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Les Premices De L’implosion

En politique, le rassemblement n’est pas un choix de convenance mais une nécessité impérieuse. Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, l’avait tellement compris qu’il s’est toujours battu pour renforcer le Bloc démocratique sénégalais (BDS), parti qu’il a fondé le 27 octobre 1948 à la suite d’une scission d’avec la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Ce nouveau parti s’ouvrît à toutes les forces sociales, religieuses et ethniques pour mieux s’implanter sur l’ensemble du territoire national. Si pendant longtemps, le Parti socialiste (PDS) a eu une envergure nationale, c’est grâce à l’œuvre de Senghor. Ce qui n’a pas été le cas de son rival Lamine Guèye dont la formation politique, le Parti sénégalais d’action sénégalaise (Psas), n’était présente que dans les zones urbaines.

Ainsi en 1951, Lamine Guèye perd les élections législatives devant le candidat de Senghor en l’occurrence Abbas Guèye. C’est ainsi qu’en février 1957, le BDS fusionne avec l’Union démocratique sénégalaise (UDS), le Mouvement autonome de la Casamance (Mac) et le Mouvement populaire sénégalais. Ce rassemblement donne naissance au Bloc populaire sénégalais (BPS) dont les leaders sont Senghor et Mamadou Dia. En 1958, le BPS fusionne avec le Psas de Lamine Guèye. Le nouveau rassemblement politique porte le nom d’Union progressiste sénégalaise (UPS). Le 13 juin 1966, après des mois de tractations, les opposants de gauche du Parti du regroupement africain (PRA-Sénégal) d’Abdoulaye Ly, Amadou Makhtar Mbow et Assane Seck rejoignent à nouveau l’UPS. Dès lors, l’UPS devient un parti unique. Mais Senghor préfère le terme de parti unifié plutôt que celui de parti unique. Toutefois, ce qui était le plus essentiel dans la démarche senghorienne, c’est d’avoir compris l’importance du rassemblement en politique. Le défunt poète-président préférait la fusion-absorption des partis qui partagent la même doctrine idéologique plutôt que des coalitions contre-nature où seuls des intérêts bassement matériels ou financiers étaient les fondements. D’ailleurs, c’est sur la base de cet esprit de regroupement des forces partageant la même idéologie que Senghor institue le système des trois courants de pensée de sa politique dite de « multipartisme limité » (socialiste, libéral, et marxiste-léniniste). Par la suite, un quatrième courant de pensée sera reconnu, celui dit conservateur. Sous le magistère de son successeur Abdou Diouf, la transhumance et les alliances circonstancielles ont fini par reconfigurer l’espace politique. On assiste des années 80 jusqu’en 2000 à plusieurs types de coalitions éphémères tant du côté du pouvoir que de l’opposition. Et c’est une alliance de forces de la gauche communiste dont les figures de proue sont Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Mamadou Diop Decroix, Landing Savané, qui a incité et soutenu la candidature d’Abdoulaye Wade. Ce au moment où, après quatre tentatives, le Pape du Sopi était sur le point de prendre sa retraite politique. Hélas, cette alliance entre forces de gauche et de droite n’a pas tardé à imploser à l’épreuve du pouvoir. En novembre 2000, en effet, Amath Dansokho et les siens sont éjectés du gouvernement libéral après huit mois seulement de présence au sein de la première équipe formée par le nouveau président Abdoulaye Wade.

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Par la suite, le leader de l’AFP (Alliance des Forces de Progrès), Moustapha Niasse, socio-démocrate et Premier ministre de Wade à l’alternance de 2000, et le Pr Madior Diouf du RND (Rassemblement national démocratique) sont limogés en mars 2001. Abdoulaye Bathily (LD/MPT) et ses camarades seront défenestrés le 9 mars 2005. C’est donc dire que les divergences idéologiques — ou les enjeux de pouvoir — finissent toujours par défaire les coalitions et alliances politiques constituées sur l’autel d’intérêts personnels. Limites des alliances et coalitions La tenue de l’élection présidentielle en 2012 a donné aussi lieu à la formation d’alliances et de coalitions de partis politiques autour particulièrement du candidat Macky Sall. Ainsi, les mêmes forces de gauche qui avaient soutenu Wade en 2000, les socialistes senghoriens et les sans profils idéologiques se sont agglutinés au second tour pour soutenir la candidature de Macky ex-maoïste reconverti en libéral. Cette alliance-allégeance reposait plus sur un objectif commun, le départ de Wade assorti d’un partage du pouvoir en cas de victoire. Il ne s’agissait donc pas de consolidation de la démocratie, d’approfondissement de l’Etat de droit encore moins de gouvernance efficace ou de raffermissement de la cohésion nationale. Seule la volonté de réunir le plus grand nombre de suffrages et de conquérir le pouvoir présidentiel aura été la véritable motivation de cette alliance à bien des égards contre nature. C’est ce qui explique, subséquemment à l’élection de Macky Sall, la distribution de prébendes et de strapontins en guise de pretium doloris à tous les ralliés de poids. Ce vulgaire partage du gâteau avait été présenté sous la noble et vertueuse enveloppe du « gagner ensemble et gouverner ensemble ». C’est dire que les alliances et les coalitions n’ont pas été un facteur de développement institutionnel et de consolidation démocratique de notre pays.

Ainsi l’une des plus grandes faiblesses de la stratégie d’alliances et de coalitions au Sénégal serait leur caractère opportuniste du fait de l’absence criante de ciment idéologique. Les coalitions électorales sénégalaises sont des conglomérats hétéroclites dont la logique sous-jacente s’apparente à celle des GIE (Groupements d’intérêt économique), c’est-à-dire la recherche de profits. In fine, elles n’existent que pour conquérir et se partager le pouvoir mais non pour défendre ou faire triompher les intérêts des populations. C’est ainsi que les Assises nationales que Niasse et Tanor avaient brandies pour soutenir Macky n’étaient qu’un prétexte de légitimation d’un éventuel partage du pouvoir entre pontes politiques. L’objectif final en 2012, c’était de faire élire Macky Sall à la présidence de la République. Les partis politiques réunis au sein de Bennoo Bokk Yaakaar sont parvenus au prix de grosses pertes et de gros sacrifices compensés par de fortes récompenses à rester derrière Macky Sall, chef de la grande coalition. Cette option de rester au sein de la coalition a valu au Parti socialiste de Ousmane Tanor Dieng son divorce avec Khalifa Sall et ses lieutenants comme Barthélémy Dias mais aussi, plus récemment, Aïssata Tall Sall. Moustapha Niasse a perdu ses grosses pointures comme Malick Gakou et Mata Sy Diallo. La LD a implosé avec la naissance du courant Ligue Démocratique debout qui revendique la majorité. Même le très stalinien parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) vient à son tour d’enregistrer une sérieuse rébellion interne menée par le Dr Mohamed Ly et ses amis. Certes, bien que beaucoup de politiques et de politistes aient prédit, dès les premières heures de l’Alternance, le « tassaro » c’est-à-dire la dislocation de Bennoo ladite coalition a tout de même tenu bon pendant sept ans pour faire triompher son candidat à toutes les échéances électorales depuis 2012. Sept ans, c’est la plus importante durée de vie d’une coalition politique dans notre pays depuis l’Indépendance. Modou Diagne Fada, député libéral, sur le plateau de la RTS1 où il était l’invité de l’émission Point de vue en août 2012, prédisait le divorce de ses alors adversaires de la majorité présidentielle. « Ce n’est plus un secret, BBY est parti pour imploser. Ce n’est plus qu’une question de jours. Cette coalition va éclater, avant les locales, car il faut que les partis politiques se pèsent », prédisait l’ex-ministre libéral de la Santé. Eh bien, non seulement l’implosion prédite ne s’est pas réalisée mais le prédicateur lui-même a fini par transhumer pour la rejoindre six ans plus tard !

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Le PS et l’AFP dans une logique de sortie avant 2024

Seulement voilà, Macky Sall ayant été réélu et ne pouvant plus aspirer à un nouveau mandat, la donne politique change. D’ores et déjà, les premières lézardes de la coalition présidentielle commencent à apparaître. Les ambitions politiques assoupies ou tues stoïquement depuis sept ans, tant du côté de l’APR que de celui des alliés et ralliés, commencent à se réveiller. Récemment dans l’émission « Objection » de Sud FM, Bouna Mouhamed Seck, directeur de cabinet de Moustapha Niasse à l’Assemblée nationale, a précisé que « l’AFP aura un candidat en 2024 ». Une position qui n’est toutefois pas partagée par Mbaye Dione, maire de Ngoundiane qui soutenait dans le journal L’Observateur du 12 janvier 2015 ceci : « A ceux qui pensent que l’Afp ne doit pas présenter un candidat en 2017, mais qu’elle devrait se préparer pour le faire en 2022, je voudrais juste qu’ils soient plus cohérents. Comment peuvent-ils refuser une candidature de l’Afp en 2017 et l’accepter en 2022 (Ndlr, à l’époque Macky Sall jurait encore de ne faire que cinq ans), à moins qu’après avoir contribué à réélire le Président Macky Sall, l’Afp quitte le gouvernement pour s’opposer jusqu’en 2022 afin de présenter son propre candidat ? Si nous acceptons de ne pas présenter un candidat en 2017, nous devrons l’accepter tant que l’APR sera au pouvoir et que l’AFP sera son allié. »

Le PS de son côté, même s’il a réaffirmé son ancrage dans la mouvance présidentielle au lendemain de la réélection de Macky Sall, se prépare en conséquence aux joutes présidentielles de 2024 où la nécessité de présenter un candidat issu des rangs du parti de Senghor — après la parenthèse 2012-2017 — se fera sentir de nouveau. Aujourd’hui le PS tend la main à tous les bannis que sont Khalifa Sall, Bamba Fall, Barthélemy Dias, Idrissa Diallo et autres responsables socialistes proches de l’ex maire de Dakar. La réponse favorable du maire de la Médina assortie de conditions sur la libération de Khalifa Sall et sa réhabilitation politique laisse croire que les retrouvailles entre socialistes pour préparer 2024 sont envisageables. Il faut battre le rappel des troupes puisque le compagnonnage avec l’APR prendra fin bientôt. Pour cause, même au sein de cette APR où chaque Iznogoud pense pouvoir succéder au calife Sall, la bataille de la succession fera rage.

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La coalition Bennoo a fait son temps. Elle va dépérir et disparaitre avec la retraite présidentielle de son actuel leader. Certes elle peut survivre jusqu’aux législatives de 2022 (histoire de bénéficier encore de quelques maroquins et postes de directions) mais pas jusqu’en 2024 où il faudra se regrouper derrière un seul leader pour espérer triompher. Le socle de solidarité illusoire sur lequel repose Bennoo risque de s’effriter au gré des ambitions et des alliés et des frères de parti de Macky. La durée de vie ou de survie de Bennoo et même de l’APR ne sont tributaires que de la présence de Macky à la tête de l’Etat. Par conséquent, il ne faut pas être Cassandre pour prédire la dislocation de Benno Bokk Yaakar. Ce n’est plus qu’une question de mois…







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