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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Ressaisissons-nous

Il suffit de s’y promener en fin d’après-midi au moment où le soleil entame sa dernière course de la journée derrière les Mamelles, au-dessus des flots de l’océan, entre les amoureux et les sportifs, pour le constater : la Corniche ne désemplit pas jusque tard dans la nuit. Le coucher du soleil sur le flanc des Mamelles n’a d’égal que le chant du poète disparu. Bientôt, hélas, tout ceci ne sera plus qu’un lointain souvenir. Dakar, capitale du Sénégal, va perdre ce qui fait sa beauté, son charme. Ce qui la rend si romantique : sa corniche. L’une des plus belles du monde, d’où que vous l’abordiez. Ce joyau de la nature est entrain de disparaître. Elle est resplendissante et belle, cette corniche qui s’étend du Cap Manuel à Hann et du Cap Manuel aux Almadies. 

Bientôt, la cupidité de certains et l’indifférence d’autres vont en priver tous les Sénégalais. Si rien n’est fait pour mettre fin à cette occupation sauvage du littoral, bientôt les Dakarois n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. Et qui pour sécher leurs larmes ? Nos pauvres enfants dont beaucoup n’auront connu de cette belle corniche que les images vues à la télé. Lorsqu’auprès d’amis « politiciens », je me plains de cette dégradation du littoral et du laxisme de l’Etat, ils ont vite fait de rétorquer : ils ont des titres ; ils sont propriétaires ; ils sont autorisés parlant de ceux qui ont érigé ces bâtisses hideuses tout le long de la corniche. Ceux- là qui bouchent la vue des Dakarois, qui empêchent Dakar de respirer et sous peu les priveront des couchers de soleil. De quel titre parlent ces politiciens ? De quelle autorisation ? Par qui ? Par quelle autorité ? Qui a autorisé la destruction de nos côtes, de notre richesse inégalable que beaucoup nous envient ? Comment le littoral, ce bien commun, peut-il être l’objet d’une possession privée ?

Le premier Président du Sénégal indépendant, le Président-Poète, soucieux de la préservation du bien commun, et conscient du danger, avait pris toutes les mesures nécessaires pour protéger le littoral (c’est à croire qu’il n’y a qu’un poète pour se soucier de la beauté et delà préservation d’un littoral !) Les gouvernements successifs depuis celui de Diouf se sont peu intéressés à la protection de nos côtes. Ils ont plutôt favorisé leur occupation sauvage et précipité leur érosion. Cependant, c’est sous Wade que les choses se sont précipitées. Son régime, pris d’une boulimie effrénée de sols durant ses mandats successifs, a tout bradé à des fins électoralistes à commencer par notre littoral

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Plus aucune plage n’est accessible dans la capitale

Pendant les vacances scolaires, les enfants des quartiers périphériques de la Médina, Fass, Bopp, Grand-Dakar pour ne citer que ceux-là passent, chaque jour, une bonne partie de leurs après-midi à rechercher désespérément un petit bout de plage où faire trempette. Dans la capitale, Il ne reste plus que les plages accidentées du Cap Manuel, un bout de Soumbédioune impraticable tellement la plage est polluée et Ngor où ils finissent par s’agglutiner.

Pour une Presqu’ile, il est impensable que ses plages ne soient accessibles qu’à un nombre limité de Dakarois, des occupants illégitimes. Il est temps d’arrêter cette invasion. Tous les Sénégalais se souviennent du déguerpissement des occupants illégaux de la zone aéroportuaire de Yoff… La cupidité de certains et l’indifférence des autres finiront par priver Dakar de son poumon principal : la mer. Si nous comptons sur la manne pétrolière et gazière pour nous acheter une conduite, un tant soit peu de civisme, en somme régler tous nos problèmes, nous avons tout faux puisqu’incapables de prévoir, de planifier, de nous discipliner et pour les politiques encore moins de prendre les décisions idoines. Comme c’est facile d’accuser l’autre mais bientôt les dégâts causés à la corniche seront irréversibles. Et nous serons tous responsables. Dakar, dont la seule évocation du nom suffit à émerveiller le plus exigeant des interlocuteurs, jouit à mon humble avis d’une aura injustifiée.

Rien n’explique la réputation de Dakar, ville moderne. Tout y est en décrépitude. Dakar est vieillotte, sale, dégradée. à tout cela si vous ajoutez la puanteur des rues transformées en dépotoirs, l’occupation sauvage des grandes avenues par des garagistes peu scrupuleux vous avez, Dakar ancienne capitale de l’AOF (Afrique Occidentale Française) — loin de moi toute nostalgie d’une époque que j’ai peu connue —, plus belle ville de l’Afrique de l’Ouest qui ne vit plus à l’heure actuelle que sur une réputation usurpée. Non contents d’enlaidir Dakar, ils vont l’étouffer avec leur béton et leurs constructions baroques. On a beau accuser les régimes précédents, l’actuel n’en est pas moins coupable. L’Etat bien évidemment n’est pas le seul responsable de cet état de fait. Les Sénégalais, les Dakarois précisément ont une grande part de responsabilité.

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Les rues du centre-ville de Dakar se transforment en dortoir à ciel ouvert

Si Kigali, la capitale du Rwanda, pour ne prendre que cet exemple jouit de la réputation de ville la plus propre du continent, cela est dû en grande partie au civisme des Rwandais, à leur respect du bien commun, à leur mobilisation et à leur investissement dans l’intérêt général. Ce qu’à une époque pas si lointaine au Sénégal, nous nommions investissement humain. Chaque dernier samedi du mois, tout le Rwanda s’engage dans un grand nettoyage du pays. Chaque citoyen, où qu’il se trouve, s’investit au niveau de sa rue, de son quartier, de son village, ou de sa commune dans un travail communautaire appelé UMUGANDA (en Kinyarwanda, le pilier de la maison). Lors de cette communion dans le travail, qui mobilise tous les citoyens à commencer par le président de la République lui-même, on balaie, on désherbe, on lave, on plante des arbres, on construit même des maisons pour les plus nécessiteux.

L’UMUGANDA n’est pas seulement une mobilisation communautaire, c’est une philosophie d’entre-aide, un état esprit inscrit dans la Constitution rwandaise. Et le pays des Mille collines resplendit du civisme de ses citoyens. Que Kigali est beau ! Que Kigali est propre ! Que Kigali est vert ! à Kigali et dans tout le Rwanda, pas de sacs plastiques multicolores qui volent, pas de flaques d’eau sale dans les rues, pas d’encombrement humain sauf pour le nettoyage de la ville. Alors qu’à Dakar, mendiants et marchands ambulants disputent les trottoirs aux enfants des rues, à Kigali point de badauds. A la nuit tombée, les rues du Centreville de Dakar se transforment en dortoir à ciel ouvert. Et dire qu’il suffirait d’un simple « Ndiguel », une consigne, un appel des « voix autorisées » qu’elles soient religieuses, politiques, artistiques ou civiles pour que nos marchés, nos rues, nos boulevards, nos plages, tous nos endroits publics soient propres et beaux. Et que Dakar et le Sénégal retrouvent leur lustre d’antan. Il était temps d’appeler le Sénégalais à plus de civisme. Le seul « Ndiguel » qui vaille est celui de la construction nationale, du civisme, du respect des règlements, du respect d’autrui et du bien commun. Il est facile de dire « j’ai des droits », « ce sont mes droits » mais les devoirs qui sous-tendent ces droits qu’en faisonsnous ? Macky Sall semble avoir pris la mesure du mal qui ronge nos côtes et de l’incivisme qui gangrène notre société.

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Dans sa récente adresse à la Nation, discours on ne peut plus consensuel et même fédérateur sur certains aspects, le Président n’a pas manqué de s’inquiéter de l’incivisme de ses concitoyens. Il semble que son inquiétude a été perçue comme un « Ndiguel. » Ce que sans le formaliser le Président souhaitât qu’il en soit ainsi. L’appel du chef de l’état commence à être entendu. Les médias et la société civile font déjà écho à sa voix. Mais cela ne suffira pas. Il en manque. D’autres voix devront se joindre à la sienne, celles parmi les voix dites « autorisées ». C’est ici que le « Ndiguel » prend tout son sens. Macky Sall ambitionne de créer un Homme nouveau avec un Sénégalais réticent à toute contrainte, fier de sa liberté d’expression et d’action : «L’homo senegalensis ». Ce nouvel homme est en marche. Ambitieux programme qui, pour réussir, devra fédérer les Sénégalais de tous bords à commencer par le Sénégalais lambda. S’il y a occupation illégale de l’espace public, elle a bien commencé avec le littoral. Ressaisissons-nous, il est encore temps.

Bocar Sy 

Consultant en Communication

Email: Boc2510@gmail.com







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