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A-t-on Le Droit De Mentir Pour DÉfendre Le PrÉsident ?

Alors, depuis hier, depuis la nomination de Sibeth Ndiaye au poste de porte-parole du gouvernement, l’une des phrases prononcées par cette femme resurgit, ultra commentée, celle par laquelle elle affirmait en substance être « prête à mentir pour défendre le président », phrase qu’elle estime sortie de son contexte. 

Est-il légitime en politique de mentir pour défendre un président ou plus généralement une politique ? C’est probablement l’une des plus vieilles controverses, des rayons entiers de bibliothèques ont été surchargés grâce à ce sujet, et notamment une controverse entre Benjamin Constant et Emmanuel Kant. Cette controverse a été analysée par Mai Lequan, et est à l’origine de deux conceptions radicalement distinctes de la politique, sans que l’on puisse dire que l’une est progressiste tandis que l’autre serait populiste, si vous voyez ce que je veux dire… 

Pour Benjamin Constant, auteur d’Adolphe, mais aussi grand penseur du libéralisme, tout le monde a le droit de mentir, et notamment les politiques, mais pas n’importe quand. C’est ainsi que Constant écrit « Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible […]. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle des droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. […] Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui ». 

Alors pour le philosophe Emmanuel Kant, au contraire le mensonge est la matière la plus dissolvante pour la société. C’est ainsi que Kant lâche : « La plus grande transgression du devoir de l’homme envers lui-même, considéré uniquement comme être moral est le contraire de la véracité : le mensonge ». En fait, Kant condamne absolument le mensonge pour trois raisons. En premier lieu, si quelqu’un ment, il n’est plus crédible, et l’existence même de la société repose sur le fait que les autres sont crédibles. En outre, un devoir peut exister sans qu’il y ait un droit symétrique, ce qui signifie que je peux avoir le devoir de la vérité sans qu’autrui ait nécessairement droit à cette vérité. Enfin, selon Kant, personne n’a le droit de choisir parmi les hommes entre ceux qui ont droit à l’humanité et ceux qui vont devoir faire avec le mensonge. 

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Alors qui choisir entre Kant et Constant ? Si vous voulez mon avis, Je crois bien que tous les politiques qui refusent le mensonge au nom de Kant sont de secrets disciples de Constant. 

Et si vous voulez en savoir plus, voici le lien vers l’article que Mai Lequan consacre à ce sujet :

https://www.cairn.info/revue-etudes-2004-2-page-189.htm#







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