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Emergence d’une «gauche Socialiste» dans la Société Américaine (par Ibrahima Sene )

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 Le consensus qui régnait entre les composantes politiques du grand capital aux Usa,  a permis des alternances politiques pacifiques entre le Parti républicain, estampillé conservateur, et le Parti démocrate qui se présentait en social-démocrate de droite, pour édifier, sur  la base d’un puissant complexe militaro-industriel et financier, un Etat qui régente aujourd’hui le monde, depuis que la chute du camp socialiste d’Europe de l’Est  a entraîné  la fin de la «Guerre froide» qui rythmait les relations internationales depuis la fin de seconde guerre mondiale. Mais l’avènement de la révolution industrielle digitale du début des années 2000 a fait naître, au sein du capital financier, une nouvelle composante du grand capital américain, les multinationales du digital que sont Google, Appel, Facebook et Amazon, surnommés les «Gafa».

Ces multinationales du digital ont été  un facteur d’accélération de la  mondialisation libérale qui a  consacré, au plan mondial, le  libre-échange, la libre circulation du capital et la libre circulation des données personnelles et industrielles, sur lesquelles elles ont bâti leur prospérité. Les «Gafa» qui sont devenus  les multinationales les plus puissantes  du monde,  ont pris, depuis l’avènement de Bill Clinton à la présidence des Usa, le contrôle du Parti démocrate qui luttait, traditionnellement, non pas contre le système capitaliste, mais pour son humanisation. Ce qui l’oppose radicalement au Parti républicain qui représente les intérêts des multinationales du pétrole, du gaz et du charbon.

C’est à la fin du règne du Parti républicain qu’est intervenue la crise des «Subprimes» en 2007, ayant provoqué une très grave crise économique et financière au plan mondial dès 2008,  comparable à celle de 1929, que le Parti démocrate, sous Obama, a gérée aux dépens des couches moyennes. La gestion de cette crise durant les deux mandats d’Obama a creusé les inégalités sociales, en jetant une bonne partie des couches moyennes dans la pauvreté et la précarité. Ce qui a mis fin au rêve américain légendaire d’ascension sociale sous le capitalisme. Cela a enfanté, au sein d’une partie des couches moyennes déçues par la gestion de la crise par Obama,  un puissant mouvement populiste d’extrême droite, le Tea Party. Il s’est lié avec les forces d’extrême droite au sein du Parti républicain pour se présenter en «sauveurs» des couches populaires et des petits et moyens entrepreneurs qui sont les principales victimes de la crise.

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Ainsi, depuis l’élection en 2008 de Barack Obama, il s’est produit, peu à peu, une division politique nette au sein du grand capital contrôlé par une oligarchie financière et les multinationales, qui a donné naissance à deux camps qui se livrent un combat à mort pour le contrôle de l’Etat. Surfant ainsi sur la colère des victimes de la gestion sous Obama, le Parti républicain a pu, aux législatives de «Mid-Term», avec l’appui du Tea Party, reconquérir la Chambre des représentants au détriment du Parti démocrate, avant de porter en 2016, Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, contre la candidate du Parti démocrate, Mme Clinton. Le Parti démocrate a payé ainsi les politiques publiques sous Obama en faveur des Gafa, à travers :

– la promotion des accords de libre-échange,

– la défense au plan international de la libre circulation des données qui dresse contre cette politique, les grandes entreprises industrielles et commerciales du monde soucieuses de protéger leurs secrets industriels et commerciaux et les Etats des autres grandes puissances pour leur sécurité et leur lutte contre l’évasion fiscale sous couvert d’optimisation fiscale,

– la signature des Accords de Paris sur l’environnement dénommés Cop 21 qui se heurtent à la levée de bouclier des multinationales du pétrole, du gaz et du charbon,

– et la défense de la libre circulation de la main d’œuvre, dont les plus qualifiées constituent le marché du travail des «Gafa» qui n’ont pas supporté le coût de leur formation.

Mais Trump, une fois élu, s’est attelé à remettre en cause systématiquement toutes  ces politiques publiques, en plaçant au cœur de sa  stratégie de redressement économique et de justice sociale, le protectionnisme, la lutte  contre  les «Gafa» et les médias qu’ils contrôlent, et contre l’immigration. Cependant, c’est sous son règne, malgré les embellies au plan de la croissance économique et du recul  historique du chômage, que la désillusion  d’une bonne partie des couches moyennes s’est aggravée, comme l’a révélé le  sondage Gallup publié en août 2018. Ce sondage a montré que, pour la première fois depuis qu’une telle étude existe, les démocrates ont vu leur confiance au capitalisme passer de 53 % en 2010, à seulement 47 % en 2018. Par contre, il a montré une meilleure image du socialisme avec 57  % des démocrates qui en pensent du bien en 2018.

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Ce revirement d’opinions aux Usa coïncide avec les célébrations du centenaire du «Manifeste du Parti communiste» que  les effets de la crise du capitalisme libéral aux Usa a remis au goût des couches moyennes dans la société américaine. Ce regain de confiance au socialisme est aussi illustré par l’augmentation fulgurante des rangs du Democratic Socialists of America (Dsa), fondé en 1982 et qui s’est porté à gauche de l’Internationale socialiste à laquelle il n’a pas adhéré. Ce parti avait entre 6 000 et  7 000 membres en 2016, et, en 2018, il revendique environ 50 000 membres, de plus en plus jeunes, avec un âge moyen qui a basculé de 65 à 30 ans depuis l’élection  présidentielle de 2016.

Cette évolution au sein de la société américaine traduit bien le rejet du capitalisme par une bonne partie des couches moyennes qui ont initié, autour du slogan «1 % contre 99 %», le mouvement «Occupy Wall Street» en 2011, pour dénoncer cette montée des inégalités de revenus qu’elles accusent d’être le fait du système capitaliste. En ciblant Wall Street où siègent les multinationales qui régentent économiquement les Usa et le monde entier, un signal fort est donné par cette frange des couches moyennes, de leur volonté de transformer le système capitaliste et non plus seulement de l’humaniser !

C’est pour contrer ce glissement à gauche au sein du Parti démocrate et dans la société, que de grands groupes financiers de Wall Street (Gorges Soros, Bill Gates, etc.), en rapport avec de grands dirigeants du  Parti démocrate (Obama), ont tenté d’orienter ce large mécontentement populaire, vers des considérations de race, de genre et d’orientation sexuelle, en  soutenant des mouvements comme Black Lives  Matter,  le mouvement #MeToo, et de promotion de la femme des couches populaires. Mais aux législatives du «Mid-Term» du 6 novembre qui viennent de se tenir, ce ne sont ni les considérations de race ou de genre qui ont prévalu à l’issue du suffrage, mais bien les considérations de justice sociale fortement marquées à gauche, qui ont promu, pour le compte du Parti démocrate, des élus d’hommes et de femmes de toutes les races et de toutes les religions.

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C’est ainsi que, malgré tout le tintamarre sur l’égalité genre, la parité et le harcèlement sexuel, les femmes ne seront que  95 à siéger sur un total de 435 sièges, soit moins de 22 %, loin derrière l’Assemblée nationale du Sénégal ! Par contre, la plupart des nouveaux élus du  Parti démocrate sont estampillés socialistes et aspirent à transformer d’abord ce parti, pour ambitionner, ensuite, la transformation du système capitaliste. Cette  transformation à gauche du Parti démocrate a été déjà initiée par le sénateur Bernie Sandres, estampillé membre de Dsa, qui fut évincé de façon controversée en faveur de Mme Clinton, lors des Primaires pour faire d’elle la candidate du Parti démocrate face à Trump, investi à contre cœur par le Parti républicain ! Mais avec ces «Mid- Term» du 6 novembre, il ne fait plus de doute, dans l’opinion publique américaine, quant à l’émergence  d’une  gauche socialiste au sein des couches moyennes dans  la société américaine, avec laquelle, dorénavant, il faudra compter en politique.

 

 

 

Ibrahima SENE 

PIT/Sénégal

 

Emergence d’une «Gauche socialiste» dans la société américaine (Par Ibrahima SENE ) | .

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