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Du Bien-fondé De La Réforme Du Concours D’entrée Au Cycle A De L’ena (réponse à Mouhamadou Ngouda Mboup)

Quelle n’a été ma profonde consternation en lisant le sieur Mouhamadou Ngouda MBOUP, qui se présente comme un enseignant-chercheur de droit public à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD (FSJP/UCAD), attaquant le décret n°2018-1907 du 09 octobre 2018 portant réforme du concours d’entrée à l’ENA.

En effet, dans sa volonté de présenter le droit public comme la science incontestée et incontestable des politiques publiques, M. Mboup, à l’entame de son propos, altère complètement l’idée générale qui se dégage de l’exposé des motifs dudit décret, en imputant aux rédacteurs de fausses intentions et réflexions à propos de la réforme. M. Mboup la falsifie en en traduisant l’essence en ces quelques exclamations : << si l’administration sénégalaise est moins performante, c’est parce qu’il y aurait beaucoup de candidats issus des facultés de droit qui réussiraient en masse le concours d’accès à l’ENA ! Si les hommes politiques veulent, le droit doit s’incliner ! Le droit ne serait là que pour fournir au politique les moyens d’accomplir sa volonté, au-delà il n’aurait aucune utilité ! >>.

Or, l’esprit du décret est loin d’être aussi réducteur et simpliste que ne peut l’être la vision qu’a M. Mboup de l’Administration publique.

Car assurément, M. Mboup semble nous dire :

• que la politique fiscale (qui est une compétence du Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan et d’une direction qui lui est rattachée à savoir la Direction Générale des Impôts, dont les principaux agents sont formés par l’ENA, ne devra être l’apanage que des seuls spécialistes du droit public.

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Pour rappel, les recettes fiscales constituent près de 95% des ressources propres du pays en développement que nous sommes. Tel en est l’enjeu,

• que cela devra être pareil pour la politique d’endettement toujours du pays en développement que nous sommes, et qui est aussi de la compétence du MEFP et d’une direction qui lui est rattachée à savoir la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor, dont les principaux agents sont toujours formés par l’ENA.

Pour rappel, la politique d’endettement intervient quand on constate que les prévisions de dépenses sont supérieures aux prévisions de recettes, et qu’il faille trouver des ressources complémentaires afin de continuer à financer la politique de l’Etat comme cela se fait dans pratiquement tous les pays du monde. Tel en est aussi l’enjeu,

• qu’il devra en être de même pour la politique d’intégration et de coopération économiques, qui est une compétence partagée entre le MEFP et les Ministères en charge respectivement du Commerce Extérieur et des Affaires Étrangères, et dont des agents sont toujours formés par l’ENA,

• que la vérification de comptabilité au niveau des grandes entreprises et autres multinationales, conseillées par de grands cabinets et des experts-comptables diplômés des grandes écoles de commerce, doit aussi être laissée aux seuls spécialistes du droit public,

• que des ingénieurs et autres profils spécialisés dans les sciences et techniques n’ont pas leur place dans la haute Administration afin d’aider à comprendre tel ou tel autre secteur, pour décider de la politique publique qui doit y être menée, que les spécialistes du droit public sont mieux habilités à le faire, etc…

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Ainsi, les exemples sont multiples et nous pourrions en donner à foison.

Cependant nous nous rendons compte que certainement M. Mboup ignorait l’essence même et la vocation de l’ENA, de même que ce que peut renfermer la gestion de la chose publique.

En effet, à la lecture de ses propos, il ne réduit la gestion étatique qu’à un ensemble de procédures juridiques, occultant la complexité de la prise de décision dans le monde d’aujourd’hui, et l’ensemble de métiers pointus qui l’accompagnent. Bref, dans la gestion et l’allocation de nos ressources, peut-on se passer des mathématiciens, des ingénieurs-informaticiens, des ingénieurs-statisticiens, des économistes et autres economètres, etc… dans la haute Administration ? Que fait-on de l’évaluation a priori et a posteriori, de l’analyse des risques systémiques et autres, de nos politiques publiques (économiques, sociales, sanitaires, etc…) ? Ou bien les seuls spécialistes du droit public regrouperaient toutes ces compétences ?

Pour ce qui est du secteur para-public, M. Mboup ira même jusqu’à dire ceci : << pourtant, le droit des entreprises publiques est une matière fondamentale en master de droit public pour les étudiants ayant choisi l’option administration publique. Qui serait mieux préparé qu’eux pour participer à la gestion de ces entreprises publiques ? Qui serait mieux préparé que les juristes pour gérer les entreprises de l’Etat ? >>

Je vous laisse, chers lecteurs, apprécier de tels propos.

Pour terminer, tournons-nous vers l’avenir en demandons-nous pourquoi ailleurs il existe une École Nationale d’Administration et une École Nationale des Finances Publiques ?

Pourquoi désormais l’ENA de France envisage de faire un concours annuel supplémentaire réservé à des docteurs dans des filières scientifiques ? Je ne vois pas (selon la logique de M. Mboup) quelle pourrait être leur utilité dans la haute Administration française ?

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Ces pays auront-ils compris certains enjeux avant nous, alors que M. Mboup lui voudrait réduire la gestion de l’Etat à ses seules fonctions régaliennes et en un ensemble de procédures juridiques ?

Concernant la comparaison avec l’Ecole Polytechnique de Thiès, nous porterons juste à l’attention de M. Mboup que cette dernière forme des ingénieurs dans des métiers pointus, et que ces derniers, électrons libres, pourront par la suite s’engager avec n’importe quel demandeur de leur profil.

L’ENA quant à elle forme des agents pour le compte de corps dits dédiés de l’État. Ces corps constituent par conséquent des équipes où tous les profils devraient être les bienvenus, profils qui pourront par la suite se compléter pour une utilisation optimale des ressources humaines dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques.

En conclusion, au mieux des cas, il pourrait être question de réformer le concours d’accès à l’ENA dans une perspective plus pluridisciplinaire.

Quoi qu’il en soit, il faut se sentir assez suffisant pour se réclamer du monopole de la « Science de l’Etat ».

La Nanguish

L’article Du bien-fondé de la réforme du concours d’entrée au cycle A de l’ENA (Réponse à Mouhamadou Ngouda Mboup) .

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