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Dialogue De Poètes: Notre Pays N’est Pas Dans L’urgence Des Vautours ! (amadou Lamine Sall, Sidy Ady Dieng)

MON PAYS N’EST PAS UN PAYS MORT

(Auteur : Amadou Lamine Sall, Poète, Lauréat des Grands Prix de l’Académie Française)

Mon pays n’est pas un baobab nocturne

une herbe noire une fleur froide

un fruit anémique une terre agenouillée

Mon pays n’est pas une route coupée

une chaussée pourrie un ciel boueux

Mon pays n’est pas dans l’urgence des vautours

il est dans la foulée des tigres et

le lion a encore la mâchoire qui brûle et le ventre en flammes

Mon pays n’est pas un pays mort

mais elle est pourtant morte la mémoire

mort le sang dans la case des hommes pressés

et le rêve de ceux qui ont cru dompter l’alphabet court nu dans les rues

et les enfants ne jettent même plus des pierres à ce lambeau de rêve…

Mon pays n’est mort que dans la hâte de ceux qui marchent

sur les chemins de mirage les yeux glauques l’horizon cupide

Mon pays n’est mort que dans les fils de l’impatience

les fils malicieux de la politique les sidéens du pouvoir dans

la malaria et le paludisme des urnes

les fils arqués de la politique les bergers à venir mais si fatigués déjà comme de vieilles Peugeot des années de jazz

Mon pays n’est mort que dans les rois de midi et

les princes des oracles qui mûrissent le trône en eux avant le maïs et l’arachide

les terrasses d’or avant la paille de chaume des toits du Saloum

la chaise de satin avant le tabouret de termitière…

Mon pays n’est mort que dans les fils surdoués des feux de brousse

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qui dévorent jusqu’aux refuges des lépreux aux portails fastes des banques

Ce pays mon pays n’est mort que chez les morts d’avant les lampes

car elles arrivent elles arrivent les grandes lampes arrivent les fauteuils de soie les canapés de laine

dans les taudis des banlieues

arrivent les rideaux rouges et pourpres

arrivent les bronzes rares les toiles des enfants d’Oussouye les livres des enfants du Fouta

arrivent les sourates les chants grégoriens les libations

arrivent les femmes les hommes d’un siècle nouveau

d’un temps d’espérance

Mon pays n’est pas un pays mort

malgré les fourmis les fatigues et les cafards

les sommeils lents les réveils taraudés

les souliers usés les chaussettes soumises aux

faims des rats les orteils au vent

Mon pays n’est pas mort

malgré les journaux aux manchettes de fin du monde

l’Afrique décrétée inapte jusqu’à la fin du monde mais enfin

si enceinte de vergers rares

la France comptable de sa tendresse et vivant seule son dépit amoureux

l’Amérique la frousse pleine les yeux mais triomphant dans l’acier de ses bras

Mon pays n’est pas un pays mort

malgré les cuisines vides dans la solitude d’un oignon

d’un sac de riz affaissé à deux grains

d’une bouteille d’huile infidèle à deux cuillères

d’une pomme de terre verdâtre comme d’un méchant quolibet

Mon pays n’est pas un pays mort

une cargaison puante mais une marée haute d’épices et d’encens

il vit ce pays se tourne et se retourne et danse et pleure et chante

dans l’angoisse pourtant infinie que masse une foi infinie

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que consolent une cloche un minaret le regard velouté d’une maman infinie

Mon pays n’est pas un pays défunt

il ne porte comme la vie que les pas lourds

d’un soldat endeuillé d’un enfant amputé mais son cœur est de soleil

il ne porte comme la vie que le sourire au gingembre d’une

femme que la beauté honore

il est bien debout mon pays grave beau et fort

Mais il est vrai que les fleurs si belles meurent toujours

un soir… ou est-ce un matin… je ne sais plus…

Reste alors le parfum qu’elles ont laissé

mais puisse ce parfum habiter la nostalgie des aisselles irriguer le vertige

être le remontoir de nos sens de nos vies nourrir l’avenir sinon

Sinon elles seront vraiment mortes les fleurs mortes pour toujours

mortes pour rien mort aussi le triomphe des jours de gloire

et l’oubli monstrueux se lèvera tragique

comme une tendresse décapitée

une malédiction brutale dressée comme une lance…

Mon pays n’est pas un pays mort mon pays n’est pas un murmure

son peuple au front d’étoiles et à la bouche de sel

est un océan qui ne s’annonce plus

une mer haute féconde navigable pour toutes les fraternités du monde

Chacun sait désormais ici pourquoi nous serons toujours vivants

Amadou Lamine SALL

TON PAYS N’EST PAS UN PAYS MORT

(Auteur : Sidy Ady DIENG, Poète, Lauréat 2004 du BSDA, Prix Birago DIOP)

Il n’est pas une fausse et sombre perspective

Une dernière lueur d’une nuit monotone et sinistre

Une lanière usée sur les flancs d’un cheval décharné

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Ton pays ne s’embourbe guère au fond des caniveaux

Il s’est érigé depuis longtemps en joyau pur

Ornant la poitrine des majestueuses lingeer

Et derrière le verbe stimulant du griot

Le sang du ceddo bouillonne comme toujours

Ton pays n’est pas un pays mort

Et pourtant l’héritage s’est fané

Perdu dans le courage qui s’effondre

Et l’élégance jetée comme une eau usée

Sur les ruelles boueuses des Parcelles Assainies

Et sur toutes les artères et quartiers se bousculent des hommes

Qui n’ont faim que de bénéfices et de profits sans sueur écoulée

Ton pays n’est pas un pays mort

Il n’est mort que dans les rêves de gloriole

Mort dans ses fils aux bras croisés et à la langue fourchue

Ses fils qui continuent à rouler fiévreusement les dés du pari

Dans les bureaux de vote érigés en casinos

Ce pays n’est mort que pour les caméléons du pouvoir

Ceux qui retournent leur veste avec la prestance du prestidigitateur

Ces hommes qui ont foulé du pied toute mémoire Pour ne s’illustrer que dans le verbe nécessiteux

Ton pays mon pays n’est pas mort

Car il est trempé de la hargne du lion

Et le baobab géant reste gonflé de sève

Je le savais déjà mais je comprends à présent

Pourquoi alors« nous serons ici toujours vivants»

Sidy Ady DIENG

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