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Gagner Les Élections Par Les Urnes Et Non À La Daf

Gagner Les Élections Par Les Urnes Et Non À La Daf

Qu’on ne s’y trompe pas, si rien ne change dans le processus électoral, les véritables urnes et résultats de l’élection présidentielle de 2019 se trouvent déjà à la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF).

Le parrainage, les déclarations de résultats de sondage, la campagne, les électeurs qui votent, la surveillance des bureaux et centres de vote, les observateurs de tous bords, la CENA et le dépouillement ne sont que des miroirs aux alouettes destinés à cautionner des résultats préfabriqués au ministère de l’intérieur et prêts à être diffusés le 24 février au soir.

Depuis 2000, il est communément admis que les résultats issus des bulletins introduits par les vrais électeurs dans des bureaux de vote bien identifiés ne peuvent plus être falsifiés. Il faut donc trouver d’autres voies et moyens. Une piste est de procéder à une distribution sélective des cartes d’électeur en privant les franges de populations présumées acquises à l’opposition du précieux sésame ; ce sont les jeunes, la diaspora et certaines grandes agglomérations. Le pouvoir a l’intention de répéter l’exercice des législatives de 2017 tout d’abord en confiant l’organisation à un membre du parti au pouvoir, maire d’un département et ministre de l’Intérieur, puis en désorganisant le vote dans les zones à priori non favorables.

Le 30 juillet 2017, outre la non disponibilité des bulletins de certains candidats, beaucoup de citoyens n’avaient pas reçu leur carte d’électeur et beaucoup de ceux qui la détenaient n’avaient pas pu trouver leur centre ou bureau de vote. Une pagaille indescriptible avait nécessité à la dernière minute de faire des entorses à la constitution pour maintenir le scrutin à cette date.

Pour février 2018 l’opposition a raison d’exiger l’accès au fichier électoral contenant toutes les informations introduites dans les fiches de parrainage afin de s’assurer en amont de la validité des signatures collectées. Il lui faut vérifier que les citoyens qui donnent leur signature sont habilités à parrainer. Elle doit s’assurer que les informations qui figurent sur les cartes d’électeur sont les mêmes que celles figurant sur le fichier électoral. Il lui faut tout simplement éviter autant que possible de rééditer les couacs de juillet 2017. Donc, avant de présenter des projets de sociétés, il convient de s’assurer que les élections se dérouleront équitablement. Cette préoccupation mène directement à l’accès pour tous les candidats au même niveau d’information et à tous les paramètres du processus électoral. Le candidat à la candidature Macky Sall et son dispositif électoral disposent de toutes ces données, il devrait en être de même pour tous les autres protagonistes. C’est un minimum et c’est conforme à la loi. Ceux qui pensent que l’opposition mène un combat stérile et lui demandent les contenus des programmes devraient savoir qu’il y a un préalable : la candidature doit être acceptée et que cela dépend de la validité de la liste de parrainage déposée au Conseil Constitutionnel.

Le gagnant qui présidera à la destinée de ce pays doit être noble ; alors le combat doit être loyal et se dérouler dans la paix et la sérénité. Pour cela tous les participants doivent disposer des mêmes armes afin que le résultat puisse être indiscutable et accepté par tout le monde. Seulement, en laissant le libre jeu démocratique s’exercer, le candidat de Macky Sall est conscient qu’il ira au deuxième tour. Avec cette capacité des sénégalais à « voter contre » et à n’exercer leur rôle de citoyen que le jour du vote, il sait que cela sonnera l’heure de sa défaite. Il connaît la force de l’opposition, aussi essaie-t-il de la minimiser dans ses discours et de l’écraser en usant de moyens peu orthodoxes ; il est arrivé à la conclusion que laisser se dérouler des élections libres et transparentes le privera d’atouts sur les autres candidats. Examinons la situation des candidats :

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– le candidat Macky peut se prévaloir de son bilan comme la CMU, les bourses de sécurité familiales, le PUDC, le PUMA, les infrastructures telles que le nouvel aéroport, le TER, l’autoroute Ila Touba, des stades, des financements pour l’entreprenariat des femmes et des jeunes et autres chantiers. Ces résultats n’ont pas eu d’impacts significatifs sur le vécu d’une grande majorité de citoyens en terme d’emploi, de la prise en charge de leur santé, de l’éducation, de l’amélioration de leur cadre de vie et de leur pouvoir d’achat. La preuve s’étale dans images de grèves et manifestations dans tout le pays que les médias relatent chaque jour. Pire, ils ont créé un sentiment de grosse frustration dans le secteur privé national parce que ces financements ont été captés par des sociétés étrangères sur fond de surfacturation et la dette publique nationale est devenue une plaie endémique. De fait, la croissance annoncée n’existe que pour les tenants du pouvoir et les partenaires internationaux. Le sénégalais de la rue, des banlieues et des villages en a une autre analyse.

En 2012, la reddition des comptes et un meilleur usage des ressources publiques avaient été une forte demande sociale que le président Macky Sall s’était engagée à satisfaire. La manipulation de la justice à des fins politiques, la non publication des rapports des corps de contrôle sur la gestion des deniers publics et l’implication de sa famille dans les affaires économiques et financières de l’état, notamment l’attribution à son frère d’une licence de recherche de pétrole et sa nomination au juteux poste de directeur de la Caisse de Dépôt et de Consignation, ont largement montré que sa seule motivation était de neutraliser des opposants tout en persistant dans l’accaparement des biens publics. Ayant bénéficié d’un large consensus et d’une feuille de route issue des assises nationales, on pouvait espérer qu’on avait tracé la route d’une nouvelle dynamique économique adossée à une démocratie apaisée. Au fil du temps, les travaux des cadres de concertation ont révélé les intentions de manipulation de l’opinion publique et des participants, le manque de considération que l’état manifeste vis-à-vis de l’opposition et, in fine, la ferme intention de décider tout seul de la destinée de la nation sénégalaise. A titre d’exemple, des lois importantes sont votées en procédure d’urgence, les députés de l’opposition se battent pour obtenir leur temps de parole, la gestion des ressources minières est opaque et, depuis 2012, le consensus sur le processus électoral hérité des indépendances n’existe plus. Tout cela constitue le lit de l’ambiance politique délétère que nous subissons aujourd’hui.

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– Côté politique, les élections législatives de 2017 ont donné 48% des voix à la coalition de Macky ; ces résultats doivent être pondérés par les pires conditions de vote que le Sénégal a connu depuis son accession à l’indépendance à en juger les éléments contenus dans les rapports de l’Union Européenne et notre amorphe CENA.

Quant aux forces de l’opposition en place, on peut citer :

– ce qui reste du PDS qui bénéficie toujours d’une base de militants fidèles à la personne d’Abdoulaye Wade ; on peut aussi préjuger que le parti dispose d’un trésor de guerre et d’une présence sur l’étendue du pays surtout à Touba, troisième bastion électoral et centre d’influence nationale ; à cela s’y ajoute l’élan de sympathie que les conditions désastreuses du procès de Karim Wade et la décision controversée de l’écarter de la liste des électeurs pour le priver de l’habilitation à être candidat ont produit chez certains électeurs ; à ce titre, on peut redouter une dure confrontation avec le pouvoir pour annuler cette injustice.

– Taxawu Senegal avec Khalifa Sall qui tient Grand Yoff donc Dakar, premier bastion électoral ; il hérite d’une bonne partie du PS qui est un parti structuré et présent sur tout le territoire ; son procès, jugé non conforme par divers organes internationaux car n’ayant pas respecté les droits de la défense, a boosté la notoriété de l’ancien maire de Dakar.

Le triste sort de ces deux composantes ferait mouche.

– REWMI qui résiste surtout à Thiès, deuxième bastion électoral ; le parti est déjà connu sur tout le territoire avec un appareil opérationnel ; il travaille à renouveler sa base dans la discrétion et nul doute que sorti de son silence, son leader charismatique fera mouche dans le paysage politique.

– PUR qui a surpris aux législatives avec 4 députés et qui a dévoilé son jeu lors du Gamou de Tivaoune avec le choix d’un chef religieux attitré comme candidat à la présidence de la République.

– PASTEF qui a percé aux législatives de 2017 ; le profil de son leader qui a révélé les détails des contrats de gaz et pétrole octroyés par le gouvernement et ses prises de paroles à l’Assemblée nationale ont séduit fortement la jeunesse et la diaspora en quête de renouveau.

– le Grand Parti qui a annoncé être déjà prêt pour les joutes de février ; son leader doit impérativement remporter Guédiawaye, autre grand réservoir d’électeurs, pour prendre sa revanche et retrouver une légitimité.

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– une multitude d’autres candidats indépendants, de partis et de coalitions avec beaucoup de nouveaux venus au profil très intéressant pour l’avenir politique du pays ; ils ont chacun une part de l’électorat voire sont solidement encrés dans certains petits départements et, s’ils arrivent à franchir le cap de la validation de leur liste de parrainage, ils peuvent faire mal.

Une plateforme de surveillance du vote ; si elle est effectivement opérationnelle, elle viendrait suppléer le CENA dans sa mission du bon déroulement du vote de l’opposition.

Le panorama montre bien que l’opposition est très représentée à Dakar et sa banlieue, Thiès et Diourbel qui totalisent près de 70% des votants. L’électorat est éclaté et Benno Bok Yakkar a déjà fait le plein de ses soutiens, en ralliant les transhumants, tous ceux qui avaient des dossiers pendants devant la justice et qu’ils ont pu faire chanter ainsi que tous « les produits politiques en vente ». Le candidat Macky espérait aller tranquillement vers un deuxième mandat par un « coup ko » après avoir éliminé ceux qu’ils jugeaient dangereux. En voyant pointer à l’horizon d’autres forces, il a unilatéralement instauré le parrainage pensant pouvoir neutraliser « ces nouveaux ennemis » par ce biais. Si le parrainage était souhaitable, ses modalités posent problèmes. Cependant, il aura permis à tous les candidats retenus de disposer de structures opérationnelles dans tout le pays et dans la diaspora pour battre campagne.  

Le candidat sortant a distribué beaucoup d’argent pour financer des projets insuffisamment étudiés et à des conditions électorales, c’est-dire : « si je suis réélu, j’efface la dette ». Toutes mauvaises pratiques les électeurs les ont déjà expérimentés. Il oublie que l’électorat sénégalais est mûr, bien averti et attend désespérément un véritable changement. Surtout, il devient très impatient face à l’offre politique et est expert pour « voter contre » tout en profitant de la manne financière des candidats en campagne.

En faisant le compte, le candidat Macky Sall ne pourra jamais atteindre les 50% qui le sauveraient d’un fatal second tour le 24 février prochain. Dans cette perspective, il pourrait être tenté de se passer de la vérité issue des 13 989 bureaux de vote et, par la manipulation de la base de données des électeurs, fabriquer sa victoire avec 54% des suffrages que tout le « Macky » clame à longueur de meeting dans le but de préparer les sénégalais à les accepter. Il pourrait puiser des arguments dans la confusion qu’il est entrain d’organiser : ils auraient collecté 3-4-5 millions de parrains au lieu de 65 mille exigés par la loi. Tous ces éléments donnent raison à l’opposition qui exige un organe neutre capable d’organiser les élections.

Soyons prêts pour faire franchir une nouvelle étape à notre démocratie. Soyons prêts à sanctionner un président après un seul mandat parce qu’il n’a pas respecté le pacte noué avec le peuple !

fndiaye@seneplus.com

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