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Quid De L’effectivitÉ De La Loi Sur Le Viol

Quid De L’effectivitÉ De La Loi Sur Le Viol

#Enjeux2019Au Sénégal, c’est l’article 320 du code pénal qui définit le viol : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Par ailleurs, le Sénégal est signataire de nombreux instruments internationaux et régionaux, parmi lesquels figurent :

Au niveau international : La Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes adoptée par l’Organisation des Nations Unies, en 1983 qui définit, en son art 1er, les violences à l’égard des femmes comme : « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. ».

Cette déclaration est renforcée par la Convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de violences à l’égard des femmes (CEDEF), adoptée en 1979 et ratifiée sans réserve par le Sénégal en 1985.

Au niveau régional : Parmi les instruments ratifiés par le Sénégal, la référence en matière de protection des droits humains des femmes est le Protocole additionnel à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique, plus communément appelé le Protocole de Maputo.

Malgré le cadre juridique national et les engagements pris par l’Etat du Sénégal pour éradiquer cette violence particulière à l’égard des femmes et des jeunes filles et, à un degré moindre, des hommes et des jeunes garçons, le viol continue de faire des victimes à tous les niveaux de la société. Le phénomène a atteint une telle ampleur qu’il a tendance à être banalisé et que les coupables restent parfois impunis ou condamnés à des peines insignifiantes face à d’importants préjudices causés.

– Problématique de la question du viol –

On pourrait poser la problématique de la question du viol au Sénégal à (3) niveaux : le non-respect des engagements internationaux et régionaux – les insuffisances contenues dans les dispositions pénales sénégalaises – la non application des textes.

L’analyse de l’ensemble des textes législatifs en vigueur au Sénégal concernant le viol révèle certaines insuffisances. Cette infraction, selon les définitions contenues dans les instruments internationaux et régionaux précités fait partie de la violence faite aux femmes.

Dès lors, il convient de noter l’absence de définition des violences faites aux femmes et/ou basées sur le Genre dans la législation sénégalaise ; il urge par conséquent d’harmoniser les textes législatifs et réglementaires avec les conventions internationales et régionales et de les appliquer, conformément à la loi fondamentale sénégalaise qui, aux termes de son article 98 dispose :

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« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».

Ils s’imposent dans notre dispositif normatif et ont une valeur supra-nationale.

La Constitution, dans son préambule, qui en est partie intégrante, affirme l’adhésion du Sénégal : « à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), à la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ». Ces traités et autres instruments internationaux et régionaux engagent le Sénégal qui les a ratifiés sans réserve.

L’inapplication des textes est aussi flagrante au niveau national, s’agissant des articles réprimant le viol.

– en effet, l’art 320  du code pénal dispose en ses différents alinéas que le viol « sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans, s’il a entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou si l’infraction a été commise par séquestration ou par plusieurs personnes, la peine ci-dessus sera doublée ; s’il a entraîné la mort, les auteurs seront punis comme coupables d’assassinat ; Si l’infraction a été commise sur un enfant au-dessous de 13 ans accomplis ou une personne particulièrement vulnérable en raison de son état de grossesse, de son âge avancé ou de son état de santé ayant entraîné une déficience physique ou psychique, le coupable subira le maximum de la peine »

– en outre, l’art 322 du même code prévoit « qu’il ne pourra être prononcé le sursis à l’exécution de la peine »

Une analyse des décisions de justice, montre que les textes ne sont pas appliqués dans toute leur rigueur. La répression du viol pose le problème de l’application de l’article 320 du Code Pénal et celui de l’écart, parfois très important entre la peine prévue et la peine appliquée.

Il est fréquent et inquiétant de constater, dans certains cas, l’inapplication du maximum de la peine prévue, même lorsque le viol est commis sur une personne mineure de moins de 13 ans. Il est arrivé que des juridictions prononcent des peines allant de 6 mois à 5 ans, en violation totale de la loi !

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L’art 322 du CP interdit le sursis à exécution de la peine dans les cas de viol ; cette disposition n’est pas respectée par certains magistrats qui ont condamné des coupables de viol sur enfants de moins de 13 ans à des peines assorties du sursis.

Les juges, comme tous citoyens sénégalais, sont issus d’une société qui a ses croyances et ses traditions ; certains sont parfois sous l’influence des pesanteurs socio-culturels ou préjugés en désaccord avec la loi et à ce titre peuvent être amenés à utiliser des procédés juridiques plus en phase avec leurs croyances et traditions ; l’article 433 du CP sur les circonstances atténuantes, en est un exemple !

– Prévenir d’abord ! –

La prévention du viol devrait être la priorité. S’il est difficile de parvenir à son éradication, il urge d’en réduire les manifestions. Cette prévention nécessite des actions à différents niveaux.

– prendre, en amont, toutes les mesures appropriées au niveau de l’éducation de base pour éviter l’apparition de ce fléau, en choisissant comme cible privilégiée les jeunes, filles et garçons. Certains ont en effet souligné : « l’importance d’intervenir précocement pour prévenir les agressions sexuelles. ».

– provoquer des changements sociaux : de nombreux facteurs d’ordre économique et social sont souvent les causes des agressions sexuelles ; ces facteurs pourraient être combattus par la mise en place d’initiatives et de politiques publiques, par l’élaboration de programmes permettant aux femmes et aux filles de pouvoir réellement jouir de leurs droits à l’éducation, à l’emploi, aux ressources et à l’amélioration de leurs conditions de vie.

– promouvoir des normes sociales favorisant la non-tolérance des agressions sexuelles et des rapports inégaux entre les hommes et les femmes en agissant notamment sur la transformation des mentalités.

Toutes ces mesures devraient être orientées en direction des populations ; elles consisteraient en des campagnes de sensibilisation, cibleraient les médias et tous particulièrement les réseaux sociaux qui sont une des voies d’influence importantes des normes sociales, viseraient les témoins potentiels d’agression sexuelle et mettraient l’accent sur la formation des différents acteurs appelés à intervenir en matière d’agression sexuelle.

– Quid des victimes ! –

Que de fois n’entendons-nous pas « Mlle ou Mme X s’est fait violée (!!!) à cause de sa tenue indécente, de son regard provocateur ou de son sourire coquin !

Et pourtant, les conséquences des violences sexuelles sur les femmes et plus particulièrement du viol, sont nombreuses et profondes. Les victimes sont traumatisées à vie et restent avec des séquelles.

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Certaines d’entre elles développent un syndrome de stress post-traumatique ; elles peuvent sombrer dans l’alcoolisme et/ou la drogue pour oublier leurs problèmes et en se sentant dévalorisées, être poussées au suicide ou à l’infanticide. Nombreuses sont celles qui se retrouvent avec des difficultés relationnelles et familiales ou chez qui apparaissent des dommages durables telles qu’une sexualité perturbée et difficile avec des blessures psychologiques importantes.

Une sociologue disait : La violence sexuelle « c’est comme de la glu, ça vous colle à la peau, au cœur et à l’âme ; et si vous essayez de vous nettoyer seul vous risquez de vous embourber davantage, de vous y noyer »,

Fort heureusement, une prise en charge spécialisée, lente et précautionneuse des troubles traumatiques a permis à des victimes de ressentir une amélioration importante de leurs symptômes. Cette prise en charge pour être efficace doit se faire avec une équipe pluridisciplinaire et l’implication de l’Etat. Il est aussi impératif d’accélérer et de généraliser la formation des professionnels en contact avec les victimes de viol, aux spécificités des violences sexuelles ; cette formation concernerait plus particulièrement les médecins, les magistrats, les avocats, les éducateurs spécialisés, les officiers de police judiciaire.

Au niveau national, l’élaboration d’enquêtes spécifiques sur les violences sexuelles devraient être envisagées, de même que la création d’une banque de données concernant ces violences.

Il serait souhaitable que l’Etat puisse envisager la création de centres d’accueil et de refuges dans toutes les régions et départements et les doter de moyens suffisants pour assurer une prise en charge efficace des victimes survivantes.

Il peut sembler surréaliste de pouvoir éradiquer de façon définitive ce fléau social qu’est le viol. L’espoir est toutefois permis de le faire fortement régresser. Pour se faire, le rôle de pression des organisations de la société civile si on leur accordait le droit de se constituer partie civile et celui des communautés de base féminines, est très important. Elles pourraient amener l’Etat à respecter ses engagements en faveur de la protection des femmes et des filles et à veiller, dans un Etat de droit, à une bonne et stricte application de la loi.

#Enjeux2019

– Dior Fall Sow est Présidente d’honneur de l’association des juristes sénégalaises (AJS), Membre du réseau francophone pour l’égalité femmes-hommes.

– Patricia Lake Diop est Juriste Membre de l’AJS, vice-présidente du centre d’arbitrage de médiation et de conciliation (CAMC) de la chambre de commerce de Dakar.







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