration de représentants de la société civile à toutes les étapes des processus et principales instances de décision ;

les nécessaires engagements et obligations des compagnies pétrolières en matière de «local content» pour que toutes les communautés et toutes les catégories et acteurs socioprofessionnels puissent bénéficier des effets induits par l’exploitation des ressources pétrolières et gazières ;

En ce qui concerne l’utilisation et la répartition des ressources générées par le pétrole et le gaz,

d’élaborer une loi fixant les modalités de perception et d’utilisation des revenus qui définira clairement les mécanismes de collecte, d’affectation, de répartition et de publication de l’ensemble des revenus générés par le pétrole et le gaz en respectant trois rubriques de dépenses

une quote-part affectée aux dépenses budgétaires de l’Etat ;

une quote-part affectée aux dépenses budgétaires des Collectivités territoriales ;

une quote-part affectée au fonds souverain pour les générations futures.

La loi précisera :

les modalités de détermination de chaque part qui pourraient soit être fixées de manière permanente par la loi (avec possibilité de révision périodique), soit être fixées chaque année en fonction des montants recouvrés et des priorités ;

les dépenses éligibles au financement de chaque quote-part.

En ce qui concerne l’amélioration de la transparence et de la gouvernance du secteur :

de faire procéder, par le Bureau organisation et méthodes, à une analyse de l’ensemble des structures étatiques intervenant dans le secteur des hydrocarbures pour proposer une architecture institutionnelle cohérente (évitant les doublons et chevauchements et répartissant les différentes attributions de manière harmonieuse) comprenant :

un organe de régulation : la Haute autorité de régulation des hydrocarbures, cadre unique de régulation, de coordination et du secteur des hydrocarbures ;

un organe autonome et indépendant de supervision : la Commission nationale autonome de supervision des hydrocarbures, chargée de la supervision de toutes les opérations liées aux hydrocarbures et composée par des représentants de l’Assemblée nationale, du Haut conseil des collectivités territoriales, du Conseil économique, social et environnemental, des Cours et tribunaux et de la Société civile ; elle servira d’instance de reddition populaire des comptes et activités liées à l’exploitation des hydrocarbures par tous les acteurs, institutionnels comme privés.

Doter le ministère en charge du Pétrole et de l’énergie de ressources humaines de qualité disposant des compétences dans les différents domaines liés à l’exploitation, à la supervision, au contrôle de la production et au droit international sur les hydrocarbures ;

Développer au sein du ministère du Pétrole et du gaz une stratégie de surveillance externe basée sur un système d’information intégré en rapport avec toute la chaîne de production et de commercialisation du pétrole et du gaz ;

veiller à une application rigoureuse des dispositions des Crpp sur les obligations des cocontractants de l’Etat à participer, financièrement et techniquement, au renforcement permanent et annuel des capacités des agents de l’Etat et de Petrosen.

Pour assurer des retombées positives pour l’ensemble des communautés, des catégories et des acteurs socioprofessionnels :

d’intégrer dans la loi d’orientation du secteur du pétrole et du gaz un dispositif «local content» qui traduira les engagements des compagnies pétrolières vis-à-vis de la communauté nationale par :

le recrutement prioritaire des compétences locales (un ratio obligatoire pourrait être fixé), la formation et le renforcement des capacités des ressources humaines et leur emploi sur chaque niveau de la chaîne pétrolière et gazière ;

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l’acquisition au niveau local de tous équipements, matériels, fournitures ou services disponibles et de qualité, sur le marché national, auprès des Pme/Pmi ;

le recours prioritaire aux entreprises nationales, dotées des qualifications requises, pour tous travaux d’entretien ou de maintenance des sites d’exploitation ;

la réalisation de projets permettant aux populations impactées d’avoir accès à des services sociaux essentiels dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux pistes de production, etc. et à des ressources pour compenser les pertes financières engendrées par l’occupation de leurs zones d’exploitation ;

la création d’industries de valorisation des hydrocarbures (production d’énergie électrique, pétrochimie, gaz non liquéfié, etc.) ;

une contribution financière au fonds de prise en charge des calamités et catastrophes ;

développer une base logistique maîtrisée en s’appropriant tous les services connexes liés à l’exploitation du pétrole et du gaz, en allant de la logistique à terre en passant par le support en mer, le transport maritime, les services catering, les services maintenance jusqu’au service d’alimentation des bateaux, etc. ;

veiller à une application effective des dispositions des Crpp relatives aux obligations des cocontractants de l’Etat d’assurer l’emploi en priorité, à qualification égale, des citoyens sénégalais et à contribuer à la formation de ce personnel afin de permettre son accession à tous emplois d’ouvriers qualifiés, d’agents de maîtrise, de cadres, de directeurs, etc.

élaborer et mettre en ligne une plateforme web visant :

à recenser les compétences sénégalaises dans les métiers des secteurs du pétrole et du gaz établies au Sénégal ou à l’extérieur ;

à servir de bourse nationale pour les offres et demandes d’emploi dans le secteur.

En ce qui concerne la mise en pratique d’un système de formation efficace adapté aux métiers du pétrole et du gaz :

mettre en place un dispositif de formation adapté aux métiers du pétrole et du gaz en procédant à :

l’élaboration et au partage, par le ministère de l’Enseignement supérieur, du référentiel des métiers liés au pétrole et au gaz ;

à l’identification et à l’analyse des besoins de formation non couverts ;

à l’intégration dans le programme des Isep de la formation de techniciens supérieurs du forage, de mécaniciens spécialisés, de logisticiens, de chimistes et de techniciens géologues ;

à la professionnalisation des programmes de formation à travers une synergie des actions et interventions des acteurs et des parties prenantes (ministère, employeurs, corporations, établissements, communauté, etc.) ;

au renforcement des infrastructures et des équipements des Ecoles d’enseignement supérieur (Ees) ;

à la mutualisation des moyens mis à la disposition de la formation en vue de renforcer les plateaux techniques des établissements ;

Confier au ministère de l’Enseignement supérieur la gestion et la mise en œuvre des activités de l’Institut du pétrole et du gaz pour une meilleure harmonisation des enseignements suite aux résultats du travail issus du référentiel des métiers liés au pétrole et au gaz ;

En ce qui concerne le volet essentiel lié à l’environnement :

créer une Agence chargée des études environnementales, dotée de ressources humaines et d’une autonomie financière en vue de mieux faire face aux gigantesques défis liés à la gestion durable des ressources pétrolières et gazières, au suivi environnemental de tous les projets sensibles au niveau national et, plus particulièrement, les activités offshores ;

procéder à une évaluation environnementale stratégique du secteur pétrole-gaz qui permettra :

de dresser la situation de référence de tout le milieu marin et les cadres politiques, législatifs, réglementaires, biologiques, ethnologiques, sociologiques, etc., sur lesquels pourront ensuite être menées les prochaines Etudes (spécifiques) d’impact sur l’environnement (Eie) des compagnies avant la phase de production prévue en 2021 ;

de mettre en œuvre une gestion prudente du secteur pétrolier et gazier dans une perspective de développement durable en évaluant tout le potentiel en ressources d’hydrocarbures du Sénégal et en anticipant sur ses impacts potentiels aussi bien au niveau environnemental que social ;

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se doter d’une vision stratégique pour planifier les attributions de titres et en fixer les délimitations ;

exiger la publication régulière de rapports de développement durable conforme à la norme Iso 26000 et aux indicateurs du Global report index (Gri) à toutes les entreprises des secteurs pétrole, gaz et mine en exploration et exploitation, ainsi qu’aux entreprises sous-traitantes présentant également des risques majeurs (énergie, transport, etc.) ;

veiller au respect des conditionnalités des Crpp liées au plan d’abandon et des ressources financières annuelles à lui affecter ;

prendre des mesures anticipatives pour la reconstitution de l’écosystème et/ou le renouvellement du système biologique marin, notamment dans la zone d’étude prévue sur une superficie de 67 mille km2 pour un espace maritime estimé à 212 mille km2, l’accompagnement des pêcheurs et des populations ;

créer et renforcer les aires marines protégées après la délimitation précise de la zone économique exclusive du Sénégal qui permettra de distinguer les zones exploitables de celles qui ne le sont pas ;

développer et renforcer, pour compenser les pertes des pêcheurs, l’aquaculture sur la côte atlantique et dans les cours d’eau et faire correspondre les productions des bassins aquacoles à la période de repos biologique ;

En ce qui concerne la prise en charge de la sûreté et de la sécurité :

doter la Marine nationale de moyens matériels, financiers et humains suffisants, capables de protéger nos côtes d’éventuelles menaces de toutes sortes (piraterie, terrorisme, etc.) ;

faire respecter dans toute sa rigueur le Chapitre I sur les Icpe (Installations classées pour la protection de l’environnement) du Titre II du Code de l’environnement (Prévention et lutte contre les pollutions et nuisances ;

mettre en œuvre les actions urgentes requises dans le cadre d’une stratégie cohérente de gestion des risques majeurs, à savoir :

identifier et cartographier les risques dans les différents secteurs de développement du pays (agriculture, industrie, tourisme, pêche, transport…) ;

évaluer la vulnérabilité, c’est-à-dire la capacité à prendre en charge les différents risques identifiés par les différents acteurs du secteur concerné ;

mettre en place, en urgence, et conformément aux recommandations de la conférence mondiale des Nations unies sur la prévention des catastrophes une plateforme nationale de réduction des risques et catastrophes ;

renforcer la sécurité des populations par :

des formations en sécurité dans toutes les branches industrielles, les écoles techniques, les écoles de formation des ingénieurs et particulièrement dans la formation des administrateurs ;

l’information du public autour des établissements à risques par la mise en place des sirènes en fonction des zones vulnérables et de l’évolution des rayons de danger ;

identifier les différents scénarios probables de pollution ;

définir les mesures à prendre dans les premiers instants suivant un déversement ;

faire l’inventaire des moyens et des équipements de lutte mobilisables sur le plan national :

acquérir plus de longueur de barrage.

De pays économiquement et culturellement agricole, le Sénégal va connaître un nouveau statut à partir de 2021 in sha Allah, celui de pays pétrolier et gazier exigeant un changement profond de comportements aux niveaux individuel et collectif.

Pour dire qu’à présent, notre pays est outillé pour dialoguer et apprendre davantage, dialoguer et apprendre pour comprendre, dialoguer et comprendre pour entreprendre, dialoguer et entreprendre pour réussir un Sénégal pétrolier et gazier, un Sénégal paisible, prospère et solidaire profitable à toutes et à tous. C’est le vœu de son Excellence Monsieur Macky Sall, président de la République, qui a inscrit le dialogue comme instrument de gouvernance.

Avançons ensemble. Qu’Allah Swt continue de l’inspirer ! Amin !

Madame Aminata TALL

Présidente du Cese

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