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Nous Avons Lu « servir » D’abdoul Mbaye

À tout point de vue, l’exercice parait périlleux ! Donc besoin est-il de préciser qu’il ne s’agit point ici de dresser un « compte rendu » du livre encore moins de faire un résumé, mais juste une opportunité saisie pour vous partager une modeste impression pour ne pas dire émotion y découlant…Parler de l’ouvrage d’un homme qui « soigne sa mise » comme il soigne ses discours, sa posture ou son éloquence… est de manière intrinsèque un exercice hautement risqué.

En voyant le livre aussi volumineux (395 pages), on se demande à priori, si véritablement nous avons à faire à un masochiste, un homme dépressif, ou qui s’ennuie au point de vouloir meubler ou échapper à la prise du temps par l’écriture. On a aussi pensé à un roman avec un regard hypertrophié de ses actions. On appréhende également une éventuelle tentative de règlement de comptes etc. certainement pas ! C’est véritablement ignorer l’idée que l’auteur a de sa personne et surtout l’idée qu’il se fait de sa mission, « … le poids de nos responsabilités et l’étendue de nos devoirs dans la conduite des politiques publiques de notre pays. ». Prolifique et généreux, il l’a été dans ce livre, vraiment !

En effet, on aurait pu simplement nous limiter à l’Avant-propos de l’ouvrage, car il est déjà en soi tout un programme. Or, l’auto-exigence de la tâche que l’auteur s’est astreinte se confond aisément avec le devoir, mais aussi le plaisir de s’y déférer. Le faire disons-nous avec une aisance, cette « aisance que procure le vrai », et avec une facilité qui surprennent le lecteur. Tout ceci est rendu sans doute possible grâce à sa cohérence, son attachement à la vérité qu’il lui « faudra dire en toutes circonstances », au respect de la parole donnée, mais aussi à la sincérité. Par voie de conséquence, un signal fort a été donné sur la culture de reddition de comptes, pourvu qu’il soit entendu et suivi….

Sinon comment peut-on comprendre quelqu’un qui rend compte alors qu’il n’en était, absolument pas obligé ?
Très vite déjà, on réalise que rien ne se fera plus par hasard. L’auteur décrit assez rapidement d’ailleurs son parcours professionnel en brossant ses principales responsabilités, ses missions, ainsi que leurs corollaires.

            –  Il évoque aussi son sens des responsabilités et, surtout son attachement à une éthique professionnelle, outre la morale nécessaire… et dans l’action publique quotidienne. 


            –  En se dressant comme un homme à la fois méthodique, discipliné, rigoureux et extrêmement exigent, l’ancien premier ministre se découvre déjà. Penser avant d’agir et surtout comment agir méthodologiquement pour une efficience maximale ! A noter que le souci et le caractère pédagogique nous accompagnent tout au long de cet ouvrage… « L’organisation d’une journée de travail », par exemple, qui commence par le réveil à 5 heures 20 minutes et une arrivée au bureau à 7 heures 30 minutes, donne ici un indicateur sur la charge de travail, mais aussi sur le poids de la conscience de ses responsabilités. Et d’ailleurs on confond aisément ici vivre et travailler, tant le travail effectif commence au réveil. Et on ne parle même pas de l’heure du coucher. L’exemplarité, ne peut être prise en défaut. Par conséquent, l’on est légitimement fondé à convoquer des réunions qui démarrent «à 8 heures précises, pour bien montrer à l’ensemble des participants que la ponctualité matinale n’est pas une chimère. » 


– La pensée, le souci de l’autre pointe le bout de son nez « A ce bureau, je serai assis, et travaillerai au service des autres, au service de mes concitoyens. Je sais qu’ils n’y seront pas insensibles. Cela permettra de disposer sans doute d’un peu plus d’indulgence de leur part face à l’urgence. » Mais surtout, la volonté et l’envie de partager : sa conception « …de rupture devenue si nécessaire à la gouvernance de la chose publique… », qu’il veut matérialiser par des actions concrètes dans le but ultime de « SERVIR l’intérêt général ». En quoi faisant ? Eh bien en « … mettant en avant les vertus constructives de progrès. ». Autant dire toute une ambition.

Cette auto-exigence de rendre compte se confond même avec un code d’éthique et se veut aussi un outil méthodologique. Déjà, le caractère extrêmement bien lucide et structuré de l’auteur apparait dès les premières lignes de cet ouvrage. « Je suis alors animé par un sentiment d’impatience. » Avant d’ajouter un peu plus loin encore « J’ai par contre décidé d’être un Premier ministre pressé. » Car, conscient du caractère révocable ad nutum de la fonction, mais plus encore de l’immensité de la tâche à accomplir.

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La méthode ! La méthode avec la conscience qu’elle est indispensable et doit être inhérente à l’action publique, si elle doit aboutir à des réalisations mesurables, quantifiables, traçables…l’exigence majeure !

Pour un pays qui a été habitué à un pilotage à vue, souvent à l’amateurisme qui a caractérisé surtout les derniers gouvernements avant la deuxième alternance de 2012, nous sommes servis. « Une préoccupation m’habitera d’ailleurs ensuite : il est important à cette place, dans cette station, que je prouve aux politiques et aux citoyens armés de leurs bulletins de vote, qu’ils doivent exiger de leurs dirigeants les preuves, la traçabilité de leurs capacités. »

Et pour une fois, un homme qui a compris non seulement qu’il était en mission, mais surtout compris le sens de celle-ci. On voit nettement que son expérience riche dans le privé avec un style de management différent orienté sur les résultats a été plus que sollicitée. « J’ai retenu de mes expériences de manager d’entreprises que l’atteinte de résultats ne peut seulement dépendre de la bonne décision prise ou de la bonne instruction donnée. Le résultat est le produit de l’exécution effective de ces décisions et instructions » . Comment ne pas s’interroger du reste, sur cette alchimie entre un homme qui a un tel background avec des gens qui, pour l’essentiel n’ont connu que la fonction publique ? D’autant plus qu’ « Il sera nécessaire d’impulser de nouvelles dynamiques de travail au sein de l’administration sénégalaise pour lui donner de l’efficacité, et obtenir des résultats à la fois visibles, mais également macro-économiques, en réorganisant le retour vers des fondamentaux stables, garants du long terme. ». Rien de moins !

Le professionnalisme, la confiance et le respect ne sont pas étrangers à cela «L’administration sénégalaise regorge de grands commis bien formés et compétents ». C’est certainement avec la contribution de ces derniers éléments là qu’il faut voir les recettes de cette « mutation vécue… par la primature … devenue un cabinet d’étude par son organisation, son rythme et sa production. »

Cette fonction est décidemment un sacerdoce pour lui. La couleur est d’ores déjà annoncée, le ton donné. Pour quelqu’un qui aspire à une rupture et vient avec « une idée précise », la rupture n’est-elle pas déjà dans sa façon de faire ? Cela commence d’abord et avant tout par la haute idée qu’il se fait de ses responsabilités avec la prétention de vouloir inscrire son action dans l’histoire. Dans une période où tout était urgent, où il y avait le feu partout, « il faut donner des réponses aux urgences les plus extrêmes. » Il a su arbitrer entre les différentes priorités. Il a su par le souffle nouveau et un regard presque étranger qu’il a apportés à ce niveau de responsabilité étatique, sa vision, son expérience managériale qui rappelons-le encore, commence par le choix pointilleux et éthique de ses principaux collaborateurs. Ainsi, le premier challenge semblait être de s’entourer d’une équipe d’hommes et de femmes avec des compétences avérées, au sérieux indiscutable, connus et reconnus dans la haute administration. Á noter aussi sa capacité à « apprécier un effectif existant » et au besoin à le « mettre à mes normes » Un regard rassurant d’un serviteur de l’État qui a le souci de réussir sa mission. Les ingrédients d’une mayonnaise qui allait prendre. Ce qui est dans le fond, un hommage appuyé et traduit également la conviction que dans ce pays, existent des ressources humaines de qualité, il suffit juste de bien chercher. C’est aussi dans sa façon d’aborder les problèmes, avoir du bon goût et chercher le meilleur, y compris dans le choix de ses équipes.

Était-il au courant déjà que ça en soi était déjà une rupture ?

« Je fais renforcer l’équipe de mes conseillers par un spécialiste de l’organisation qui sera chargé du suivi des instructions. ». Ainsi les bases d’un véritable système d’information sont jetées. Et le lecteur ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’inexistence d’un tel outil à ce haut niveau, centre des plus grandes décisions et orientations politiques de l’État. L’histoire est en marche à grands pas, «il lance le projet de son informatisation » qui sera « finalisé au moment de son départ », un legs utile, qui permet la traçabilité, le suivi à temps réel des mesures, instructions etc. Nous sommes véritablement dans le domaine par excellence du management de projet, programme et dans l’analyse fine des décisions et de leurs impacts…

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Nous avons eu assez souvent des Premiers ministres qui se demandaient véritablement ce qu’ils faisaient à la Primature. D’autres, arrivés par surprise, sans aucune vision, aucune consistance…, et d’ailleurs comprenaient-ils réellement le sens, la portée ainsi que l’honneur du décret présidentiel signé pour leur nomination ?

Personnellement, nous nous sommes toujours posé ces questions à travers nombre de nos PM qui sont passés par le 9ème étage du fameux Building administratif. Pour certains, nous n’avons pas toujours eu un grand respect, l’histoire nous donne raison. Les deux qui ont succédé PAM, tout comme au moins deux qui lui ont précédé, la liste n’est pas exhaustive du reste ! De vraies catastrophes ambulantes.

Même si dans un pareil régime avec une prépondérance exacerbée, le président de la République, écrase beaucoup…, surtout quand le PM manque de personnalité, de caractère, de hauteur et, se caractérise par une incapacité à s’élever, une absence d’esprit et de convictions républicaines … des tares qui sont considérables. Si nous devons encore avoir ce genre de PM, autant alors militer activement tout de suite pour la suppression pure et simple de la fonction !

L’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye a objectivement placé la barre très haute ! En effet, il nous renseigne : «Dans ces couloirs où nous marchons, et ces bureaux où nous travaillons aujourd’hui, résonnent encore, pour qui sait les entendre, les pas d’hommes et de femmes de nombreuses générations qui avant nous, ont eu à cœur, d’assumer et d’exercer résolument, avec la probité requise et le patriotisme ardent reconnu, le service de l’Etat et de la Nation » Que personne ne devienne PM dans ce pays sans avoir au préalable au moins lu ce livre qui rappelons-le au-delà de sa vocation originale de rendre compte d’une mission, est un véritable outil, un guide utilisateur pour tous les décideurs publics et PM etc.

Cet ouvrage, est à bien des égards, un condensé de l’action d’un Premier ministre et de son équipe. Ainsi pendant dix-sept mois, le Premier ministre Abdoul Mbaye a été dans le feu de l’action d’une façon ininterrompue avec dévouement, rigueur et professionnalisme. La tâche était titanesque, le contexte pas toujours favorable, mais une détermination et un sens de l’État, du sacrifice au service de l’intérêt général qui sont admirablement exemplaires. Il nous fait entrer de plain pied dans les rouages de la Primature avec un nombre incalculable de rencontres, des réunions de coordination, de réunions interministérielles multiples et variées, touchant à tous les secteurs d’activés. L’on comprend alors que des compétences transversales et multidimensionnelles sont plus requises, en dehors d’avoir une facilité à comprendre des dossiers à implication et à portée multiples. De la baisse de prix aux questions récurrentes des inondations, en passant par les campagnes multiples et variées, par les questions énergétiques, sans parler des questions de formations… « Le projet est dans le discours, et le discours indique le sens de la marche en avant. »

Le caractère méthodologique, processuel, mais surtout pédagogique du livre lu ne font l’ombre d’aucun doute.
Un Président de la République, qui habite sa fonction avec des qualités intrinsèques d’un véritable Homme d’État, aurait pu utiliser Abdoul Mbaye dans l’intérêt exclusif du Sénégal et d’ailleurs conformément aux premières et nobles intentions de redressement du pays. Cela demandait aussi de ménager des susceptibilités personnelles, mais aussi disons-le franchement cette question de complexe d’infériorité ! Et pourtant, il affirme sa « reconnaissance au Président de la république, et a partagé avec enthousiasme et engagement son projet de ruptures, celui que les Gouvernements que j’ai eu l’honneur de diriger ont porté, pour l’intérêt du Sénégal ».

C’est là où résidait à notre humble avis les clés du succès et de la réussite des politiques sociales, économiques, institutionnelles…, gages d’un second mandat sans même avoir à battre campagne et surtout nous avoir évité tout ce gâchis. Notre conviction profonde est que c’était indiscutablement à la portée de tout homme sensé. Malheureusement pour nous et pour le pays, la politique politicienne prend la plupart du temps le dessus sur tout, hélas.

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La lecture attentionnée du livre nous laisse avec le profond sentiment qu’Abdoul Mbaye a fait preuve d’une très grande sérénité, démontré si besoin en était encore un professionnalisme hors du commun. Une haute idée de la fonction de Premier ministre, une incarnation de ce qu’on attend d’un homme d’État. On aurait dit que cet homme a passé sa vie à se préparer à occuper cette fonction. On ne sent aucune fausse note, aucun cafouillage, ni même une note discordante dans son action. Un Premier ministre qui a exercé avec plénitude, dévouement et désintéressement ce rôle fondamental dévolu par les institutions de notre République dans la conduite et la coordination des activités du gouvernement. Abdoul Mbaye a exprimé son « bonheur d’avoir servi (son) pays au cœur de la République pendant dix-sept mois ! ». Inutile d’être un spécialiste pour savoir que c’est du grand art. Une maîtrise parfaite des dossiers, une connaissance approfondie et même inattendue du pays, une haute idée de lui-même, principalement de la fonction et, à juste raison. Une humilité, mais aussi une courtoisie qui font parties de sa marque de fabrique. Un homme qui avec le regard critique d’un citoyen averti, intéressé et attentif aux affaires publiques, avec des mots justes, adaptés aux circonstances livre un diagnostic sans complaisance. Mais également avec un pragmatisme et un bon sens qui sont dignes d’un grand patriote, matérialise la vision et les promesses du chef de l’Etat avec une connaissance assez surprenante de la situation sociale, politique et économique du Sénégal. En suivant l’argumentaire d’Abdoul Mbaye, l’on a souvent le sentiment d’un homme qui a une balance pour bien peser chaque mot avant de le mettre à sa place. Le ton toujours mesuré trahit souvent l’humilité d’un véritable leader expérimenté, qui à l’épreuve, a su gérer les affaires de la Cité avec responsabilité, détermination, conviction et don de soi. Dans l’histoire politique du Sénégal, il nous semble extrêmement difficile de citer un Premier ministre après Mamadou Dia, qui ait fait autant de don de soi, de sacrifices, qui ait fait de sa mission un vrai sacerdoce qu’Abdoul M’baye et, cela en un temps record.

Nous nous devons à la vérité de dire et cela pour avoir lu « Par devoir et par amitié » de feu Habib Thiam, un homme qui gagnerait à être plus connu. Nous n’avons pas eu la chance de lire, par exemple Mamadou Lamine Loume ou Adjibou Soumaré , pour dire qu’ils restent à notre sens hors catégorie.
À l’évidence, et pour répondre à son interrogation du départ, nous confirmons notre certitude qu’il a bien fait « d’avoir pensé que la lecture de l’ouvrage pourra inspirer plusieurs de « (vos) concitoyens concernés par la gestion de la chose publique dans leur méthode d’action ».

Un exercice d’écriture qui, après réflexion, devrait être constitutionnalisé, une excellente façon à notre sens de l’institutionnaliser en l’inscrivant définitivement dans les pratiques Républicaines.
Au président de la République, nous lui souhaitons dans ces moments particuliers de notre histoire politique, la même inspiration qui l’avait guidée à choisir quelqu’un comme Abdoul Mbaye. Au-delà des personnes, le choix d’un homme ou d’une femme, travailleur, loyal, qui a de la notoriété, de l’expérience, qui serait bien éduqué, avec une connaissance de l’État et des enjeux internationaux auxquels ce pays est confronté serait assurément un atout. Bien entendu une expérience dans le privé serait d’une valeur ajoutée certaine, un véritable meneur, un homme de terrain, prêt à endosser les réformes indispensables…… dans l’intérêt du Sénégal. « N’est-il pas temps qu’on y associe les cœurs ? », s’interrogeait légitimement le distingué Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum.

Un Sénégal où les gens bien éduqués, dévoués, sérieux et compétents retrouveront leur véritable place. Nous serons alors loin de ce Sénégal des fossoyeurs, des blablateurs, des tonneaux vides et autres ignorants, ingrats qui, la plupart du temps, n’ont que l’insulte et les offenses à la bouche… Nous serons alors loin, en reprenant Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum de ce « pays où il est extrêmement difficile de vivre et où il fait bon de mourir ».

Bon bref, énormément de choses à dire sur cet ouvrage d’une richesse et d’une densité exceptionnelles. Tout citoyen Sénégalais, toute personne qui s’accordera du temps pour le lire ne sera nullement déçu et n’aura sans nul doute le temps de s’ennuyer ! 







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