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Sportics, Le Nouveau Jeu Politique ?

Ahmad Ahmad de la Caf et Fatma Samoura de la Fifa ne semblent pas s’être rendus compte qu’ils participent à la trivialisation rapide de la vie politique sénégalaise, en associant la réputation de leurs institutions à celle de Macky Sall, impopulaire président sortant de la République du Sénégal. Ce faisant, ils bradent aussi l’énorme popularité du sport-roi, le football, unique en son genre par l’attrait puissant qu’il exerce à travers le continent. Coupables ? Eux et leurs acolytes locaux, ils doivent donc être arrêtés, ici, maintenant et tout de suite !

À peine moins de deux mois avant une élection présidentielle à haute tension au Sénégal, tous les stratagèmes sont utilisés par les prétendants à la fonction suprême, en particulier par le président sortant, Macky Sall, qui risque d’en ressentir le plus violent choc. Il ne lésine devant aucune méthode pour sauver sa peau. Sa stratégie la plus récente a donc consisté à organiser une prestigieuse cérémonie de remise des prix du football africain, à Dakar, en y faisant venir les joueurs les plus connus, passés et présents, tous réunifiés dans ce qui est le sport le plus populaire sur le continent.

L’objectif visé n’a pas échappé aux plus attentifs observateurs. De la même manière que l’intrusion des militaires dans le champ politique au Nigéria a conduit à l’invention du concept militics pour définir le rôle des militaires dans la politique nigériane, il est raisonnable de considérer que, parmi d’autres manigances, le sport, donnant droit au sportics, la politique par le sport, soit devenu, ces jours-ci, la nouvelle règle du jeu politique au Sénégal. Du moins si on constate à quel point il a inhibé le processus politique l’encadrant.

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Près d’un milliard cfa a été dépensé pour organiser cet événement, notamment pour accueillir les joueurs de football, allant de Drogba à Essien, Salah, Mane, Kano, pour n’en citer que quelques-uns. La Confédération africaine de football (CAF), par son président Ahmad Ahmad, était également présente à Dakar. Comme l’était l’instance mondiale du football, la FIFA, représentée par sa secrétaire générale, la Sénégalaise Fatma Samoura.

Il est tentant de se féliciter de l’organisation de cet événement dans un pays fou du football, comme l’est le Sénégal, mais il faut s’en abstenir. C’est qu’il s’agissait en réalité d’une manipulation du football, de sa politisation, à son extrême, dans un contexte pré-électoral tendu, décisif, en direction du scrutin présidentiel dont le premier tour est prévu le 24 février.

Cela se produit à la suite d’autres événements lorsque le président sortant a utilisé des noms et institutions connus dans le cadre de sa tentative désespérée de redorer son image ternie. En décembre, en se présentant comme candidat, il a réussi à recruter des personnalités comme le président ivoirien Alassane Ouattara ainsi que l’institution regroupant les partis libéraux, à savoir l’International Liberal. Tous ont pris part, à leur insu, à son investiture en marge de la réunion des libéraux qu’il avait convoqué à Dakar pour coïncider précisément avec sa déclaration de candidature.

C’est maintenant au tour du monde du football d’être entraîné dans sa pièce. Mais il se peut que certains de ses dirigeants aient peut-être agi sciemment, en tant que complices de son stratagème. C’est dommage. Serait-ce juste alors qu’un autre échantillon des pratiques corrompues qui secouent le monde honteux du football ? Peut-être !

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À la mi-janvier, un autre événement prestigieux se tiendra à Dakar dans le but implicite de renforcer la position de Macky Sall. Ce sera la réunion des adeptes de l’émergence économique, une coquille vide, revendiquant l’avènement d’un nouveau jour en Afrique.

Pour être vrai, en revenant sur l’événement de la CAF, peu de gens ont remarqué que l’Égyptien Mohamed Salah avait été déclaré meilleur joueur africain de l’année 2018 et que son pays accueillerait la Coupe du Monde de Football Africain 2019, deux exploits marquant le retour du pays des Pharaons dans la vie politique africaine.

Cependant, le simple fait que la Caf, sous le regard d’une personnalité de la Fifa, ait attribué son prestigieux prix Platinum à Macky Sall est la preuve la plus claire que le football se mêle à la vie politique du Sénégal. C’est inacceptable.

Le sport est trop vain pour être le nom de la politique au Sénégal. Les enjeux sont trop importants pour permettre une évolution aussi superficielle. Lutter contre la corruption, défendre des élections libres et équitables, la justice, le progrès économique, le positionnement diplomatique du Sénégal et d’autres priorités majeures ayant tous souffert de la mauvaise gouvernance de notre pays sous Sall au cours des sept dernières années, afin de mener à cette banalisation de la politique, voilà qui serait une dangereuse dérive éloignant notre pays du débat sérieux qu’il lui faut…

En un mot, Caf, Fifa et autres marionnettes, sciemment ou non instrumentalisés, veuillez-vous écarter de notre chemin. Nous voulons agir en profondeur ! Il s’agit en vérité de reprendre notre pays – afin de rebâtir son présent et de lui forger un meilleur futur, bref de le remettre debout !

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Sous ce rapport, nous ne pouvons pas tolérer que Samuel Et’oo-fils, venu en goguette au Sénégal, profite d’un banal événement de football pour exprimer son soutien politique à Macky Sall, dont notre classe politique, et la société en général, veulent se débarrasser.

Le fait qu’il puisse se mêler de la vie politique dans son Cameroun natal au dégoût total de ses compatriotes, c’est une chose, mais vouloir exporter un comportement aussi imprudent dans une démocratie aussi ouverte comme celle du Sénégal est plus qu’une insulte. Il n’est malheureusement pas le seul à utiliser une plate-forme créée de manière opportuniste pour exposer des positions politiques non souhaitées, inopportunes.

Soyons francs. Nous ne permettrons pas que le sport le plus populaire, ainsi que d’autres nobles institutions, servent de tremplins à certains pour atteindre nos idéaux, le sauvetage de notre pays, en particulier.

Le reste du monde devrait prêter une attention particulière à la criminalisation politique d’un si beau jeu par les petits marchands politiques sénégalais au pouvoir ici et leurs acolytes internationaux.

Adama Gaye, journaliste et auteur sénégalais, est un ancien rédacteur en chef du West Africa Magazine, basé à Londres.







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