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Trop, C’est Trop Macky

Le communiqué du Conseil des ministre du 7 février 2024 publié sur le site du gouvernement du Sénégal dit ceci : « A l’entame de sa communication, le Président de la République est revenu sur le vote par l’Assemblée nationale, de la proposition de loi fixant la nouvelle date du scrutin présidentiel au 15 décembre 2024 en réaffirmant sa décision de ne pas prendre part à l’élection. »

Ruse 1 : monsieur le président, cette pommade ne passe pas. Vous nous l’avez administré lors de votre discours à la Nation du samedi 3 février 2024, et vous nous la ramenez encore dans ce communiqué. Votre décret 2024-106 du 3 février 2024 viole la Constitution du Sénégal, et sachez que le fait de nous promettre de ne pas commettre un deuxième viol en vous présentant à l’election présidentielle de 2024, ne vous absout pas de ce péché républicain.

Le communiqué, donc Macky, poursuit en versant de l’eau sur le feu qui couve à cause du différend qui existe entre lui et son Premier ministre sur la question du report de l’élection : « Le chef de l’État a notamment renouvelé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba et à l’ensemble des ministres, et demandé au gouvernement de prendre toutes les dispositions requises, pour l’organisation dans les meilleures conditions du scrutin présidentiel à la nouvelle date fixée. »

Ruse 2 : En très bon combattant, Macky Sall, afin de ne pas se disperser et mieux concentrer toute son énergie sur la réduction de l’opposition radicale, adopte la stratégie qui consiste à éteindre d’abord le foyer de tension qui couvait dans son camp, alimenté par les récentes sorties de certains proches d’Amadou Ba, et par les différentes humiliations que Macky lui a fait subir devant les caméras ces dernières semaines. Amadou, fais gaffe !

Le problème interne mis en veilleuse, le communiqué, donc Macky, se penche sur les contradictions externes en ces termes : « le président de la République a particulièrement réitéré sa détermination à poursuivre le dialogue avec tous les acteurs politiques et les forces vives de la Nation, en vue de renforcer, d’une part, notre démocratie à travers un processus électoral transparent, libre et inclusif et, d’autre part, la crédibilité de nos institutions.

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Dans ce contexte, le chef de l’Etat, a décidé d’engager les voies et moyens de mettre en œuvre un processus pragmatique d’apaisement et de réconciliation pour préserver la paix et consolider la stabilité de la nation. »

Ruse 3 : Macky se présente encore une fois en homme de paix, ouvert au dialogue. Très bonne approche pour qui veut dresser l’opinion nationale et internationale contre tous ceux qui rejettent les arrangements et réclament le respect de la Constitution et la tenue des élections le 25 février.

Opinions faites gaffe !

Pour emporter la confiance des Sénégalais par l’expression de gages de bonne foi, le communiqué, donc Macky, nous fait miroiter la libération des détenus politiques comme suit : « Dans cette dynamique, le président de la République, garant de l’unité nationale et du fonctionnement régulier des institutions, a demandé au gouvernement, notamment au Garde des Sceaux, ministre de la Justice de prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l’espace public dans la perspective du dialogue national et de l’organisation de la prochaine élection présidentielle. »

Ruse 4 : Ayant toujours les yeux ouverts sur son adversaire comme tout bon sportif de combat, Macky sait que l’emprisonnement d’un nombre jamais égalé de citoyens pour des raisons politiques contribue beaucoup à son impopularité au sein de la population et de l’opinion internationale.

Annoncer donc, en termes voilés, la libération des prisonniers politiques pourrait contribuer à baisser la tension. Prisonniers politiques faites gaffe !

Le journal L’Observateur du 8 février 2024 annonce que, lors du même Conseil des ministres, le président de la République aurez avancé l’argutie qu’un chef de famille ne lâche pas ses enfants en pleine crise pour expliquer le report.

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Ruse 5 : Macky nous aime tellement que, même si les Sénégalais souhaitent majoritairement qu’il rende le pouvoir, il ne nous lâchera pas pour nous éviter de mettre notre vie en péril. Monsieur le président, au cas où vous auriez tenu les propos que vous attribue le journal l’Observateur, je voudrais vous signaler que c’est une grossière erreur de vous comparer à un chef de famille, pour justifier votre entêtement à rester à la tête du Sénégal au-delà de la durée légale. Laissez-moi vous rappeler que vous n’êtes le père que de vos propres enfants, et que vous n’êtes le père ni des institutions, ni des citoyens sénégalais. Ceci est une lecture erronée du contrat qui vous lie au peuple sénégalais. Nous vivons dans une société organisée qui, à tour de rôle, confie la coordination de ses activités à un de ses membres, appelé président de la République. Ce dernier peut et doit régulièrement changer de corps, d’esprit et d’âme. Préparez-vous donc à céder la place.

Monsieur le président, même si je nourrissais le rêve du contraire, je fais partie de ceux qui avaient prédit que vous alliez annoncer le report de l’élection et chercher à dresser l’opinion publique contre l’opposition radicale en vous positionnant comme le chantre de la paix et du dialogue. Je ne me sens aucun mérite pour avoir vu venir car vous avez fourni assez de données sur votre personnalité entre 2011 et aujourd’hui pour que, même un profane en analyse politique comme moi puisse prédire avec justesse vos actions futures.

Vous êtes un combattant hors pair, et tout adversaire qui ne vous reconnaît pas cette qualité risque de mordre souvent la poussière devant vous. Cependant, malgré vous, vous avez contribué à la formation de la conscience politique du Sénégalais. Vous avez mis à nu et souvent exploité toutes les failles de notre République et finalement amené le Sénégalais à lire ce que vous écrivez sur les lignes, mais surtout ce qui se dissimule entre les lignes. Je vous suggère donc d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard, car le Sénégalais a fini de comprendre votre câblage mental monsieur le président.

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Si seulement vous aviez mis votre sens très poussé du combat et de la compétition au service du développement économique, social et culturel du Sénégal… Ce pour quoi le peuple sénégalais vous a élu et réélu. Hélas !

Monsieur le président, dans votre fameux discours du 3 juillet 2023 vous disiez « J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole. » Rappelez-vous de ce code d’honneur proclamé et organisez-nous la grande fête de la démocratie le 25 février au lieu de fabriquer des arguments pour continuer à diriger le Sénégal.

Notre pays ne sera une dictature ni éclairée, ni lugubre, ni tyrannique. Les Sénégalais ne l’accepterons pas, malgré l’« excellent travail » de dispersion des rassemblements fait par la gendarmerie nationale. Le Sénégalais n’est pas fait pour être obséquieusement soumis, et je vous invite à vous renseigner sur l’histoire de Daou Demba, 6ème Damel du Cayor, qui, il y a presque quatre siècles, a été obligé de fuir le royaume pour échapper à la colère de la population qu’il avait soumise à une tyrannie sans nom, pendant sept longues années.

Force reste à la loi, oui, mais que force reste à la Justice d’abord !

Abdou Sène est professeur de mathématiques appliquées, Université numérique Cheikh Hamidou Kane.







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